Face aux multiples découvertes relatives à Mars, la question se pose de plus en plus de savoir si une forme de vie pourrait y survivre. En observant certains organismes terrestres, des scientifiques ont donc sélectionné une liste de candidats à une potentielle survie sur la planète rouge. DGS vous présente les postulants au titre de survivant martien.

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Dire que Mars est une planète hostile relève plus de l’euphémisme que de la vérité. Plus éloignée du Soleil que la Terre et pourvue d’une atmosphère ténue, la planète rouge est un environnement glacial : à sa surface, les températures moyennes y sont de -60 °C et tombent à -126 °C en hiver. Ajoutés à cela les 95 % de dioxyde de carbone qui composent son atmosphère, la très faible quantité d’oxygène qui s’y trouve et les radiations mortelles qu’émet le Soleil, la vie sur Mars parait impossible. Pourtant, des scientifiques ont sélectionné quelques organismes terriens et qui résident dans les lieux les plus hostiles de notre planète, tels que les lacs sulfureux ou les pergélisols. Ces microbes apparaissent dès lors comme les meilleurs candidats à une éventuelle survie sur Mars.

Plus sérieux postulant au titre de survivant martien : Deinococcus radiodurans. Surnommé « Conan la bactérie » pour sa grande résistance, ce microbe est presque indestructible. Ainsi, la bactérie est capable de résister à de très basses températures. Les scientifiques l’ont ainsi refroidie jusqu’à -79 °C, soit la température moyenne de Mars au niveau de ses latitudes moyennes. Enfin, les chercheurs ont bombardé Deinococcus radiodurans avec des rayons gamma pour simuler la dose qu’elle recevrait en vivant à 30 cm sous le sol martien durant un long laps de temps. Finalement, les organismes se sont révélés si résistants que les chercheurs ont estimé qu’il faudrait 1,2 million d’années dans ces conditions pour réduire leur population à un millionième de sa taille d’origine.

LA BACTÉRIE DEINOCOCCUS RADIODURANS EST CAPABLE DE RÉSISTER À DE TRÈS BASSES TEMPÉRATURES

Autres concurrents potentiels : la famille des Halobacteriaceae. Ces microbes sont des exemples d’anciens microbes de type bactérien, appelés archéobactéries, qui sont certainement les plus anciennes formes de vie de la Terre et y auraient évolué il y a 3,5 à 3,8 milliards d’années. Les Halobacteriaceae vivent dans des endroits salés de la Terre, comme la mer Morte, et deux membres de cette famille, Halococcus dombrowskii et Halobacterium sp. NRC-1, ont déjà prouvé qu’ils pouvaient survivre à une atmosphère martienne simulée. Ainsi, une expérience a montré qu’ils pouvaient facilement faire face à des pressions six fois plus élevées que la pression atmosphérique terrienne, à une atmosphère composée de 98 % de dioxyde de carbone, et à une température de -60 °C jusqu’à 6 heures d’affilée.

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La bactérie Deinococcus radiodurans

AU LIEU DE RESPIRER L’OXYGÈNE, LES MÉTHANOGÈNES UTILISENT DE L’HYDROGÈNE ET DU DIOXYDE DE CARBONE COMME SOURCES D’ÉNERGIE

L’astrobiologiste Stefan Leuko, du Centre aérospatial allemand, a testé trois autres archéobactéries halophiles, soit résistantes au sel. Il a tenté de déterminer si elles pouvaient résister à un rayonnement solaire aussi puissant que celui trouvé dans l’espace. Il a constaté que deux de ces organismes, Halobacterium salinarum NRC-1 et Halococcus morrhuae, étaient beaucoup plus résistants aux radiations que la troisième espèce de bactérie, Halococcus hamelinensis, malgré le fait qu’elles soient toutes trois de la même famille. Surtout, les bactéries halophiles sont particulièrement prometteuses puisque certaines preuves – controversées cela dit – indiquent que certaines bactéries auraient survécu sur Terre à l’intérieur de cristaux de sel pendant des millions d’années. Selon Stefan Leuko, « lorsque l’on parle de résistance aux rayonnements, le grand vainqueur est toujours Deinococcus radiodurans (Conan la bactérie), mais cette souche ne peut pas survivre dans des environnements très salés ». Le scientifique voit donc dans les archéobactéries halophiles « de bons candidats pour ce qui est de trouver de la vie (éteinte ou existante) sur une autre planète ».

