Une équipe de scientifiques internationaux est parvenue à démontrer la capacité des plantes à percevoir les dangers liés à leur environnement en créant une carte détaillée de leur réseau de 200 protéines. Elle montre que les protéines sont des éléments vitaux pour l’intégrité des plantes, tout en révélant des interactions jusque-là inconnues…

 

La sensibilité des plantes

Ne vous fiez pas à leur absence d’yeux, de nez, de bouche ou d’oreilles : les plantes ont le pouvoir de sentir, entendre et répondre aux dangers qui les menacent. Et plus précisément les pathogènes virulents. Autant de talent qu’elles doivent à leurs centaines de membranes de protéines qui ont la faculté de sentir les microbes et autres stresses météorologiques. Seule une petite portion d’entre elles ont été étudiées au travers de la génétique classique, et notre connaissance de ces capteurs sensitifs, formant des complexes les uns avec les autres, reste relativement limitée.

« C’est un travail pionnier pour identifier la première couche d’interactions parmi ces protéines » explique Shahid Mukhtar, membre de l’équipe et professeur assistant de biologie à l’UBA College of Arts and Sciences. « Une compréhension de ces interactions pourrait nous conduire à diverses manières d’augmenter la résistance des plantes aux pathogènes, où à d’autres facteurs de stress comme la chaleur, la sècheresse, la salinité ou les vagues de froid. Elle pourrait aussi constituer une feuille de route pour de futures études menées par d’autres scientifiques à travers le monde. »

 

Un réseau d’informations complexe

Parue dans la revue Nature, l’étude menée par le Professeur Youssef Belkhadir a nécessité le travail de scientifiques européens, canadiens et américains pour aboutir à cette cartographie du réseau d’interactions des plantes. Une étude qui se concentre sur une des plus importantes catégories de protéines sensitives : les kinases réceptrices LLR. Elles appartiennent à une famille de protéines présentes à la fois chez les plantes, mais aussi chez les animaux, jouant un rôle majeur dans notre habileté à sentir notre environnement.

Chez les plantes toutefois, la protéine possède un domaine extra-cellulaire, une partie externe qui s’étend au-delà de la membrane cellulaire. Il peut notamment reconnaître les signaux chimiques – comme la croissance d’hormones, les protéines de pathogènes – et permettre ainsi aux kinases réceptrices LLR d’envoyer les réponses appropriées au sein même de la cellule, via un domaine intracellulaire.

Les scientifiques ont pris pour cobaye l’Arabidopsis Thaliana, qui renferme plus de 600 kinases réceptrices différentes, 50 fois plus que les êtres humains. Les kinases réceptrices sont cruciales pour sa croissance, son développement, son immunité, et sa réponse au stress. Jusqu’alors, nous savions peu de choses sur la manière dont les récepteurs pouvaient interagir entre eux pour coordonner les réponses appropriées aux signaux souvent contradictoires.

 

Des résultats inattendus

Le laboratoire de Belkhadir a réalisé 40 000 interactions tests au sein de 400 domaines extra-cellulaires de kinases réceptrices LLR. La carte a pris forme au gré des interactions positives, montrant comment les kinases réceptrices interagissaient les uns avec les autres. Au total, les scientifiques ont dénombré 567 interactions positives. À l’UAB, les professeurs Mukhtar et Howton ont testé 372 domaines intracellulaires de kinases réceptrices LLR pour savoir s’ils allaient montrer d’aussi fortes interactions que leurs domaines extra-cellulaires. Résultat : plus de la moitié des interactions entre ces domaines intracellulaires se sont avérées positives, ce qui suggère que la formation de ces récepteurs complexes est nécessaire pour la perception du signal et sa transduction – la manière dont la cellule va répondre à l’information, en libérant des agents chimiques par exemple.

Les chercheurs ont non seulement découvert que la taille des kinases réceptrices LLR évoluait pour coordonner les actions d’autres récepteurs, mais aussi que certaines d’entre elles apparaissaient vitales pour l’intégrité du réseau. La plus importante de toutes est baptisée APEX, et les scientifiques se sont aperçus qu’en l’ôtant de la plante, ils causeraient d’importantes lésions au reste du réseau. Des lésions qui nuiraient son développement et ses réponses immunitaires.

Forts de ces nouvelles connaissances, les chercheurs entrevoient d’ores et déjà la possibilité d’appliquer de manipuler les kinases réceptrices LLR de cultures commerciales, afin de doper leur résistance aux pathogènes et au réchauffement climatique.

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