L’analyse de prélèvements réalisés à Hawaï a permis la mise en évidence d’un impressionnant éventail de microbes jusqu’alors inconnus, prospérant dans les grottes géothermiques, les tubes de lave et les cheminées volcaniques de l’île.
Sonder la « matière noire terrestre »
S’étant formées il y a entre 65 et 800 ans, ces structures souterraines abritant des minéraux et divers gaz toxiques ne reçoivent que peu ou pas de lumière solaire. Pourtant, les tapis microbiens en constituent une caractéristique commune. Le récent examen de 70 échantillons récupérés au cours des deux dernières décennies a conduit à l’identification de formes de vie encore plus singulières que prévu. Leur séquençage ARN, utilisé pour quantifier la diversité et l’abondance microbienne, ne révélant aucune correspondance avec des genres ou espèces connus.
Plus petits organismes vivants connus sur Terre, les microbes sont présents partout. Après les plantes, ils représentent la plus grande part de la biomasse de notre planète et presque toute celle de son sous-sol profond. Historiquement négligés, ces organismes souterrains ont suscité davantage d’intérêt ces dernières années en raison de leur capacité à prospérer dans des conditions particulièrement hostiles, semblables à celles que l’on trouve sur Mars.
Il reste cependant beaucoup de chemin à parcourir : selon des estimations récentes, 99,999 % de toutes les espèces de microbes restent inconnues, ayant conduit certains chercheurs à les qualifier de « matière noire terrestre ». Décrites dans la revue Frontiers in Microbiology, les nouvelles recherches menées à Hawaï soulignent à quel point ces formes de vie demeurent obscures.
« Dans le monde naturel, les microbes se développent, vivent et interagissent avec de nombreux autres microorganismes dans une mer de signaux chimiques. Cela peut ensuite modifier l’expression de leurs gènes, affectant ainsi leur rôle au sein de la communauté », explique Rebecca Prescott, microbiologiste à l’université d’Hawaï et auteure principale de l’étude.
Des rôles biens précis
Les échantillons ont été prélevés sur différents types de sites. Si les tubes de lave ayant entre 500 et 800 ans abritaient des populations de microbes plus variées que les sites géothermiquement actifs ou vieux de moins de 400 ans, les interactions microbiennes au sein de ces derniers (impliquant notamment des protéobactéries et des actinobactéries) s’avéraient plus complexes, indiquant qu’une plus faible diversité obligeait les microbes à « collaborer » davantage pour assurer leur survie.
Dans les grottes de lave plus jeunes, les microbes avaient tendance à être plus éloignés les uns des autres, suggèrant une compétition plus forte dans les environnements plus rudes, réduisant les chances que des espèces étroitement liées vivent côte à côte.
Plusieurs classes de bactéries, comme les Chloroflexi et les Acidobacteria, étaient présentes sur presque tous les sites, quel que soit leur âge, soulignant leur rôle clé au sein de telles communautés microbiennes. Selon les chercheurs, il est probable que Chloroflexi fournisse
des sources de carbone dans l’écosystème en exploitant l’énergie lumineuse dans des conditions relativement sombres.