Enfin, un autre type d’archéobactéries pourrait aussi avoir ce qu’il faut pour survivre sur Mars : les méthanogènes. Au lieu de respirer de l’oxygène, elles utilisent de l’hydrogène et du dioxyde de carbone comme sources d’énergie, générant du méthane en contrepartie, d’où leur nom. Ces bactéries sont très répandues dans la nature et se logent souvent dans des environnements extrêmes. On les a notamment trouvées dans des sources chaudes, des étangs salés, des lacs salés et alcalins et dans les pergélisols sibériens. On les a aussi trouvées dans les tripes de bovins et dans de la matière morte ou en décomposition.

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L’atmosphère de Mars contient 95 % de CO2 et très peu d’oxygène HelenField / Shutterstock.com

Les méthanogènes sont de parfaits candidats à la vie sur Mars, étant donné que ces organismes simples n’ont pas besoin de lumière, d’oxygène ou de nutriments organiques pour survivre, et qu’aucun de ces éléments n’abonde sur notre planète voisine. Ainsi, au cours d’une expérience menée en 2007, des espèces d’archéobactéries méthanogènes ont été exposées à des conditions simulées de l’environnement de Mars et ont survécu.

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Une équipe dirigée par Dirk Wagner, du Centre de recherche allemand de géosciences de Potsdam, en Allemagne, a trouvé une espèce de bactérie méthanogène indestructible, nommée Methanosarcina soligelidi, vivant dans le pergélisol de l’île Samoylov, en Sibérie. Le chercheur appelle d’ailleurs le microbe son « super-héros », en raison des conditions qu’il peut supporter. Ainsi, la température moyenne quotidienne, sur Samoylov, est de -14,7 °C, même si elle peut descendre jusqu’à -48 °C. L’île est également très sèche, avec seulement 190 mm de pluie par an, et des sols gelés en permanence. Wagner avait déjà découvert des microbes et autres bactéries méthanogènes vivant dans des sols gelés et capables de survivre dans un froid et une déshydratation intenses, mais son « super-héros », en comparaison, est presque indestructible.

Dirk Wagner a bombardé le microbe avec des ultraviolets solaires et des radiations gamma ionisantes pour tester la limite de sa survie. Les résultats indiquent que Methanosarcina soligelidi peut ainsi supporter jusqu’à 13,8 fois plus de rayonnements UV et 46,6 fois plus de radiations ionisantes qu’une autre espèce de bactérie méthanogène, Methanosarcina barkeri. Le microbe de Dirk Wagner peut donc supporter un niveau de rayonnement semblable à celui qui avait cours sur la Terre primitive, et aujourd’hui sur Mars.

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Mais pourquoi ces microbes sont-ils si résistants ? Pourquoi ont-ils évolué pour survivre à des niveaux de rayonnement qui sont courants dans l’espace et sur Mars, mais qu’on ne trouve généralement pas sur Terre ? Par exemple, la dose de rayonnements ionisants qui se trouve dans le pergélisol, est d’environ 2 milligrays par an, soit à peu près la même quantité que le rayonnement d’un seul scanner cérébral, et très loin en dessous du seuil de rayonnement affiché par certains microbes vivant dans cet environnement. Une des raisons réside dans l’âge des microbes. La plupart des espèces les plus résistantes aux radiations sont des archéobactéries, un des groupes d’organismes les plus anciens et les plus primitifs. Les archéobactéries se sont développées lorsque la Terre n’avait pas de couche d’ozone et était exposée à tout le spectre ultraviolet du Soleil. Les niveaux de radiations sur Terre étaient alors bien plus élevés qu’aujourd’hui, et les premiers organismes colonisateurs de la Terre auraient eu besoin de ce mécanisme de défense. On suppose qu’ils auraient conservé ces extraordinaires propriétés, même après que notre planète a disposé d’une couche d’ozone. Cependant, la plupart des chercheurs estiment que la vie a commencé dans les profondeurs des océans, où le rayonnement n’aurait pas réellement posé problème, même avant la présence d’une couche d’ozone terrienne.

