Le destin est parfois étrange et fantastique à la fois, comme en témoigne l’histoire d’Isabella Bird, l’une des plus grandes exploratrices du XIXe siècle. Elle a sillonné la Chine, la Corée, le Japon, l’Inde, le Colorado, le Canada, les États-Unis et bien d’autres pays pour soigner, à l’origine, sa maladie.
Isabella Lucy Bird (1831-1904) est née à Boroughbridge dans le Yorkshire. Durant toute son enfance, sa famille déménage régulièrement au gré des mutations de son père, pasteur dans différentes paroisses.
En 1854, son père lui donne £100 pour visiter des parents en Amérique. Il l’autorise à rester sur place jusqu’à épuisement de ses fonds. De ce premier grand voyage, elle tire son premier ouvrage, publié en 1856 : The Englishwoman in America. Le succès est au rendez-vous, c’est le début d’une vie de voyages et d’écriture. Finançant ses voyages par ses écrits dès 1857, elle se rend au Canada et en Écosse.
DE NATURE MALADIVE, ELLE SE REND RAPIDEMENT COMPTE QUE SES SYMPTÔMES DISPARAISSENT LORS DE SES VOYAGES
A partir de 1868, elle prépare de nombreuses expéditions tout autour du monde. Elle se rend en 1872 en Australie et aux îles Sandwich (Hawaii), sujet de son second ouvrage publié en 1875 : The Hawaiian Archipelago.
IL LA FASCINE AUTANT QU’ELLE L’IMPRESSIONNE ET LA CAPTIVE
Dès 1873, elle se rend au Colorado qui n’est pas encore rattaché aux États-Unis, car son air pur est réputé bénéfique aux infirmes et aux malades. Habillée d’un pantalon recouvert d’une longue jupe, décence victorienne oblige, elle monte à cheval comme un homme et parcourt de longues distances dans les Rocheuses. Elle fait la rencontre d’un hors-la-loi, Jim Nugent, dont elle disait à sa sœur dans ses lettres : « Un homme que n’importe quelle femme pourrait aimer, mais avec lequel aucune femme raisonnable ne se marierait. »
Elle rentre finalement au Royaume-Uni chez sa soeur Henrietta dite « Henny », publie une partie de leur correspondance sous le titre A Lady’s Life in the Rocky Mountains publiée en 1879. Elle rencontre à ce moment-là son futur époux, John Bishop, un médecin d’Édimbourg. Mais elle a déjà l’esprit ailleurs, tourné vers l’Asie mystérieuse.
Elle visite la Chine, la Japon, le Vietnam, Singapour. Au Japon, elle part à la rencontre du peuple Aïnou, alors persécuté par les autorités. Alors qu’elle est à l’autre bout du monde, sa sœur Henny tombe malade et décède de la typhoïde. Elle publie dès son retour en 1880, Unbeaten Tracks in Japan, et accepte finalement la demande en mariage de John Bishop. La condition d’épouse au foyer ne lui convient pas et elle tombe rapidement malade. Pendant cette période, elle publie The Golden Chersonese and the Way Thither. Finalement, son époux décède à son tour en 1886.
Bien qu’approchant la soixantaine, elle décide d’apprendre la médecine et de devenir missionnaire. En 1889, elle se rend ensuite dans la luxuriante colonie britannique des Indes. Elle y fonde le John Bishop Memorial Hospital, à la mémoire de son mari. De là, elle traverse le Tibet, puis passe en Turquie, Perse et Kurdistan. Ce voyage épique est relaté en 1891 dans son ouvrage Journeys in Persia and Kurdistan et en 1894, dans Among the Tibetans, seul ouvrage traduit en français. L’année suivante, elle rejoint un groupe de soldats britanniques qui voyagent entre Bagdad et Téhéran.
DEVENUE VEUVE, LA PERSPECTIVE DE RECOMMENCER À VOYAGER LUI PERMET DE SE RÉTABLIR
Elle retourne au Japon et en Corée en 1894, puis en 1897, elle se rend en Chine et en Corée où elle explore les fleuves Yang Tsé Kiang et Han. Dès son retour, elle publie Korea and her Neighbours (1898), The Yangtze Valley and Beyond (1899) et Chinese Pictures (1900).
Au tournant du nouveau siècle, elle séjourne parmi les berbères marocains. Les lecteurs suivent ses aventures dès 1901 dans Notes on Morocco. Elle s’éteint peu avant son soixante-troisième anniversaire alors qu’elle prévoyait un nouveau voyage en Chine.
Aventurière et femme de lettres, ses écrits ont passionné des milliers de lecteurs pendant des décennies. Autre distinction honorifique, elle sera élue membre de la Royal Photographic Society de Londres, en janvier 1897, en reconnaissance de ses travaux photographiques dans les régions les plus reculées du monde.
Grande figure britannique de la seconde moitié du XIXe siècle, elle incarne les prémices du féminisme. Résolument victorienne dans sa façon de penser, Isabella Bird a pourtant montré à tout l’Empire qu’une femme pouvait être aussi courageuse et intrépide qu’un homme. Sa vie est un sujet d’étude à part entière. Elle est aussi un personnage de la pièce Top Girls de Caryl Churchill en 1982. En 2013, un édu-manga en trois tomes lui est consacré, publié en France en 2017.
EN 1892, C’EST LA CONSÉCRATION QUAND ELLE DEVIENT LA PREMIÈRE FEMME À ENTRER DANS LA TRÈS PRESTIGIEUSE ROYAL GEOGRAPHICAL SOCIETY
Tout comme Alexandra David-Néel et Jeanne Baret, Isabella Bird a su suivre son cœur et s’est affranchie des conventions de son temps. Ses voyages ont permis de découvrir les us et coutumes de peuples lointains et ses photographies et écrits sont des témoins précieux de ces cultures, dont certaines ont aujourd’hui disparu ou presque.