Stupeur au gouvernement japonais. Shinjiro Koizumi, ministre de l’Environnement au Japon et fils de l’ex-Premier ministre Junichiro Koizumi, a décidé de prendre un congé paternité à l’occasion de la naissance de son enfant. Le choix qu’il a fait peut nous paraître dérisoire à nous Occidentaux mais au Japon, il est encore très mal perçu pour un homme de prendre un congé paternité. Ce geste est donc très symbolique pour un membre du gouvernement, voire inédit, puisque aucun ministre ne l’avait jamais fait auparavant.
UN GESTE INÉDIT POUR UN MINISTRE
Le plus jeune ministre du Japon, 38 ans, entend donc casser les codes et souhaite incarner un modèle pour les autres pères : « Je veux prendre au total deux semaines, hormis pour les obligations importantes », a déclaré Shinjiro Koizumi lors d’une réunion de ministres. Il a en outre expliqué vouloir enchaîner les jours de congés, mais travailler de façon flexible, avec des journées raccourcies ou depuis son domicile, afin de consacrer du temps à son enfant.
Au Japon, les clichés mènent la vie dure aux pères au foyer bien que le pays du Soleil-Levant soit parmi les premiers dans le classement des pays riches accordant le plus de congés de naissance, selon l’OCDE. En effet, les parents peuvent se voir accorder jusqu’à un an de congés après l’arrivée de leur enfant. 6 mois en plus sont même possibles si les parents ne trouvent pas de place en crèche.
LE JAPON, SOCIÉTÉ QUI RESTE PATRIARCALE DANS SA CONCEPTION DU CONGÉ DE NAISSANCE
N’oublions pas qu’au Japon, la grossesse est un sujet tabou et que de nombreux clichés sexistes persistent au sein des entreprises japonaises. C’est pourquoi il est particulièrement mal perçu de prendre un congé paternité, d’autant plus que la plupart des entreprises nippones exigent des salariés qu’ils s’investissent sans réserve dans leur travail, au détriment parfois de leur vie de famille. Selon notre source du Monde, seulement 6 % des pères prennent un congé paternité, et plus de 70 % d’entre eux sont absents moins de 15 jours de leur travail. 82 % des mères demandent un congé paternité après la naissance de leur enfant, et sont parfois contraintes d’abandonner leur carrière professionnelle au profit de leur vie de famille.
Un sondage réalisé en 2015 avait même révélé que la moitié des femmes enceintes et professionnellement actives au Japon subissaient une forme de harcèlement (qu’on appelle là-bas matahara) et même que 20 % des sondées avaient été licenciées une fois enceintes.
Certaines entreprises japonaises ont même mis en place un système scandaleux, nommé “le calendrier de grossesse”, et soumis aux employées. Ces dernières sont censées suivre un ordre établi par leur hiérarchie pour se marier et tomber enceintes. Une femme n’a tacitement donc pas le droit de tomber enceinte quand elle le souhaite, elle doit attendre que son tour vienne sans prendre la place d’une autre salariée plus haut placée. Quand bien même cette pratique est illégale, les entreprises continuent d’agir en toute impunité, et ne sont pas dénoncées. En 2018, une jeune puéricultrice avait été forcée de s’excuser auprès de la directrice de la crèche dans laquelle elle travaillait car elle était tombée enceinte alors qu’une de ses collègues était prioritaire sur le calendrier ; elle avait alors dénoncé ce système au moyen d’une lettre adressée au quotidien Mainichi Shimbun.
UN TAUX DE NATALITÉ TOUJOURS PLUS BAS
Les clichés véhiculés par cette société patriarcale ont une incidence sur le très faible taux de natalité du Japon. Forcer les femmes à faire un choix entre vie de famille et vie professionnelle pousse certaines d’entre elles à abandonner ou retarder leur projet d’enfant. Le Japon a ainsi enregistré 864 000 naissances en 2019, soit 6 % de moins qu’en 2018 et le taux le plus faible jamais observé. Le gouvernement essaie tant bien que mal de faire se redresser ce taux en augmentant les places en crèche et en incitant les femmes à retravailler après avoir eu des enfants mais cela ne semble avoir que peu d’effets face aux clichés machistes encore véhiculés.
Par Jeanne Gosselin, le
Source: Le Monde
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