Si les États-Unis sont connus pour avoir mené des expériences particulièrement controversées au cours du XXe siècle, l’un des exemples les plus frappants reste le cas Albert Stevens, l’homme le plus radioactif à avoir jamais vécu.
Le patient CAL-1
En mai 1945, la vie du peintre en bâtiment californien Albert Stevens basculait, avec le diagnostic d’un cancer de l’estomac en phase terminale, ne lui laissant que six mois à vivre. Un terrible nouvelle coïncidant avec le lancement d’un programme visant à évaluer les effets et l’évolution du plutonium dans l’organisme, sur les recommandations des chercheurs du projet Manhattan.
Rapidement enrôlé pour participer aux premiers essais cliniques, en raison de sa condition critique, Stevens, désigné comme le patient CAL-1, a reçu la plus forte dose de substances radioactives de tous les participants : 0,75 microgramme de plutonium 239 et 0,2 gramme de plutonium 238, plus facile à tracer et à analyser.
Intrigués par l’état de santé de Stevens, ne semblant pas s’être dégradé, les médecins de Stevens ont découvert au bout de longs mois qu’il ne souffrait pas d’un cancer de l’estomac mais d’un ulcère gastrique bénin. Ils avaient donc administré à un homme en bonne santé une dose record de plutonium, plusieurs fois supérieure à celle supposée létale.
Un protocole obscur
Selon une étude publiée dans la revue Science and Engineering Ethics en 2001, Stevens n’avait pas été clairement informé des tenants et des aboutissants de ces expériences, ce qui avait poussé les responsables du programme à lui verser une cinquantaine de dollars par mois afin qu’il ne quitte pas la région et continue à fournir des échantillons de selles.
En dépit d’une exposition au plutonium 446 fois supérieure à celle généralement observée au cours d’une vie, Stevens a vécu deux décennies supplémentaires, succombant à une maladie cardiaque à l’âge de 79 ans.
Ironie du sort, le Dr Joseph Hamilton, qui supervisait Stevens, est mort à 49 ans, d’une leucémie probablement provoquée par l’exposition aux radiations dans le cadre de ses travaux.