Dès leurs premières apparitions au cinéma, on a imaginé les robots humanoïdes avec une apparence féminine. Depuis, cette tendance s’est confirmée dans de nombreux films et séries. Mais quelle est la raison derrière cette surabondance de robots féminins ? On revient avec vous sur les hypothèses qui permettraient d’expliquer ce fait étonnant.  

 

Le premier robot de l’histoire du cinéma apparait dans le mythique film Metropolis de Fritz Lang, sorti en 1927, et son apparence est équivoque : il a une allure féminine. Conçu à l’image de Maria, l’héroïne du film, ce robot est d’ailleurs l’instrument principal d’une horrible machination… À l’autre bout de la frise de l’histoire du cinéma (enfin pour l’instant), le film Ex Machina, sorti début 2015, représente lui aussi un robot féminin, Ava, destiné à subir le test de Turing (le test au cours duquel une personne doit déterminer si son interlocuteur artificiel est robotique ou humain ; s’il estime que c’est un humain, alors le test est réussi), mais qui suscite un certain nombre de troubles auprès des personnages masculins. Cela fait longtemps que l’on s’interroge donc sur ce que donnerait un robot féminin, sur l’effet que cela produirait sur nous, et cette question continue d’occuper l’esprit des auteurs.

Metropolis, le chef-d’oeuvre de Fritz Lang : 

https://www.youtube.com/watch?v=ZSExdX0tds4

 

Metropolis et Ex Machina ne sont pas des cas isolés : si l’échec commercial de Metropolis a tué pour un certain temps le cinéma de science-fiction à gros budget, le genre a fait un retour fracassant dans les années 1960, et avec lui, les femmes robotiques. Dans la première série Star Trek, le Capitaine Kirk a l’occasion de séduire et de se faire séduire par des femmes androïdes, des films comme Dr. Goldfoot and the Bikini Machine ou The Bionic Woman, dans les années 1970, forgent le mythe du robot féminin sexy (le terme « fembot » serait né à cette époque). Avec des films plus tardifs comme Blade Runner dans les années 1980 ou The Eve of Destruction dans les années 1990, on retrouve à nouveau des robots féminins ambigus ou dangereux, tendance qui culmine dans les années 2000 avec Terminator 3 ou Sarah Connor Chronicles. Mais pas besoin d’un corps féminin pour déclencher le trouble, une voix seule peut suffire, comme le prouve le film Her avec (la voix de) Scarlett Johansson en assistante vocale.

Bon, la tendance n’est pas nouvelle, et elle se poursuit… et il est étonnant au premier abord qu’elle soit si répandue. Par défaut, « l’esprit » d’un robot est un programme dévolu à une tâche, ce qui n’implique absolument pas qu’il soit genré comme masculin ou féminin. De même, le « corps » de ce robot est également dévolu à une tâche, qui, dans une optique purement utilitaire, n’a pas non plus à être spécifié comme masculin ou féminin. En fait, le sexe masculin ou féminin n’a pas de sens en robotique, puisque ces concepts sont purement biologiques, et le genre (les normes et valeurs attachées au masculin et au féminin) n’a pas non plus de sens dans l’optique parfaitement utilitariste qui est la raison première d’être des robots. Alors, pourquoi autant de robots féminins ?

Le très improbable Dr Doldfoot & the Bikini Machine : 

 

Dans la réalité la seule raison pour laquelle des robots se verraient attribuer un genre serait l’interaction avec les véritables êtres humains : cela rendrait, en somme, la communication plus facile (outre le fait que, de cette façon, le robot ressemblerait davantage à l’humain). Un roman très intéressant présentant le sujet est Révolte sur la Lune, de Robert A. Heinlein. Dans ce roman l’intelligence artificielle Mike change son nom en Michelle et se fait féminin pour interagir avec des femmes, et reste masculin pour interagir avec des hommes, sans que cela pose de problème puisqu’au contraire, cela crée un plus grand sentiment de confiance auprès des usagers.

 

Cependant, dans la majorité des oeuvres où se trouvent des robots féminins, ces derniers interagissent avec des personnages masculins, et cette interaction induit justement un trouble d’ordre sentimental et/ou sexuel. Dans Ex Machina, Ava est au coeur d’un trouble de ce type, tout comme dans Sarah Connor Chronicles ou The Bionic Woman des robots féminins prennent des atours séduisants et tentateurs en total décalage avec leur inhumanité (les éléments internes mécaniques plus ou moins visibles chez chacun de ces robots, sans parler de certains éléments de leur attitude). On est en plein dans la « vallée dérangeante« , le moment où un androïde ressemble tellement à un être humain que ses moindres petites anomalies le rendent absolument monstrueux.

Ex Machina, l’une des dernières itérations en date du thème de la fembot : 

 

La plupart de ces histoires rejoignent le schéma cliché de l’intelligence artificielle en pleine rébellion – qu’elle soit féminine, masculine ou neutre – mais il est impossible de nier que le genre féminin de ces robots est un élément déterminant de ces histoires (et l’une des raisons pour lesquelles ces histoires sont si répandues). En effet, la plupart du temps, ces robots produisent un trouble sentimental ou sexuel particulièrement dérangeant, et sont symptomatiques de nos angoisses face au féminin en général (mâtiné d’un fond de misogynie), du robot femme fatale de Battlestar Galactica à la mère déçue GLaDOS du jeu vidéo Portal. Bien sûr tous les robots féminins de fiction ne sont pas menaçants, mais c’est en général pour servir de secrétaire… on en revient toujours au même point.

 

Les oeuvres de fiction sont le miroir de nos sociétés, et la seule question épineuse du cliché du robot féminin semble le prouver. Il montre tour à tour nos angoisses aussi bien face à la robotique qu’au féminin, dans un genre, la science-fiction, créé principalement par et pour des hommes (même si heureusement les choses changent :P). Pensez-vous que le robot féminin tentateur a encore de beaux jours devant lui en science-fiction ?

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