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Les femmes scribes au Moyen Âge étaient beaucoup plus nombreuses qu’on ne le pensait

Selon une étude récente, au moins 110 000 manuscrits ont été écrits par des femmes

femmes scribes
Image d’illustration — © Michigan State Law Review, Vol.1 (2006) / Wikimedia Commons

L’image classique du scribe médiéval évoque souvent un moine concentré sur son ouvrage, copiant minutieusement des manuscrits à la lueur d’une bougie. Pourtant, une étude récente, publiée dans la revue Nature’s Humanities and Social Sciences Communications, révèle que les femmes ont joué un rôle beaucoup plus important dans la production de livres au Moyen Âge que ce que l’histoire a longtemps supposé. Des chercheuses et chercheurs de l’université de Bergen, en Norvège, ont mené une vaste analyse de manuscrits médiévaux et ont découvert que les femmes scribes étaient bien plus nombreuses qu’on ne l’imaginait.

Une analyse des colophons

En examinant plus de 23 000 colophons (des annotations laissées par les scribes à la fin des manuscrits), l’étude a identifié environ 1,1 % de ces textes comme ayant été copiés par des femmes. Bien que ce chiffre puisse sembler modeste, il correspond néanmoins à une production estimée de 110 000 manuscrits dans l’Occident latin (comprenant des régions comme l’Italie, la Gaule, l’Hispanie, l’Afrique du Nord et les îles britanniques). Parmi eux, environ 8 000 exemplaires auraient survécu jusqu’à aujourd’hui.

Selon Aslaug Ommundsen et son équipe, il est fort probable que ces chiffres soient en réalité bien en deçà de la réalité. Beaucoup de femmes scribes n’ont laissé aucune trace explicite de leur travail, soit par discrétion, soit en raison de la domination des institutions masculines qui ont éclipsé leur contribution.

Birgitta’s colophon

Une visibilité limitée

L’étude s’est appuyée sur un catalogue de colophons compilé par des moines bénédictins au XXe siècle. Ces annotations permettent parfois d’identifier une scribe lorsqu’un nom féminin apparaît ou qu’un terme spécifique tel que scriptrix (scribe féminine) ou soror (sœur) est utilisé. 

Un exemple frappant est celui de Birgitta Sigfus, une religieuse du monastère de Munkeliv à Bergen, qui a laissé cette note dans un psautier du XVe siècle : « Je suis la fille de Birgitta Sigfus, moniale au monastère de Munkeliv à Bergen, et j’ai écrit ce psautier avec des initiales, même si ce n’est pas aussi bien que je le devrais. Priez pour moi, pécheresse. »

Toutefois, la majorité des femmes scribes ont travaillé dans l’ombre, souvent dans des couvents ou des ateliers laïcs. Certaines allaient jusqu’à masquer leur identité en signant sous un nom masculin ou neutre pour éviter toute remise en question de leur légitimité. L’analyse a montré que leur présence s’étend du IXe au XVIe siècle, avec une augmentation notable des colophons féminins vers 1400. Cette période correspond également à une hausse de la production de manuscrits en langues vernaculaires, suggérant que les femmes ont trouvé davantage d’opportunités avec la diversification linguistique des textes.

Un travail exigeant dans des conditions difficiles

Loin d’être un simple passe-temps, le métier de scribe demandait une rigueur et une expertise considérables. Pourtant, les femmes exerçant cette profession faisaient face à des conditions bien plus rudes que leurs homologues masculins. La médiéviste Elaine Treharne souligne que les femmes avaient moins accès à l’éducation, aux financements et aux ressources matérielles nécessaires à la copie de manuscrits. Elles devaient souvent se contenter de peu, que ce soit en matière de formation, de nourriture ou d’espace de travail.

L’un des indices les plus surprenants de l’implication des femmes scribes a été découvert en 2019. Des chercheurs ont identifié des particules d’outremer – un pigment extrêmement précieux dérivé du lapis-lazuli – incrustées dans la plaque dentaire d’une femme enterrée aux XIe ou XIIe siècles dans un monastère allemand. Ce pigment bleu, considéré à l’époque comme plus précieux que l’or, provenait du lapis-lazuli, extrait exclusivement en Afghanistan. Cette découverte suggère que cette femme était une scribe utilisant ce pigment pour illustrer des manuscrits religieux.

Bien que les preuves tangibles de la présence de femmes scribes restent limitées, cette étude met en lumière leur rôle souvent ignoré dans la transmission du savoir médiéval. De nombreuses communautés féminines de production de livres restent encore à identifier, et il est probable que de nombreux autres manuscrits signés sous pseudonymes masculins ou anonymes aient été en réalité rédigés par des femmes.

Par ailleurs, voici 11 tortures du Moyen Âge qui étaient réservées aux femmes.

Par Eric Rafidiarimanana, le

Source: ZME Science

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