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Après avoir tué son conjoint violent, cette femme a été acquittée aux assises

Elle s'est défendue au moyen d'un couteau alors que son compagnon l'étranglait

Récemment en Meurthe-et-Moselle, une jeune femme de 32 ans a fait face à un procès pour le meurtre de son compagnon violent, qu’elle avait tué d’un coup de couteau en plein coeur en 2016, alors qu’elle était âgée de 27 ans. Malgré les 8 ans de prison et les 5 ans de suivi socio-judiciaire requis par l’avocat général, la cour a jugé que la jeune femme avait agi en situation de légitime défense, et a donc été acquittée au terme de 2h15 de délibéré. 

FLORIANNE HARELLE, LA DALMATIENNE

Cette jeune femme était victime de violences conjuguales depuis de longues années. Son corps étant couvert de bleus en permanence, elle était appellée “la dalmatienne” par ses amies. Depuis le déroulement des faits, elle était en détention provisoire. Le procès a duré trois jours et a vu le témoignage de l’accusée aussi bien que ceux d’anciennes petites amies de cet homme, qu’elles ont toutes unanimement décrit comme un compagnon particulièrement violent, “un tyran domestique accro à l’alcool et aux stups”. « Elle a été acquittée, les jurés ont estimé qu’elle était en situation de légitime défense. Je suis, bien sûr, très satisfait, car la légitime défense est très difficile à obtenir, il faut une proportionnalité, et là, en l’occurrence, elle avait un couteau et son compagnon n’était pas armé », affirme son avocat maître Jean Kopf. Le parquet a dorénavant 10 jours pour faire appel.

Florianne Harelle, l’accusée, a confié sa réaction à chaud après avoir entendu le verdict à l’Est Républicain : « Je n’ai pas les mots, je suis encore en état de choc. Je réalise à peine. J’ai hâte de retrouver mon petit garçon, de prendre ma famille dans les bras. Non, je n’y crois pas encore… » Elle avait livré un témoignage poignant aux jurés, et dans lequel elle racontait avoir vécu dans un climat où la violence était omniprésente : « C’étaient des violences de plus en plus fortes et de plus en plus fréquentes« , mais également des viols « trois fois par jour les derniers temps » et « la tête qui cogne contre les murs« . 

— Yupa Watchanakit / Shutterstock.com

LE MEURTRE DE SON MARI

Mais cette nuit du 27 au 28 novembre 2016 fut plus décisive que les autres : Johnny Adam, son compagnon, la violentait comme à son habitude. Ce soir-là, il s’était vu refuser un rapport sexuel et s’était donc mis à genoux sur la jeune femme et avait tenté de l’étrangler. Mais cette fois-ci, elle parvint à se libérer de son emprise et se réfugie dans la cuisine où elle saisit un couteau pour se défendre, alors qu’elle était “prise au piège”. Nous connaissons l’issue de ces violences engendrées par le compagnon : pour se défendre, la jeune femme blessa grièvement son compagnon qui mourut le lendemain de ses blessures. Le médecin qui l’examina fit état de nombreuses marques sur son cou ainsi que d’hématomes sur tout le corps, pour répondre à tous ceux qui douteraient de la sincérité de la jeune femme.

Alors que la jeune victime déclare n’avoir jamais prémédité ce coup de couteau qu’elle a seulement donné parce qu’elle était terrifiée et alors que dans un instinct de survie, elle a tout fait pour se défendre, le représentant du ministère public a fait preuve d’un grand manque de compassion et de cruauté en affirmant que Florianne Harelle avait la volonté de tuer. « Elle a utilisé une arme dangereuse, dirigée vers une zone vitale. Elle a effectivement porté un coup appuyé dans la région cardiaque. » Il met par ailleurs en doute le témoignage de Florianne Harelle, en disant qu’il « n’est pas établi qu’elle était en danger de mort. Il n’y a qu’elle qui le dit. » Maître Gérard Kremser, chargé du conseil, est d’accord avec ces propos : « Elle pouvait faire autrement, elle était habituée à ces violences. »

UNE SITUATION SIMILAIRE À CELLES D’ALEXANDRA LANGE ET JACQUELINE SAUVAGE

Ce procès n’est pas sans évoquer celui d’Alexandra Lange, jeune femme originaire de Douai victime pendant 12 ans de violences conjugales dont l’issue fut le meurtre de son mari en 2009. Elle a elle aussi été acquittée à l’issue de son procès, la justice avait également reconnu la situation de légitime défense. Elle avait déclaré lors de son procès “c’était lui ou moi”. Elle a retranscrit son histoire dans un livre qui a ensuite été adapté en film, L’Emprise, où elle est incarnée par Odile Vuillemin. 

Alexandra Lange avait par ailleurs pris la défense de Jacqueline Sauvage, elle aussi victime de violences conjugales ayant tué son mari mais qui n’avait pas été acquittée. L’avocate d’Alexandra Lange, qui est aussi celle de Jacqueline Sauvage, maître Tomasini, est indignée par la différence de verdict : « Elles étaient en danger de mort. Le danger de mort est permanent. Donc la légitime défense est permanente. Alors je dis que c’est un permis de vivre mais pas un permis de tuer« , estime-t-elle. La justice n’avait pas retenu la légitime défense pour Jacqueline Sauvage : on avait estimé que l’assassinat de son mari était prémédité parce qu’elle avait pris le temps de saisir une arme, de se diriger vers son mari et de lui tirer dans le dos.

Jacqueline Sauvage fut donc condamnée en appel à 10 ans d’emprisonnement en décembre 2015. Cela avait suscité l’indignation puisque cette dame avait été victime de violences de la part de son mari pendant 47 ans, lequel abusait par ailleurs également de ses enfants. Une pétition pour annuler sa condamnation avait été signée par 150 000 personnes, et 30 parlementaires avaient écrit à François Hollande pour qu’il la gracie, ce qu’il avait fini par faire un an plus tard, le 28 décembre 2016.

Nous rappelons que 149 femmes sont décédées suite à des violences conjugales en 2019, et 14 féminicides ont déjà été commis depuis le début de l’année 2020. Ces chiffres nous sont particulièrement terribles, et il ne faut pas oublier non plus toutes ces femmes qui souffrent toujours en silence, parfois jusqu’à la mort puisque lorsqu’elles tentent de porter plainte, elles ne sont pas forcément écoutées par la police. On estime que chaque année, 223 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de violences conjugales dans ses formes les plus graves. Les femmes victimes de violences conjugales ont 44 % de risques en plus de mourir, toutes causes confondues.

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