Une femme tient une bouteille d’eau via Shutterstock
Au sortir des vacances de Noël, beaucoup décident de reprendre leur santé en main. Commencent dès lors des régimes et autres détoxications, dont l’efficacité serait en réalité loin d’être réelle. SooCurious revient pour vous sur cette vérité erronée.
Pour se remettre physiquement des fêtes de fin d’année, certains sont prêts à toutes les folies. Des shampoings clarifiants (qui éliminent les résidus des cheveux, comme les particules liées à la pollution) aux jus et concoctions détoxiquantes, jusqu’aux lavements ou nettoyages du colon dans certains cas extrêmes. Mais en réalité, la plupart de ces produits et procédés sont inutiles, voire trompeurs.
Dans l’Egypte ancienne, les médecins pensaient que les substances toxiques pouvaient être produites dans le corps des gens (en particulier dans les matières fécales), que ces toxines étaient la cause des maladies et qu’elles devaient donc être expulsées. Selon la revue médicale « The Lancet », cette idée appelée « auto-intoxication » a persisté jusqu’à aujourd’hui et on estime d’ailleurs que cette notion était même adoptée des microbiologistes du siècle dernier.
Ainsi, les croyances populaires voulaient que des micro-organismes, qui restaient dans l’intestin parce que leur progression était retardée par la stase intestinale, provoquaient la putréfaction et généraient des toxines. La cause perçue de ceci était souvent la constipation. D’ailleurs, l’oeuvre du docteur Andre Combe, « L’auto-intoxication intestinale », était une véritable bible pour ceux qui croyaient en ce genre de choses : « L’auto-intoxication intestinale est la toxémie causée par des altérations qualitatives ou quantitatives dans la digestion normale », insistait Combe. « Par la digestion normale, nous ne faisons pas seulement référence à celle décrite par les physiologistes, mais à la digestion plus complète et complexe qui a lieu dans chaque homme normal. Au-delà de la digestion par les enzymes de l’estomac et des intestins, il se produit en chaque homme une digestion provoquée par l’action des microbes qui vivent et se développent dans le tube digestif. »
Au début des années 1900, cependant, notre compréhension de la physiologie a évolué, et les scientifiques ont envoyé l’auto-intoxication « à la poubelle de l’histoire de la médecine » selon la revue The Lancet. Mais cela n’a pas empêché certains commerçants ingénieux de vendre l’idée que nous pourrions être, en quelque sorte, moins toxiques en utilisant des produits spéciaux (c’est, en revanche, une notion différente de la définition médicale de la vraie désintoxication, qui peut sauver un patient de l’overdose ou de l’addiction). Ainsi, le docteur Edzard Ernst, expert de la médecine alternative et professeur émérite à l’université Exeter, au Royaume-Uni, explique que « l’idée de désintoxication donne du crédit à un principe ridicule et exploite les personnes à bien des égards, comme sur le plan financier ». Et d’ajouter que « le corps n’a pas besoin de l’aide de la désintoxication. Il n’y a pas de méthodes connues, pour les personnes en bonne santé, pour aider le corps à se débarrasser des éléments indésirables mieux que cela ne se fait déjà. »
En 2007, le groupe de défense scientifique « Sense About Science » a contacté les fabricants de 15 produits « détox », allant de thés aux lisseurs à cheveux. Interrogés par le groupe de défense, pas un seul des marchands contactés ne pouvait clairement définir ce qu’il entendait par la notion de désintoxication. Sense About Science en a donc conclu « que le terme ‘désintoxication’, dans le commerce des produits, est un mythe ». « Beaucoup des explications sur la manière dont le corps fonctionne étaient fausses, et certaines étaient même dangereuses », explique d’ailleurs le groupe.
Le docteur Edzard Ernst :
La médecine scientifique a longtemps rejeté le concept d’une cure de désintoxication, sauf dans les cas où elle est utilisée pour faire référence à des situations où quelqu’un est empoisonné ou doit être sevré d’une dépendance à l’héroïne. Ainsi, désormais, nous savons qu’à travers les organes humains, du foie aux reins en passant par la peau, les intestins et les poumons, nos corps ont évolué pour se débarrasser efficacement des éléments nuisibles. Toute personne qui a subi une gueule de bois sait d’ailleurs que cela est vrai : on se sent horriblement mal au début, puis au bout d’un peu de temps, les organes du corps travaillent pour se débarrasser de substances qui font se sentir mal. Le foie génère des enzymes qui transforment les substances toxiques, comme l’alcool, en de moins nocives qui s’excrètent ensuite dans la bile ou les reins. Ces derniers se débarrassent ainsi des produits chimiques et des déchets du corps via les urines.
En l’absence de maladies, ces processus se produisent automatiquement chaque seconde que nous vivons, et le corps n’a pas besoin d’aide extérieure pour se débarrasser des toxines. D’après le docteur Ernst, aucune preuve n’indique que les compléments, du thé aux régimes, n’améliorent ou ne remplacent le travail des organes. « L’alcool est évidemment une toxine. Mais l’alcool et la plupart des denrées alimentaires sont décomposées en de nombreux composés qui pourraient être toxiques, à moins que le corps dispose d’un foie pour les décomposer, d’un rein pour les évacuer, etc. »
Il n’y a donc rien que nous ne puissions acheter qui aiderait ce long processus, selon le docteur Ernst. Pas même un nettoyage du colon : « Ils vident vos tripes et ils sont très dangereux car ils peuvent épuiser vos électrolytes à des niveaux dangereusement bas. Des perforations des tripes ont même été signalées. Ainsi que des décès. Et cela n’a aucun effet sur le corps, à part éjecter quelques excréments du corps qui seraient de toute façon excrétés. »
Après une période de surconsommation, comme durant les vacances, il y a cependant quelques petites choses qui peuvent stimuler l’impression de bien-être, et peut-être même, améliorer la santé à long terme : faire une bonne nuit de sommeil, limiter son absorption d’alcool, faire de l’exercice et se nourrir d’une alimentation équilibrée. Mais malheureusement, tout ceci ne se présente pas sous la forme d’une pilule extraordinaire ou d’un procédé miracle et nécessite un réel investissement personnel.
Des fruits pour faire du jus via Shutterstock
Ces révélations sur le bien-fondé des cures de détoxication ont le mérite de mettre les choses au point. En plus d’être onéreuses, ces solutions sont bien souvent superflues et ne remplaceront jamais une bonne hygiène de vie. Si le domaine de la santé vous intéresse, découvrez également les problèmes auxquels vous exposez votre corps en buvant des boissons énergisantes. Comment vous remettez-vous physiquement des fêtes de fin d’année ?
Par Maxime Magnier, le
Source: Vox
Étiquettes: santé, regime, desintoxication, detox, hygiene-de-vie
Catégories: Sciences, Actualités