Dans un monde où l’espace devient un nouveau champ de bataille, la France met les bouchées doubles pour renforcer sa souveraineté orbitale. Démonstrateurs, satellites, lasers, IA… Une stratégie offensive et défensive prend forme, avec des moyens modestes mais une ingéniosité remarquable.

Un commandement spatial stratégique qui s’appuie sur le New Space français
Depuis la création du Commandement de l’Espace (CDE) en 2019, la France s’est hissée au rang des rares nations capables de mener des opérations militaires spatiales. Ce bras armé du ministère des Armées s’appuie sur les satellites Syracuse (communications), CSO (reconnaissance optique), Ceres (renseignement électromagnétique) et participe aux exercices AsterX.
Mais face aux superpuissances spatiales que sont les États-Unis, la Chine et la Russie, la France mise sur des innovations agiles et un recours accru aux start-up du New Space français. L’Agence innovation défense (AID) et la Direction générale de l’armement (DGA) multiplient les expérimentations pour tester des technologies civiles adaptées aux besoins militaires.
Satellites furtifs, hyperspectraux, d’écoute et interconnectés : démonstrateurs en orbite
Pour augmenter ses capacités de renseignement et d’aide à la décision, la France expérimente plusieurs technologies via des missions tests :
- Hyp4u (2026) : imagerie hyperspectrale pour détecter les camouflages.
- Cobraa : traitement embarqué des images via le satellite ProtoMéthée.
- Flore : nanosatellite d’écoute électromagnétique avec triangulation innovante.
- Repttil : interconnexion satellite-satellite pour transfert rapide de données.
- Picasso : analyse automatisée des images satellitaires pour repérer les changements de terrain.
Ces missions s’appuient sur les expertises de start-up comme Unseenlabs, Prométhée, Kinéis, Sophia Engineering.
Communications laser, balises intelligentes et internet des objets militaire
Le renforcement des communications spatiales et du soutien aux opérations terrestres passe aussi par des projets innovants :
- Keraunos et Teleo : communications laser entre satellites et stations au sol.
- M3sfa : antennes au sol compactes et bon marché.
- K-Trace : balise GPS connectée avec bouton SOS pour soldats.
- Mil-IOT : déploiement de l’internet des objets sur le champ de bataille.
- Target One : précision accrue de géolocalisation de cibles, résistante au brouillage.
- Sonde téléopérée : médecine connectée inspirée du suivi des astronautes.
Projets de défense active en orbite : lasers, intercepteurs et IA contre la menace
Face aux risques d’espionnage et d’agression en orbite, la France teste aussi des capacités offensives et de protection active :
- Yoda : satellite manœuvrable de surveillance et de réaction.
- Toutatis : duo de nanosatellites simulant un combat spatial.
- Salazar : prototype d’interception annulé faute de budget.
- Bloomlase et Flamhe : tests de laser pour aveugler ou neutraliser un satellite.
- Delf.SSA : IA pour la surveillance orbitale, en partenariat avec ArianeGroup et Exotrail.
Accès à l’espace : mini-lanceurs et véhicules de transfert pour une autonomie renforcée
Enfin, l’AID soutient les efforts pour diversifier les moyens d’accès à l’orbite avec :
- Dephys : mini-lanceur à propulsion hybride de HyPrSpace.
- SpaceVan d’Exotrail : véhicule de transfert pour optimiser le placement orbital des satellites.
- Lancement de Yoda prévu par cette nouvelle chaîne logistique spatiale.
En somme, la France réinvente la guerre spatiale à son échelle : modeste mais stratégique, innovante plutôt qu’ostentatoire. Et dans les années à venir, c’est peut-être cette approche plus agile qui fera la différence dans les orbites.
Par Eric Rafidiarimanana, le