Un antibiotique longtemps ignoré s’avère redoutable contre des bactéries ultra-résistantes. Une découverte qui ravive l’espoir dans la lutte contre l’antibiorésistance.

Un vieux composé redécouvert montre une puissance 100 fois supérieure aux antibiotiques classiques
Imaginez un antibiotique ultra-efficace, caché dans un coin poussiéreux de la science depuis les années 50, qui revient soudain sur le devant de la scène. C’est exactement ce qui vient de se passer avec la lactone de pré-méthylénomycine C, un composé produit par une bactérie bien connue : Streptomyces coelicolor.
Les chercheurs de Warwick et Monash ont réussi à isoler cette molécule, longtemps ignorée, qui s’est révélée plus de 100 fois plus active que l’antibiotique originel méthylénomycine A. Elle agit contre certaines bactéries à Gram positif, sans provoquer de résistance observable. Voilà une aubaine, surtout face aux super-bactéries comme le SARM ou Enterococcus faecium.
Le plus étonnant, c’est que cette bactérie est à la base de nombreuses recherches depuis les années 50. Mais jusqu’ici, personne n’avait pensé à explorer les étapes intermédiaires de sa synthèse. Ainsi, en supprimant certains gènes spécifiques, les chercheurs ont mis au jour ce trésor méconnu.
L’antibiorésistance progresse vite et menace des millions de vies dans les décennies à venir
Le moment de cette découverte ne pourrait pas être plus important. L’antibiorésistance, appelée aussi RAM, est l’un des fléaux sanitaires majeurs de notre époque. En 2019, l’OMS estimait qu’elle avait causé 1,27 million de morts, et elle pourrait en entraîner jusqu’à 39 millions d’ici 2050.
Autrement dit, les bactéries deviennent de plus en plus fortes. Elles apprennent à échapper aux traitements, à détruire les médicaments, ou encore à les expulser. Par conséquent, des infections autrefois banales peuvent devenir mortelles, tout simplement parce qu’il n’existe plus de traitement efficace.
Dans ce contexte, il est d’autant plus remarquable de redécouvrir un antibiotique puissant déjà présent dans nos laboratoires. Pourtant, il n’avait jamais été testé à fond. C’est une piqûre de rappel : il arrive que la solution soit juste sous notre nez.
Une méthode innovante : explorer les intermédiaires cachés dans les voies de biosynthèse
Le vrai coup de génie, ici, a été de regarder ce que personne n’avait pris le temps d’analyser jusqu’à présent. Plutôt que de créer un tout nouvel antibiotique, les chercheurs ont exploré les étapes de fabrication naturelles de composés connus.
C’est ainsi qu’ils ont découvert la lactone de pré-méthylénomycine C, un métabolite jusque-là passé inaperçu. Lors de tests en laboratoire, elle a montré une activité exceptionnelle contre des bactéries très résistantes, comme les entérocoques résistants à la vancomycine.
De plus, aucune apparition de résistance n’a été détectée pendant les essais in vitro. Cela laisse espérer une durée d’efficacité plus longue. Et comme si cela ne suffisait pas, une étude publiée en juillet 2025 a montré qu’on pouvait produire cette molécule en grande quantité.
Revenir à l’ancien pour sauver le futur : un nouveau cap dans la lutte contre les « super-bactéries »
Ce cas est loin d’être unique. En septembre 2025, par exemple, une équipe britannique a annoncé avoir découvert Novltex, un antibiotique synthétique très prometteur. Néanmoins, la redécouverte de cette lactone montre qu’à côté des innovations, on peut aussi faire mieux avec l’ancien.
Il est donc temps de changer de stratégie. Plutôt que de chercher à tout prix du neuf, pourquoi ne pas revisiter nos anciens carnets de laboratoire ? Qui sait ce que l’on pourrait y trouver d’autre ?
Ce nouveau regard sur des ressources connues pourrait bien être la clé pour gagner du temps contre l’évolution des bactéries. La lactone de pré-méthylénomycine C n’est sans doute que la première d’une longue liste à redécouvrir. Et surtout, elle incarne un espoir réel et urgent pour l’avenir de la santé mondiale.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Sciences, Sciences humaines