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L’incroyable carrière de Dennis Muren, l’homme derrière les effets spéciaux de vos films préférés

Il existe des personnes méconnues du grand public qui sont pourtant de vraies légendes dans l’industrie du cinéma. Véritables hommes de l’ombre, ils participent à la post ou préproduction de films devenus mythiques. Denis Murren fait sans conteste partie de cette caste : détenteur de neuf Oscars, le réalisateur d’effets visuels collectionne les prix depuis les années 70. Pilier du studio Industrial Light & Magic, l’illustre superviseur fétiche de George Lucas et Steven Spielberg a participé à des monuments du cinéma, tels que les sagas Star Wars, Indiana Jones ou encore E.T. l’extra-terrestre. Le DGS revient sur la carrière de ce magicien du 7e art.

Né à Glendale (Californie) le 1er novembre 1946, Dennis Muren a toujours été proche de l’univers hollywoodien. Il trouve sa vocation après avoir visionné Le Voleur de Bagdad – qu’il considère toujours comme son film fétiche – et s’enthousiasme également pour l’œuvre d’Arnold Gillespie (Le Magicien d’Oz, Planète 1940). À 5 ans, le petit Muren est déjà un amoureux des blockbusters, puis à 12, il déclare : « Entre la fantaisie et l’ennui du monde réel, j’ai fait mon choix ! » N’étant pas doué pour les arts graphiques, le jeune Dennis Muren se tourne vers la photographie. Il tente alors de reproduire les plans de films qu’il a en mémoire afin de pouvoir les étudier. Par la suite, il décide de photographier ces gribouillages dans le but de les animer.

AUTODIDACTE ET DÉBORDANT D’IMAGINATION

Quelques années plus tard, le petit garçon obtient sa première caméra, une Keystone 8 mm. Il se lance alors avec passion dans la réalisation de petits films amateurs. Bien des années avant Star Wars et Jurassic Park, le jeune homme recycle ses petits dinosaures en plastique et ses maquettes de vaisseaux spatiaux pour les besoins de ses œuvres.

Autodidacte et débordant d’imagination, le petit Dennis tente de comprendre le mode de fonctionnement des trucages visuels. À l’âge de 14 ans, ses parents – témoins de sa passion – lui offrent une superbe caméra 16 mm. L’adolescent peut s’essayer au stop motion avec un matériel plus décent.  Pour lui, l’animation est le commencement logique d’une carrière dans les effets spéciaux. Son modèle n’est autre que Ray Harryhausen, un maître en animation de volume.

Par chance, à 15 ans, Dennis Muren fait la connaissance de son idole et de son voisin Phil Kellison, qui travaille dans le domaine des effets spéciaux. Ce dernier l’encourage à poursuivre ses expérimentations et l’invite à découvrir les coulisses du film « Jack, le tueur de géants » (1962). Le jeune homme touche son rêve du bout des doigts… Toutefois, sous la pression de ses parents, Dennis débute des études de commerce au Pasadena City College. Malgré ce choix d’orientation, Muren consacre tout son temps libre à l’élaboration d’un film fantastique amateur : The Equinox… A Journey into the Supernatural.

Dennis Muren et Ray Harryhausen

Par l’intermédiaire de Phil Kellison, il reçoit l’aide de professionnels dont Jim Danforth, un spécialiste de stop motion et de peinture sur verre. Une fois terminé, le film séduit le producteur Jack Harris qui décide de le distribuer en version longue. Equinox sort en salle en 1970. C’est la consécration pour le jeune homme ! Cependant, il n’en oublie pas pour autant qu’il n’est encore qu’au bas de l’échelle et qu’il lui reste un long chemin avant de se faire un nom.

À 29 ANS, IL ENTEND PARLER D’UN PROJET RÉALISÉ PAR UN CERTAIN GEORGE LUCAS

Après avoir terminé ses études de commerce, Dennis Muren tente de trouver un emploi dans le domaine des effets spéciaux. Mais malgré son expérience sur Equinox, aucun studio ne lui ouvre ses portes. Résigné, il se tourne alors vers la création de trucages pour des clips publicitaires, notamment pour la société Cascade Pictures. En 1975, la roue tourne enfin… Alors âgé de 29 ans, Dennis Muren a vent d’un projet SF réalisé par un certain George Lucas.

