Si Emily Brontë n’a publié qu’un seul roman, son talent extraordinaire en fait incontestablement une figure phare de la littérature britannique. Entourée par des frères et soeurs à l’imagination aussi débordante que la sienne, Emily n’a pas attendu l’âge mûr pour faire fleurir sa créativité. Aussi, elle s’est très tôt armée de sa plume pour affronter les drames familiaux qui la frappèrent de plein fouet.
Une petite enfance frappée par le deuil
Emily Brontë est née le 30 juillet 1818 à Thornton en Angleterre. Alors qu’elle n’a pas encore trois ans, sa famille emménage dans un presbytère situé dans un autre village du Yorkshire, à Haworth. Sa mère meurt d’un cancer quelques mois plus tard, et c’est sa soeur Elizabeth Branwell qui vient s’occuper de la jeune Emily et de ses cinq soeurs auprès de leur père, le pasteur Patrick Brontë.
Quand Emily eut six ans, son père l’envoya à l’école de Cowan Bridge avec ses soeurs, une école prestigieuse mais peu coûteuse destinée à recevoir les filles de membres du clergé peu fortunés. Malgré le renom de l’établissement, celui-ci disposait de peu de moyens financiers et ne chauffait pas les salles de cours, pas plus qu’il ne respectait les conditions d’hygiène minimales ou ne dispensait de vrais repas aux élèves. Du fait de ces difficiles conditions de vie, Elizabeth et Maria, les deux soeurs aînées d’Emily, tombèrent gravement malades et retournèrent chez leur père. En 1825, elles moururent toutes deux de la tuberculose et le père Brontë retira Emily et Charlotte de l’école de Cowan Bridge.
La jeune Emily Brontë fait fleurir ses talents au sein d’une fratrie soudée
Durant son enfance à Haworth, Emily lisait énormément et inventait des histoires avec ses frères et soeurs. La créativité était une qualité partagée par toute la fratrie ; tandis qu’une vocation de poétesse s’ébauchait déjà sous les plumes d’Emily, de Charlotte et d’Anne, leur frère Branwell dessinait et peignait beaucoup. Ensemble, les enfants élaboraient des contes en jouant avec les petits soldats que le père Brontë avait offerts à Branwell.
En 1827, les compagnons de jeux créent la confédération imaginaire de la « Ville de verre ». Vers 1831, Anne et Emily, respectivement âgées de 11 et 13 ans, ont bien mûri depuis leurs premiers jeux et quittent la Ville de verre pour créer le royaume du « Gondal », géré par une femme.
Sur ce royaume germent de nombreux manuscrits, et parmi eux, les poèmes d’Emily publiés par la suite sous le pseudonyme masculin d’Ellis Bell. Emily écrivait ces poèmes pour elle-même, et lorsque sa sœur Charlotte les découvrit par hasard, l’autrice s’enflamma de colère à l’idée que sa sœur les ait lus sans son accord, et s’opposa fermement à l’idée de les publier.
Une difficile intégration à la société
Emily Brontë eut manifestement beaucoup de peine à s’ouvrir au monde extérieur. En 1835, sa tentative de scolarisation à l’école où sa soeur Charlotte enseignait se solda par un échec. En septembre 1837, elle fut engagée comme institutrice à l’école de Law Hill, mais abandonna le poste six mois plus tard.
Bien peu de personnes accédèrent à l’univers foisonnant qui germait dans l’esprit d’Emily Brontë de son vivant. Emily est bien sûr entourée de ses frères et soeurs, dont Charlotte, avec qui elle part en voyage à Bruxelles, en 1842, pour étudier le français et l’allemand. Elle entre alors au conservatoire, et révèle un talent exceptionnel pour le piano, avec une passion particulière pour Beethoven. Mais à la mort de leur tante, les deux soeurs retournent à Haworth, où Emily se retrouve en charge du presbytère.
Ce tournant dans la vie d’Emily accentue encore son côté solitaire, au gré d’une routine retirée, entre entretien de la maison et rêveries sur la lande. Dans un paysage fertile d’écriture romanesque, Emily acquiert une réputation de sauvageonne, qui s’entoure d’animaux plus que d’hommes.
Des rêveries solitaires au monde de la publication
En 1846, après avoir beaucoup insisté auprès d’Emily, Charlotte convainc sa soeur de publier leurs poèmes dans un recueil commun, chez l’éditeur Aylott and Jones, sous les pseudonymes d’Ellis Bell (Emily), Currer Bell (Charlotte) et Acten Bell (Anne). Mais, publiées à compte d’auteur, elles ne vendent que quelques exemplaires et le livre ne fait pas parler de lui.
En décembre 1847, Emily Brontë donne une nouvelle vie au pseudonyme d’Ellis Bell pour publier son oeuvre la plus déterminante : Les Hauts de Hurlevent.
Dix mois plus tard, son frère meurt de la tuberculose, précipité dans la maladie par l’alcoolisme et le chagrin d’amour. C’est alors qu’Emily, sans doute contaminée par son frère, tombe à son tour malade de la tuberculose, et refuse de se soigner. Elle meurt le 19 décembre 1848, et est enterrée dans le caveau familial à Haworth, où son puits de solitude, désormais ouvert au public, fait à présent l’objet de visites quotidiennes.
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