Une équipe de physiciens suisses est parvenue à créer un cristal entièrement composé d’électrons. Bien que de telles structures aient été théorisées pendant des décennies, c’est la première fois qu’elles sont confirmées expérimentalement en laboratoire.
Une entreprise ardue
Normalement, les électrons se comportent plus ou moins comme un liquide, circulant librement dans un matériau. Mais en 1934, le physicien théoricien Eugene Wigner avait prédit qu’un groupe d’électrons pourrait se cristalliser sous une forme solide dans des conditions spécifiques, formant une phase connue aujourd’hui sous le nom de cristal de Wigner.
Pour que cela puisse se produire, un juste équilibre entre deux forces affectant les électrons était nécessaire : leur répulsion électrostatique et leur énergie de mouvement. Bien que cette dernière ait l’effet le plus puissant, faisant rebondir les électrons au hasard, Wigner estimait que la réduire suffisamment permettrait à la répulsion de prendre le dessus, et de figer les électrons sous la forme d’un réseau uniforme.
Mais cela s’est avéré plus délicat que prévu. La densité des électrons devait être abaissée au-delà d’un certain point, et il était également nécessaire de les confiner dans un « piège » et de les refroidir une fraction seulement au-dessus du zéro absolu, afin de réduire l’influence extérieure sur leur mouvement.
Dans le cadre de travaux publiés dans la revue Nature, des physiciens de l’ETH Zurich sont parvenus à remplir toutes les conditions nécessaires à la création du fameux cristal. Une feuille de diséléniure de molybdène d’un atome d’épaisseur a été utilisée afin de confiner les électrons, limitant effectivement leurs mouvements à deux dimensions, tandis que le contrôle du nombre de ces particules dans ce semi-conducteur a impliqué son placement entre deux électrodes de graphène et l’application d’une tension précise. L’ensemble a ensuite été refroidi à un niveau proche du zéro absolu.
Des observations minutieuses
Une fois le cristal de Wigner obtenu, un autre défi attendait l’équipe : parvenir à l’observer. Infime, la distance séparant les électrons (environ 20 nanomètres) n’aurait pu être confirmée à l’aide de dispositifs conventionnels. Les chercheurs ont donc utilisé une nouvelle méthode indirecte, impliquant la projection d’une source lumineuse sur le matériau à une fréquence particulière pour stimuler les « excitons » du semi-conducteur, émettant de la lumière en retour.
Si des cristaux de Wigner étaient effectivement présents, les excitons devaient apparaître immobiles lorsqu’ils réfléchissaient la lumière.
« Un groupe de physiciens théoriques dirigé par Eugene Demler de l’université de Harvard ayant rejoint l’ETH cette année, avait calculé théoriquement comment cet effet devait apparaître dans les fréquences d’excitation observées des excitons », explique Ataç Imamoğlu, auteur principal de l’étude. « Et c’est exactement ce que nous avons observé en laboratoire. »
Par Yann Contegat, le
Source: New Atlas
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