Les avancées techniques permettent aujourd’hui aux développeurs de plonger le joueur dans des univers fascinants aussi bien grâce à des graphismes sublimes que des scénarios complexes. Pour développer ces derniers, nombreux sont les créateurs de jeux à s’inspirer de thèmes sérieux qui trouvent écho dans l’actualité, offrant un champ de réflexion au joueur. L’économie, la politique, les dérives des nouvelles technologies ou encore les avancées sociales font partie des nombreux thèmes explorés par les jeux modernes. Découvrez avec nous quelques-uns des sujets les plus sérieux de l’industrie vidéoludique.
Comme expliqué dans cet épisode de Geekologie, l’industrie vidéoludique ne se contente plus de nous offrir des scénarios simples en ne développant que le gameplay. Si certains enrichissent nos connaissances historiques en nous faisant revivre les grands évènements du passé, d’autres nous poussent à nous questionner et à critiquer l’ordre établi. C’est le cas des jeux Bioshock et de Deus Ex. Le premier, édité et créé par 2K Games, nous fait suivre un personnage nommé Jack alors qu’il découvre une ville sous-marine baptisée Rapture. Au cours du jeu, la ville révèle ses mystères y compris la raison de son existence : construite par un milliardaire nommé Andrew Ryan durant la Seconde Guerre mondiale, elle devait être un refuge utopique loin des horreurs des conflits, de la violence du monde et de la noirceur de l’humanité. Très vite, son utopie s’écroule alors que les habitants de Rapture deviennent dépendants à l’Adam, une substance sous-marine qui rend les humains fous et crée des déformations physiques. Dans le but de reprendre la main sur sa ville, Andrew Ryan, aidé de scientifiques, utilise la science pour contrôler les consommateurs d’Adam et en faire des esclaves. C’est dans une ville détruite digne d’un film d’horreur que le joueur doit trouver son chemin et interagir avec différents personnages et notamment Andrew Ryan qui voit Jack comme un ennemi.
Si le scénario de ce jeu pousse à lui seul la réflexion du joueur, le gameplay participe aussi grandement à l’intérêt que l’on peut porter à Bioshock. En effet, rien n’oblige le joueur à se conduire de façon juste ou morale et le jeu lui offre la possibilité de faire ses propres choix en fonction des situations : dans le but de contrôler les habitants de la ville, la scientifique Brigid Tenenbaum a modifié des petites filles pour qu’elles récoltent l’Adam sur les cadavres qui jonchent la ville. Se rendant compte de l’horreur de ses actions, elle demande de l’aide au personnage principal pour qu’il lui ramène celles qu’elle appelle « les petites soeurs ». Lorsqu’il rencontre une de ces filles, le joueur peut choisir de la ramener à sa créatrice ou de la tuer pour lui voler l’Adam qu’elle possède dans le but de le revendre pour obtenir plus de pouvoirs. Plus qu’un simple jeu sur le bien ou le mal, cette création de 2007 traite de l’éthique, de la politique et questionne les chemins empruntés pour atteindre l’utopie.
Dans un thème similaire, Deus Ex place le joueur en 2050, dans une société chaotique ruinée par la maladie. En effet, la peste grise décime la population et bien qu’un vaccin existe, il n’est destiné qu’aux personnes considérées comme importantes pour la société. Seuls les militaires, scientifiques et intellectuels de talent sont protégés et si cette gestion élitiste des soins est supposée préserver les réserves de vaccins et protéger l’avenir de l’humanité, elle n’en reste pas moins affreuse sur un point de vue éthique. En effet, cette répartition des vaccins part du principe que certaines vies sont plus précieuses que d’autres et que c’est au gouvernement de choisir quelle personne devra être sauvée aux dépens d’une autre. Dans Deus Ex, le joueur agit au travers de JC Denton, un agent de l’UNATCO, une agence des Nation Unies qui lutte contre le terrorisme, l’autre plaie du XXIe siècle. Au fur et à mesure de l’évolution de ses missions, le personnage commence à se questionner à propos des intentions de ses supérieurs. Il doute de la transparence du pouvoir en place et des bienfaits de ses actions. Dans un monde tiraillé entre les menaces terroristes et complotistes, les décisions sont prises sous le coup de la peur et de la paranoïa. Denton, qui évolue dans des lieux réels (Hong Kong, New York ou Paris) doit faire des choix qui correspondent à sa vision de ce qui est juste.