La société Cascade Pictures vendant également de l’équipement, le jeune homme se rend compte qu’il a fourni une caméra pour un projet intitulé « Star Wars ». Dennis Muren contacte immédiatement John Dykstra, le superviseur des effets visuels attitré, afin de lui présenter son travail. Intéressé, ce dernier lui propose de participer au projet. En juillet 1975, le jeune Muren rejoint l’équipe d’Industrial Light & Magic (ILM), en tant que programmeur et opérateur de caméra.

Dennis le sait, pour percer à Hollywood, il doit se spécialiser. Il choisit donc de se consacrer au contrôle de la caméra VistaVision, qui permet de répéter le même mouvement indéfiniment et à l’identique. En combinant différentes prises de vue de différentes maquettes selon un même mouvement, l’équipe responsable de la composition optique peut réaliser des plans spectaculaires.

Dennis Muren s’attache à programmer de subtiles différences de mouvements, afin que chaque vaisseau spatial puisse avoir sa propre façon de se déplacer. Malgré la lenteur de l’équipe à produire des plans exploitables, le résultat surpasse les attentes de George Lucas. Parmi les 7 Oscars qu’obtient Star Wars : Un nouvel espoir, figure celui des meilleurs effets visuels.

Dennis Muren et l’Etoile noire

Avant de poursuivre sa collaboration avec ILM, le jeune Dennis Muren profite d’une opportunité pour travailler sur le film « Rencontre du troisième type » de Steven Spielberg. En l’espace d’un an et demi, il travaille sur les deux projets les plus ambitieux d’Hollywood. Aux côtés du superviseur Douglas Trumbull, Muren enrichit son expérience comme jamais. Quand ILM déménage dans le nord de la Californie, John Dykstra  (le superviseur des FX) quitte l’équipe ; George Lucas propose alors à Dennis de rejoindre l’équipe pour deux ans. Après un moment de doute, Muren finit par accepter. Le deuxième opus de Star Wars représente pour lui l’une des expériences les plus difficiles et enrichissantes de sa carrière.

EN UN AN ET DEMI, IL TRAVAILLE SUR LES DEUX PROJETS LES PLUS AMBITIEUX DE HOLLYWOOD

Si les effets spéciaux du Nouvel Espoir furent novateurs, ceux de l’Empire contre-attaque s’avèrent bien plus complexes. L’un des plus gros défis relevés par l’équipe d’ILM est l’animation du Taun-Taun, le monstre extraterrestre que chevauche Luke Skywalker sur la planète Hoth. Le mouvement trop saccadé de la créature désespère l’équipe. Mais avec l’aide du spécialiste du stop motion Phil Tippett et du superviseur des effets visuels Brian Johnson, Dennis propose une innovation : la plate-forme de Go-Motion. La marionnette est fixée sur un rail de travelling contrôlé par ordinateur tandis que l’obturateur de la caméra reste ouvert.

Cela provoque un effet de flou et donc de fluidité lors du mouvement. Grâce à cette innovation, Muren et son équipe obtiennent un Oscar pour contribution technique. Après 2 ans sur le tournage de Star Wars, Dennis Muren devient le superviseur des effets spéciaux du film Le Dragon du lac de feu (1981) de Matthew Robbins. Pour ce film, Dennis utilise à nouveau la technique du Go-Motion qui permet cette fois de donner vie au fabuleux dragon Vermithrax. L’animation de ce dragon – considérée comme la plus réussie de l’histoire du cinéma avec celle de Smaug de The Hobbit – marque une étape décisive dans l’histoire du studio. En effet, pour la première fois depuis sa création, le studio ILM s’occupe de la création des effets spéciaux d’un film qui n’est pas produit par Lucasfilm. L’entreprise qui devait être éphémère décolle, et Dennis Muren n’y est pas pour rien ! 

Après une courte apparition dans Indiana Jones : Les Aventuriers de l’arche perdue, Dennis Muren retrouve Steven Spielberg pour la postproduction d’ E.T. l’extra-terrestre. Avec son équipe d’ILM, Dennis Muren s’attaque à la scène la plus spectaculaire du film, dans laquelle E.T. regagne son vaisseau spatial et quitte la Terre. À cause de contraintes budgétaires, cette scène représente un challenge pour l’équipe , qui ne peut construire qu’une seule maquette à échelle réduite. Entre-temps, le superviseur est également sollicité par son ami George Lucas pour les besoins du Retour du Jedi, dont la préproduction a débuté plus d’un an auparavant. Dennis Muren doit s’occuper notamment de quelques plans en stop motion et de la scène du Stormtrooper sur son speeder bike qui a lieu dans la forêt d’Endor.

