Vous aimez les films qui mettent en avant de belles chorégraphies avec de jolies danseuses ? Eh bien, saviez-vous que cette tendance a été popularisée en 1899 par les frères Lumière avec la « danse serpentine » de Loïe Fuller ? Depuis, cette chorégraphie innovante est devenue une véritable icône de l’histoire de la danse et du cinéma.
Une chorégraphie fascinante
Loïe Fuller, de son vrai nom Mary Louise Fuller, est née le 22 janvier 1869 dans l’Illinois. C’est l’une des pionnières de la danse moderne. En 1892, elle a créé une chorégraphie, innovante pour l’époque, qui a marqué l’histoire de la danse et du cinéma : la danse serpentine.
Il est assez difficile d’imaginer à quoi pourrait ressembler la danse serpentine sans en avoir vu un extrait, car détrompez-vous, il ne s’agit en aucun cas d’une danse qui imite les mouvements d’un serpent ! Lors de sa création, la danse serpentine incarnait l’Art nouveau : il s’agit d’un mouvement artistique datant de la fin du XIXe et du début du XXe siècle qui s’appuie sur l’esthétique des lignes et des courbes. La chorégraphie consiste à danser en faisant tournoyer les pans de son ample robe.
Ainsi, dans ses robes de soie gonflées avec des bambous ou des baguettes de bois cousus dans les manches, Loïe Fuller dansait en réalisant des lignes élégantes et très fluides. Des lumières colorées étaient en même temps projetées sur sa tenue qui changeait alors de couleur pendant qu’elle dansait. Le résultat était alors très spectaculaire, car c’est comme si la danseuse se métamorphosait en éléments du monde naturel tels qu’une fleur, un papillon ou une langue de flamme par sa gestuelle ondoyante.
Le fruit d’un heureux hasard ?
Aujourd’hui encore, beaucoup se demandent comment Loïe Fuller a trouvé l’inspiration pour créer une telle danse. Malheureusement, on ne peut le savoir exactement : certains avancent qu’il ne s’agit que du fruit d’un heureux hasard, ou alors une succession d’événements dans la carrière de la jeune femme. Il faut en effet savoir que même si Loïe Fuller a suivi une formation de danse burlesque, c’est en tant que comédienne que sa voie s’est tracée.
Choisie pour remplacer une danseuse dans une revue londonienne, elle a dû apprendre la skirt dance. Très populaire à l’époque, cette danse consiste à jouer avec l’extrémité des longues jupes en couches avec les bras pour créer un mouvement de tissu fluide. Les représentations étaient souvent organisées dans un théâtre sombre avec des projecteurs de lumière colorée dans le but de mettre en valeur les motifs de leurs jupes.
Alors qu’elle interprétait le rôle d’une femme sous hypnose dans une pièce intitulée « Quack Medical Doctor », Loïe Fuller a dû improviser de grands mouvements dans sa longue robe en soie pour ne pas tomber. Contre toute attente, le public a été conquis, la comparant à un papillon ou une orchidée. C’est là que lui est venue l’idée de créer un spectacle reposant seulement sur ce type de mouvements.
Loïe Fuller et sa danse serpentine
C’est lors de l’arrivée de Loïe Fuller à Paris en 1892 que l’histoire de la danse serpentine a vraiment commencé. La jeune femme voulait en effet faire ses preuves auprès d’Edouard Marchand, directeur des Folies Bergère (théâtre et salle de spectacle).
Elle a cependant dû faire face à une concurrence inattendue : celle d’une autre danseuse américaine du nom de Maybelle Stewart, qui s’était approprié l’œuvre après avoir assisté à un des spectacles de Fuller à New York. Cette dernière est tout de même parvenue à convaincre Marchand de lui donner sa chance, mais à condition de se produire au nom de Stewart durant au moins ses deux premières performances.
C’est ainsi que tout a commencé pour celle qui, pendant 30 ans, sera considérée comme « l’une des danseuses les plus follement célébrées d’Europe ». Tout le monde voulait voir Loïe Fuller et sa danse serpentine aux Folies, même les aristocrates, alors qu’avant, la salle n’attirait généralement que les clients de la classe ouvrière.
La danse serpentine au cinéma
Déjà célèbre à l’époque, la danse serpentine de Loïe Fuller connait son apogée en 1897, lorsque la chorégraphie est apparue dans un film des frères Auguste et Louis Lumière. Depuis, la danseuse a été sollicitée de toute part, mais elle a toujours refusé d’être filmée, préférant faire appel à des danseuses tierces pour se produire devant la caméra.
Malgré cette excentricité, Loïe Fuller a toujours suscité le respect et l’admiration dans le milieu, car elle avait plus d’une corde à son arc : en effet, elle n’était pas seulement une danseuse talentueuse, c’était également une excellente gérante, productrice, metteur en scène, mais aussi une conceptrice d’éclairage. Fuller possédait à son actif plus d’une douzaine de brevets liés à ses costumes et à ses innovations en matière d’éclairage de scène. Tous ces talents lui ont valu d’être « la seule artiste féminine à avoir son propre pavillon » à l’Exposition universelle de 1900.
Toujours à la recherche de l’effet visuel, Loïe Fuller a su utiliser les dernières découvertes scientifiques afin d’améliorer et d’innover dans le domaine de la mise en scène, de l’éclairage et du costume de scène. Selon elle, « le corps jette dans l’espace des vibrations », et la lumière est précisément ce qui rend visible la projection dynamique dans l’espace. Elle en apporte la preuve avec sa danse serpentine dont le costume est pensé comme un dispositif technique qui prolonge et fait jouer le corps dans l’espace.
Elle peut être fière, car aujourd’hui encore, le public est absolument conquis par sa chorégraphie ondoyante et avant-gardiste.