Un homme à la morgue via Shutterstock
A l’heure d’aborder le sujet de la mort, beaucoup pensent à la transmission de leurs biens, mais très peu évoquent leur héritage numérique. Pourtant, et alors que plus d’1,5 milliard de personnes sont actives sur Facebook, l’idée d’un souvenir digitalisé prend de plus en plus de sens. SooCurious vous en dit plus sur ce sujet.
Megan Yip est avocate de planification successorale. Lorsque ses clients se présentent à son cabinet, elle établit avec eux un catalogue de ce qu’ils possèdent et les fait réfléchir à ce qu’ils veulent faire de leurs biens. Et depuis quelque temps, dans ce processus, l’étape suivante consiste à se consacrer à un inventaire numérique par lequel les clients détaillent leur existence en ligne.
Les principaux réseaux sociaux via Shutterstock
Lors d’un festival annuel sur les médias interactifs dont le sujet portait cette fois-ci sur l’héritage numérique, Megan Yip a expliqué comment elle présentait à ses clients la complexité d’une vie numérique après leur mort. La spécialiste a souligné que les inventaires numériques n’étaient pas encore une norme, mais qu’à mesure que les frontières entre le monde en ligne et le vrai monde devenaient plus floues, les lois devraient progressivement inclure les actifs virtuels.
Préserver l’héritage des individus n’est pas qu’une question juridique et revêt aussi une dimension morale. Les médias sociaux, qui hébergent des milliards de vies numériques, ont donc une responsabilité de proposer les outils permettant aux particuliers et aux avocats d’honorer les souhaits des défunts. Exemple de ce type de service : Facebook offre à ses utilisateurs disparus des comptes de commémoration.
Des tombes commémoratives via Shutterstock
Quand un membre de la famille ou un ami du défunt remplit un formulaire pour informer Facebook de la mort du titulaire d’un compte, le profil acquiert un statut spécial. Sa page personnelle est alors dotée de la mention « En souvenir de » et devient un lieu virtuel commémoratif qui conserve les paramètres, les photos et les messages existants. Et à l’inverse du reste du réseau social, cette zone numérique de recueillement devient exempte de publicité.
Facebook propose ce service depuis près d’une décennie désormais. Mais John Troyer, directeur du centre pour la mort et la société à l’université de Bath, en Angleterre, souligne que la commémoration remonte au XIXe siècle, avec l’invention du télégraphe et que ce mode de communication fut largement utilisé comme outil pour informer les gens du décès de quelqu’un. A partir de là et jusqu’aux messages vocaux et autres mails, les gens ont toujours trouvé le moyen de préserver des souvenirs à travers les technologies de communication.
John Troyer
Désormais, avec l’avénement des réseaux sociaux, le processus très personnel du deuil a pris une nouvelle dimension, une dimension numérique. « Il est très fréquent que lorsqu’une personne meurt, [les gens] établissent ce qu’on appelle une liaison continue avec le défunt », explique John Troyer. « Ce n’est pas parce qu’il existe un lien que cela est anormal. Je pense que les outils numériques que nous avons développés au cours des 20 dernières années ont considérablement étendu ces limites », poursuit-il.
Selon Vanessa Callison-Burch, chef de produit pour la fonction de commémoration de Facebook, affronter la perte d’une personne via les réseaux sociaux est un prolongement naturel de nos vies. « Lorsque quelqu’un meurt, nous commençons à nous remémorer des histoires, à nous souvenir, et nous voulons être réunis avec des gens qui aimaient la même personne disparue », explique-t-elle. « Cela arrive dans le vrai monde, au sein de communautés réelles. Et cela arrive également en ligne, désormais. Il y a parfois un avantage à entendre certaines choses sur le défunt via d’autres personnes, choses que vous n’auriez pas su autrement. Des amis de la personne, des gens que vous ne connaissiez pas, peuvent partager des histoires et vous donner de beaux détails sur la vie du défunt. »
Vanessa Callison-Burch
La fonction de commémoration est une manière, pour Facebook de créer un espace pour que les gens se recueillent. Mais c’est aussi un outil qui permet de respecter les dernières volontés – ou les derniers réglages, dans ce cas – de l’utilisateur. Ainsi, le compte garde les mêmes paramètres, et donc les mêmes amis, et devient ainsi inaccessible à toute personne exclue du cercle privé de l’utilisateur disparu.
Vanessa Callison-Burch relate par exemple l’histoire d’un homme n’ayant pas de compte Facebook, mais qui voulait pouvoir accéder aux histoires et hommages que les amis de son fils disparu partageaient sur le réseau social. L’homme s’est donc créé un compte et a demandé à Facebook de l’ajouter comme ami sur le compte de son fils. Sauf que l’entreprise ne pouvait savoir ce qu’aurait voulu le fils défunt et n’a pu accéder à sa requête.
Un homme utilise Facebook via Shutterstock
Suite à un très grand nombre de demandes similaires de la part de familles endeuillées, l’entreprise a dû trouver un moyen pour les utilisateurs d’indiquer leurs préférences. Vanessa Callison-Burch a donc lancé un outil, en 2015, qui porte cette responsabilité à la charge des utilisateurs. Désormais, ceux-ci peuvent anticiper leur mort, choisissant de supprimer leur compte ou même de désigner quelqu’un qui prendra soin de leur vie numérique après leur décès. L’outil ne permet pas au successeur numérique désigné d’accéder aux messages privés ou de s’identifier comme la personne disparue. Mais il peut modifier les photos de profil et de couverture pour commémorer le souvenir du défunt et répondre à de nouvelles demandes d’amis.
Facebook a des millions d’utilisateurs décédés. Mais le concept de commémoration ou de transmission de l’héritage numérique n’est pas aussi connu qu’il devrait l’être. « Le plus grand défi est que tout le monde ne sait pas que ce paramètre existe », a déclaré Vanessa Callison-Burch. « Il nous arrive encore d’avoir des demandes venant de proches qui veulent ajouter un compte en ami. Mais s’il n’y a pas d’héritier numérique, nous sommes à nouveau dans la situation d’avoir à dire que nous ne pouvons pas faire cela car Facebook ne prend pas de décision au nom du titulaire du compte. Il faut donc sensibiliser les gens pour qu’ils connaissent cette option. »
Des personnes se recueillent via Shutterstock
Le concept d’héritage numérique peut encore paraitre assez superficiel. Mais face à l’omniprésence des réseaux sociaux et autres outils numériques dans nos sociétés hyper connectées, la question commence peu à peu à devenir de plus en plus concrète et importante. Si Internet est un domaine qui vous fascine, découvrez également comment l’Homme exacerbe sa méchanceté en ligne.
Par Maxime Magnier, le
Source: Engadget
Étiquettes: facebook, internet, mort, commémoration, heritage-numerique
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