À elle seule, cette scène nécessite plus de cent plans truqués ! Il relève d’autres défis tels que l’animation du monstrueux Rancor, bien plus difficile à gérer que prévu. Le superviseur de renom révèle ainsi que cette scène est entièrement animée à la main et filmée en 24 images par seconde, sans aucun fond bleu ni incrustation optique. Néanmoins, si la somme de travail est monumentale, Le Retour du Jedi est moins complexe que les deux précédents épisodes de la saga. Armé de son expérience et d’une équipe plus étoffée, Muren parvient sans « trop de difficultés » à terminer la réalisation des effets visuels de l’épisode. Selon le superviseur californien, Le Retour du Jedi représente l’apogée et surtout la fin de cette période d’évolution des trucages traditionnels initiés par Star Wars.

Devenue experte en blockbuster, l’équipe d’ILM peut désormais cumuler les projets ambitieux. Peu de temps après avoir terminé son travail sur Star Wars, Dennis Muren est à nouveau contacté par Steven Spielberg qui lui demande de superviser les effets visuels d’Indiana Jones et le Temps maudit (1984). Pour la première fois au cours de sa carrière, Muren a l’occasion de faire une extension de décor et nous offre une scène de poursuite en wagonnet tout à fait spectaculaire ! Un an plus tard, le cinéaste s’occupe des trucages du Secret de la pyramide (1985) comme ceux de l’incroyable scène du chevalier bondissant du vitrail d’une église. Cet impressionnant effet fut mis au point grâce à la collaboration de la division informatique de Lucasfilm, Graphics Group (devenu Pixar) et de l’animateur John Lasseter. Malgré la qualité des effets, l’équipe ne remporte pas l’Oscar des meilleurs effets visuels, qui sera attribué au film Cocoon.

Dennis-Muren-Steven-Spielberg

Quelque peu las et désireux de se consacrer davantage à sa famille, Dennis décide d’éviter un temps les superproductions. Le superviseur se concentre alors sur les effets spéciaux de deux courts métrages réalisés pour les attractions des parcs Disneyland : Captain EO et Star Tours. Il dirige ainsi dix-sept plans de Captain EO aux côtés de Michael Jackson et s’attelle ensuite au trucage « géant » du faux plan-séquence que constitue le court métrage Star Tours. Il semblerait que tout ce que touche Muren se transforme en or puisque encore une fois, ces deux productions connaissent un grand succès. Suite à ces deux expériences plus « légères », Dennis Muren reprend le chemin des studios pour travailler à nouveau sur des blockbusters.

CETTE PRODUCTION MARQUE UNE ÉTAPE IMPORTANTE DANS L’ÉVOLUTION DES TRUCAGES

En 1986, le cinéaste travaille sur les trucages de L’Aventure intérieure (1987) de Joe Dante, puis il rejoint ensuite Ron Howard pour Willow (1988). Cette production Lucasfilm marque une étape importante dans l’histoire de l’évolution des trucages, puisque la technique du « morphing » y est utilisée pour la première fois. Si, auparavant, il fallait découper le montage et alterner les prises de vue entre différentes créatures (pour donner l’effet de transformation), les outils informatiques permettent désormais d’appliquer ces transmutations dans un seul et même plan. Convaincu par cette nouvelle technique, Muren épouse définitivement les possibilités du numérique.

En 1989, Dennis Muren continue sur cette lancée en travaillant sur le pseudopode liquide du film Abyss de James Cameron. Le superviseur est confronté à un problème de taille : matérialiser numériquement un effet liquide qui ondule constamment. À vrai dire, il se demandera même si la réalisation de ce trucage est possible. Pourtant en un peu plus de six mois, l’équipe d’ILM parvient à fournir les treize plans demandés !