Radiations-solaires
Les radiations solaires sont rapidement mortelles hors de l’environnement terrien

TOUT LAISSE À PENSER QUE DE TELS MICROBES AIENT ÉGALEMENT PU SURVIVRE SUR MARS

Une autre théorie est que les micro-organismes ont développé leur résistance au rayonnement par accident, comme une conséquence de leur adaptation à leurs environnements extrêmes sur Terre. Dirk Wagner explique d’ailleurs : « En général, les organismes résistant à un stress sont également résistants à d’autres. » Ainsi, selon lui, « les bactéries Deinococcus radiodurans sont très résistantes aux rayonnements, mais elles sont aussi résistantes à la déshydratation. Ces deux résistances sont très probablement basées sur les mêmes mécanismes. » En d’autres termes, tous les candidats à la vie martienne – Conan la bactérie, l’Halobacteriaceae et les méthanogènes – ont développé des façons uniques de survivre dans leurs environnements, et leur résistance aux radiations ne serait qu’un sous-produit de leur évolution.

Reste un ultime questionnement : comment les microbes se protègent-ils exactement des radiations ? Car si beaucoup sont capables de résister aux UV, les radiations gamma ionisantes sont bien plus puissantes et pénètrent profondément dans les cellules. Certaines bactéries ont donc élaboré des méthodes spécifiques, comme Conan la bactérie. Une étude a ainsi révélé qu’elle était capable de réparer son ADN endommagé par les radiations gamma ionisantes, ceci grâce à des protéines de réparation. Mais elle aurait également une autre technique intéressante, qui consiste à copier ses gènes sur des chromosomes différents, de manière à ce que, si une ou deux copies sont endommagées, la cellule puisse utiliser une autre copie du gène pour rester en vie, alors que la bactérie répare l’ADN endommagé.

Halobacteria

Malgré l’extrême résistance de ces bactéries, ni Stefan Leuko ni Dirk Wagner ne sont réellement convaincus qu’elles puissent survivre à la surface de Mars aujourd’hui, les conditions qui y règnent apparaissent tout simplement trop extrêmes, même pour les formes de vie terrestres les plus résistantes. Néanmoins, beaucoup de preuves suggèrent que des rivières, lacs et mers coulaient autrefois sur Mars. De quoi laisser supposer que la vie ait existé sur la planète rouge. Et si des bactéries ont su résister sur Terre, se développer et finir par émerger sous forme de vie intelligente, tout laisse à penser que de tels microbes aient également pu survivre sur Mars. Selon Dirk Wagner, ces formes de vie « pourraient avoir disparu, mais pourraient tout aussi bien être enterrées au plus profond de la croûte martienne ».

La surface de Mars via Shutterstock
La surface de Mars esfera / Shutterstock.com

Ces formes de vie primitives sont incroyables. Elles ont su transcender les âges et les évolutions terrestres successives grâce à leur incroyable résistance, acquise au cours de millions d’années d’existence. Si les avancées relatives à la planète rouge vous intéressent, découvrez également le robot conçu par la NASA pour révolutionner nos connaissances sur Mars. L’incroyable ténacité de ces organismes ne vous laisse-t-elle pas espérer qu’une forme de vie existe autre part dans l’Univers ?

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