Rares sont les œuvres littéraires à avoir traversé aussi bien les époques que Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley. L’œuvre aux nombreuses adaptations et influences est revenue en 2015 sur les écrans britanniques dans une mini-série nommée The Frankenstein Chronicles pour le plus grand plaisir des amateurs d’horreur de l’original. Retour sur cette adaptation libre et réussie.
A la différence d’un grand nombre de séries inspirées de l’œuvre de Mary Shelley, The Frankenstein Chronicles nous plonge dans le Londres de 1827, au cœur d’un enquête policière. Inspecteur de la police fluviale, John Marlott se lance dans une enquête des plus lugubres : des cadavres d’enfants mutilés ont été retrouvés sur les rives de la Tamise. Toutes issues de familles pauvres, les victimes semblent avoir été opérées et reconstituées à l’aide de membres étrangers.
Si, très vite, son enquête stagne, le nombre de disparus ne cesse de croitre dans les quartiers désœuvrés de la ville et bientôt, l’affaire devient publique. Chargé de trouver un coupable au plus vite, l’homme se heurte à d’autres problèmes : l’affaire ramène Marlott à sa situation familiale et personnelle. En effet, quelques mois plus tôt, il perdait sa femme et sa fille avant de devoir faire face à la maladie, la syphilis dont les traitements lui causent des hallucinations.
C’est dans une époque partagée entre la religion et l’avancée des sciences qu’il devra mener l’enquête, les preuves le ramenant constamment à la faculté de médecine. Au sein de l’établissement, les querelles idéologiques sont aussi très importantes puisque les sujets de l’anatomie et la dissection créent de vraies polémiques. Si certains, au nom de leurs croyances, refusent de voir les corps manipulés, d’autres, au nom de la science, organisent déjà des opérations.
La force de la série n’est pas d’adapter fidèlement l’histoire de Frankenstein mais d’en imaginer le contexte : tout au long du récit, Marlott rencontrera des personnages historiques célèbres dont l’auteure de l’œuvre originale Mary Shelley ou encore le poète William Blake. C’est donc dans le monde réel que quelqu’un tente de reproduire les manipulations présentes dans l’œuvre de la romancière. La série, inspirée du livre, relate les influences de Mary Shelley alors même qu’elle écrivait le Prométhée moderne : les évolutions scientifiques de l’époque y sont décrites mais aussi les actualités politiques (telles que l’Anatomy Act, en discussion dans la série et qui reconnaîtra la chirurgie comme un domaine professionnel) ainsi que les crimes quotidiens comme le pillage de tombe.
Découlant de la mode des séries adaptées des grands auteurs, cette création britannique emprunte bien plus à Dickens qu’elle ne le fait à Shelley et ressemble, sur bien des points, à d’autres séries du genre telles que Ripper Street ou la célèbre Penny Dreadful. L’atmosphère y est lugubre, comme le scénario peut le laisser présager, et les héros y sont parfaitement bien développés.
On devine une véritable étude psychologique du personnage principal et les autres ne sont pas à plaindre : tous ont quelque chose à apporter au récit. Dans les rôles, on retrouve des acteurs tout aussi célèbres que leurs personnages dont Sean Bean, le roi du Nord de Game of Thrones et le Boromir du Seigneur des Anneaux, qui prête ses traits au détective. Sans profiter de la célébrité de l’auteure, la série parvient à restituer Mary Shelley dans son époque, minimisant l’horreur de ses écrits au profit de celle des humains, bien réels cette fois-ci.
Un univers sombre, une description pointue de l’époque (à quelques clichés près) et des personnages aussi passionnants qu’ils peuvent être rebutants, voilà quelques-uns des aspects qui rendent The Frankenstein Chronicles intéressant. Explorer les évènements qui marquent l’époque est aussi intéressant (et bien mené) que d’en explorer les codes. Tout cela, on le doit à Benjamin Ross, le réalisateur qui s’est aussi chargé de l’écriture de la série au côté de Barry Langford, tous deux ayant travaillé sur Thorne (2010).
The Frankenstein Chronicles nous replonge non seulement dans une époque en pleine révolution scientifique mais aussi et surtout dans celle de l’écriture de l’une des plus grandes œuvres philosophiques du milieu du 19e siècle. Une série surprenante, une fois de plus venue d’Angleterre, qui nous promet un plongeon dans la littérature britannique aussi inspiré que réussi.
Par JJJ, le
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