La solution résidait en fait dans la combinaison de logiciels d’animation et de timing, ainsi que la maîtrise de la lumière sur un objet en mouvement constant. Cette fois, Dennis Muren et son équipe raflent l’Oscar tant mérité ! Après ce succès, le superviseur décide de prendre un congé sabbatique afin de se perfectionner dans les techniques numériques. Il se procure alors l’une des premières versions de Photoshop (qui est codéveloppée par John Knoll, l’un de ses collègues d’ILM !) et s’adapte à ces nouveaux outils.

Fort de ces nouvelles connaissances, le superviseur retrouve James Cameron pour Terminator 2 : Le Jugement dernier. Encore aujourd’hui, les exploits du T-1000 en métal liquide restent dans toutes les mémoires. Pour cet effet exceptionnel, ILM développe un logiciel permettant de coller une texture sur un modèle 3D pouvant ensuite être déformé au besoin. Trois éléments sont ensuite combinés pour obtenir le plan souhaité : une prise de vue de l’acteur, une prise de vue des barreaux et enfin le modèle 3D. Grâce à ce logiciel, l’équipe de Muren est fin prête à s’attaquer au colossal projet Jurassic Park. L’animation des modèles 3D est toutefois largement améliorée pour obtenir un rendu plus subtil. Il est bon de noter qu’à l’origine, Spielberg avait fait appel à l’équipe de Phil Tippett afin qu’elle réalise les animations en stop motion.

Mais après seulement un test réalisé par le département de Muren, le cinéaste est convaincu de l’efficacité du numérique. Terminator 2 et Jurassic Park ont ainsi conduit à la démocratisation des effets spéciaux numériques dans l’industrie du cinéma. Persuadé d’avoir tourné la page Star Wars, Dennis Muren a bien du mal à accepter lorsque Lucas le sollicite à nouveau pour travailler sur La Menace fantôme. Pour cet épisode, le superviseur est en charge des séquences sous-marines qui ont lieu sur la planète Naboo. Il s’attelle à la tâche avec quelques réticences, puisque selon lui, il ne s’agit plus vraiment de la même saga…

EN 1999, IL DEVIENT LE PREMIER SPÉCIALISTE DES EFFETS SPÉCIAUX À AVOIR SON ÉTOILE À HOLLYWOOD

En 1999, Muren devient le premier spécialiste des effets visuels à obtenir son étoile sur le Walk of Fame d’Hollywood. Deux ans plus tard, il travaille à nouveau avec Spielberg pour son film A.I. Intelligence artificielle. Peu de temps après, il devient le superviseur des effets de Star Wars, épisode II : L’Attaque des clones puis Hulk de Ang Lee. Après avoir planché sur le monstre vert, Dennis est recontacté par Lucas, afin qu’il travaille pour Star Wars, épisode III : La Revanche des Sith. Cette fois, Muren décline. À ce projet, le superviseur préfère celui de Steven Spielberg, La Guerre des mondes. Et pour cause, l’adaptation de 1953 est l’un des films marquants de sa jeunesse. Après trente ans chez ILM, le pionnier commence doucement à lever le pied. En 2008 et 2009, le superviseur légendaire obtient des récompenses honorifiques lors des Satellite Awards et Visual Effects Society Awards.

Avant même que Disney ne rachète ILM en 2012, Muren devient consultant auprès de Pixar (également racheté par Disney en 2006). Cependant, il ne prend pas encore sa retraite de superviseur puisqu’en 2008, Muren accepte de travailler pour les effets visuels du film Super 8 de J. J. Abrams, qui souhaitait renouer avec la nostalgie des films SF des années 70. Plus récemment, Dennis Muren a participé à la transposition en 3D relief de L’Attaque des clones. S’il a de nouveau refusé de travailler sur le projet Star Wars : Le Réveil de la Force (J. J. Abrams), il a offert son aide sur le film Jurassic World (Colin Trevorrow). Désormais, l’homme qui détient le plus grand nombre d’Oscars au monde (neuf) n’aspire qu’à une chose : s’émerveiller devant les prochaines superproductions, comme lorsqu’il était enfant.

IL DÉTIENT LE PLUS GRAND NOMBRE D’OSCARS AU MONDE

L’histoire de Dennis Muren est vraiment passionnante. Sa vie pourrait être un film, tant son ascension fut spectaculaire. Véritable pionnier des effets spéciaux numériques, le savoir-faire inégalable de Muren a permis la démocratisation des techniques les plus pointues.

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