Le film noir, c’est avant tout le transfert de l’atmosphère des nouvelles et romans de détective des années 20 et 30 au cinéma. Les premières traces du mouvement se dessinent avant la Seconde Guerre mondiale, mais c’est surtout dans la fin des années 40 et durant les années 50 que le genre explose en popularité et marque toute une génération d’artistes, d’écrivains et de cinéastes.

 

Pour ce qui est du fond, ou plutôt des intrigues et des personnages, le mouvement est une matérialisation cinématographique de l’ambiance des nouvelles de détective des années 20 et 30. Dashiell Hammett (1894 – 1961) et ses 65 nouvelles est souvent cité comme la première source d’inspiration. L’écrivain deviendra d’ailleurs par la suite un scénariste pour Hollywood. Raymond Chandler (1888 – 1959), auteur de romans policiers et connu pour son héros détective privé Philip Marlowe. Hollywood ouvrira également ses portes à l’écrivain pour qu’il puisse scénariser des oeuvres proches de ses écrits.

 

 

Ces deux sources littéraires étaient elles-mêmes inspirées par le naturalisme où la réalité est décrite de façon précise et met l’accent sur la relation entre l’environnement d’un personnage et l’effet qu’il a sur lui. Les romans policiers sont donc naturellement une extension de cela. Pour ce qui est de la forme, le cinéma du film noir emprunte les techniques du cinéma expressionniste allemand qui connaît son apogée dans les années 20 à Berlin. Dans tous les cas, on est dans des images en noirs et blanc, dans des allées sombres, des rues pleines de fumée, des femmes fatales, des détectives privés et un reflet à la fois de la Grande Dépression et de l’attitude, empreint du cynisme de l’époque qui suit.

 

 

Mais si le mouvement s’inspire de romanciers américains et du cinéma allemand, pourquoi porte-t-il un nom français ? Parce que c’est un Français, Nino Frank, qui utilise l’expression film noir pour désigner le genre hollywoodien, en référence à la collection Série noire de Gallimard sortie en 1946. Et si on dit noir, c’est parce que ces films s’appuient tous sur une esthétique en noir et blanc pour parler de la corruption de la société américaine. Le premier grand film du genre, c’est Le Faucon maltais de 1941 où Humphrey Bogart joue Sam Spade. Peu de temps après, il incarne justement le personnage de Chandler, Philip Marlowe, qui partage les mêmes caractéristiques : imperméable et chapeau, cigarette et cynisme, solitaire et taciturne.

 

 

C’est en effet de là que nous vient l’image du détective privé. On retrouve dans ces films des angles de caméra à la limite du claustrophobique comme dans Nosferatu, un jeu de lumière constant avec les ombres pour accentuer les traits des personnages lors des plans fixes. Les personnages féminins sont notamment très sujets à cette technique, dont les expressions semblent plus froides, mais aussi plus belles. Cet effet mélangé à l’écriture des femmes dangereuses fait naître l’archétype de la femme fatale. Mais au-delà du détective et de la femme dangereuse, c’est la ville elle-même qui est au centre de l’intrigue et qui, à travers les lieux utilisés, agit souvent comme une métaphore pour les problèmes sociaux de l’époque ou fait écho à ceux des personnages.

 

 

Pour ce qui est des grands titres du cinéma de cette époque, le Le Faucon maltais fait une grosse impression dès 1941, mais d’autres films comme Assurance sur la mort de Billy Wilder en 1944 sont aussi des incontournables du genre. Dans ce dernier scénarisé par Chandler, la femme fatale a un rôle prédominant et s’inspire de l’histoire vraie d’Albert Snyder, assassiné par sa femme en 1927. Mais le film considéré comme le chef-d’oeuvre du genre, c’est Le Troisième Homme de Carol Reed, sorti en 1949 où les grands Joseph Cotten et Orson Welles se donnent la réplique. Un jeune écrivain se rend à Vienne sur l’invitation de son ami qui aurait une proposition professionnelle à lui faire et permettrait à l’auteur de vivre de son art. Seulement lorsqu’il arrive sur place, son ami est mort et les rebondissements ne font que commencer alors que le personnage s’engloutit progressivement dans une ville cynique se relevant à peine de la Seconde Guerre mondiale.

 

Alors que ce mouvement incroyable du cinéma fut d’abord inspiré par la littérature américaine et le traitement de l’image allemand, le film noir parvient à forger une image qui lui est propre et qui caractérise toute une époque. Depuis, c’est ce genre à part qui est revenu dans le monde littéraire pour inspirer de nombreux écrivains, que ce soit pour le genre policier, fantastique ou même de la science-fiction. Quel est votre film préféré du genre noir ?

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