Cet opus n’est pas le seul à soulever des questions importantes : Deus Ex : Human Revolution, sorti en 2011, est le préquel des deux premiers opus. Il traite de l’abondance de la technologie et des effets qu’elle peut avoir sur l’humanité : le scénario oppose Sarif Industrie, une entreprise qui invente des produits censés compenser ou remplacer des parties du corps humain, à ceux qui affirment qu’en transformant l’homme, Sarif industrie l’aliène. Si les premiers se placent en sauveurs et avancent l’idée qu’ils participent à l’évolution de l’humanité (leurs produits sont d’ailleurs nommés « Augmentation ») les seconds y voient un danger qui pourrait être fatal à la race humaine. L’éditeur de ce jeu, Eidos Montréal, ne se contente pas de traiter un seul thème et étend sa réflexion à la mondialisation, l’espionnage, mais aussi la pauvreté et enfin, vous l’aurez compris, l’éthique.
Un grand nombre de jeux vidéo de simulation se sont penchés sur l’actualité et c’est le cas de la création du studio américain ImpactGames, PeaceMaker. Sorti en février 2007, ce jeu est le fruit du travail d’un groupe d’étudiants universitaires de Pennsylvanie et il plonge le joueur au coeur du conflit israélo-palestinien. C’est en incarnant le Premier ministre israélien ou le président de l’Autorité palestinienne que le gamer doit prendre des décisions politiques, économiques et sociales qui mettront un terme à la guerre. Le travail de développement de ce jeu fut tel, qu’il est aujourd’hui jugé comme un outil facilitant la compréhension des enjeux du conflit.
PeaceMaker fait partie d’un genre à part entière du jeu vidéo, les serious games et de son sous-genre, les political games. Il n’est évidemment pas le seul, de nombreux studios indépendants se sont spécialisés dans les jeux à thèmes sérieux comme c’est le cas du développeur indépendant Gonzalo Frasca qui a créé le jeu Septembre 12th. Cette dernière oeuvre dénonce clairement et sans détour les conséquences des offensives militaires dans lieux de vie. C’est au Moyen-Orient que le joueur se promène dans des rues peuplées de civils tout en y croisant des terroristes. Sur l’écran une cible se dessine, il ne reste plus qu’à la pointer sur l’homme qui représente une menace mais très vite le joueur s’aperçoit qu’il n’est pas possible de toucher sa cible sans tuer des civils innocents. Que ce soit clair, vous ne pourrez pas gagner une partie dans ce jeu : en visant les terroristes, vous tuez des innocents et par cet acte barbare, vous participez à la création de nouveaux terroristes. Frasca a fait en sorte que vous ne puissiez pas être précis dans vos frappes et en fin de compte, vous perdez la partie dès le premier missile lancé.
Après des dizaines d’années d’existence, l’industrie vidéoludique se détourne de l’idée qu’un jeu doit absolument servir au divertissement et offre au joueur la possibilité d’intégrer un univers lui donnant les clefs pour réfléchir par lui-même. Ce dernier ne se contente plus d’appuyer sur les touches de son clavier ou de sa manette, il peut et doit faire des choix qui auront des conséquences. Les développeurs nous poussent à réfléchir sur des sujets économiques, politiques, sociaux et même philosophiques. Si l’initiative est à saluer, il y a fort à parier que certaines prises de position dans les jeux seront, à l’avenir, vivement critiquées. D’après vous, les jeux vidéo doivent-ils devenir des oeuvres critiques ou rester dans le divertissement ?
Par Mathilde Rochefort, le
Source: Geekologie
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