Situé en Sibérie, le cratère de Batagaï est un site géologique unique en son genre. Chaque année, celui-ci « recrache » des ossements préhistoriques qui fascinent les scientifiques et attisent les convoitises des chasseurs d’ivoire. Découverte.

UNE BIZARRERIE GÉOLOGIQUE

Ce cratère étonnant est situé à environ 700 kilomètres au nord de la ville de Iakoutsk, capitale de la Iakoutie, et se serait formé il y a une quinzaine d’années suite à l’aménagement d’une carrière de sable et de gravier, qui fut rapidement délaissée. Pour s’y rendre, il suffit de parcourir une quinzaine de kilomètres en voiture depuis la commune de Batagaï puis de continuer à travers la toundra.

Sous l’effet du soleil, le sous-sol gelé de la carrière se serait peu à peu réchauffé, causant l’effondrement progressif de ses parois. On estime aujourd’hui que le cratère de Batagaï mesure près d’un kilomètre de diamètre.

Selon Dan Fischer, professeur à l’Université du Michigan, ce site géologique exceptionnel qui « recrache » chaque année des ossements préhistoriques (rhinocéros laineux, chevaux et mammouths) dans un excellent état de conservation, représente une véritable mine d’or pour les paléontologues.

Les habitants de cette région isolée de la Sibérie orientale frappée de plein fouet par le chômage y voient quant à eux une source de gains conséquents : dès le printemps, de nombreux chasseurs d’ivoire descendent dans le cratère, espérant mettre la main sur les très convoitées défenses de mammouth.

Les parois gelées de cet immense cratère mesurent près de 30 mètres de haut, et selon les scientifiques, les couches sédimentaires qui les composent s’empilent depuis des milliers d’années, ce qui explique l’incroyable densité d’ossements d’animaux préhistoriques découverts sur les lieux.

LES COUCHES SÉDIMENTAIRES QUI COMPOSENT LES PAROIS DU CRATÈRE S’EMPILENT DEPUIS DES MILLIERS D’ANNÉES

Le réchauffement climatique, qui s’est largement intensifié ces dernières années, contribue largement à l’effritement rapide des parois du cratère de Batagaï, qui dévoilent toujours plus d’ossements en excellent état de conservation. Selon les habitants de la région, près de 20 mètres de falaise qui s’effondrent chaque année.

Les nombreuses découvertes faites sur le site renseignent notamment les paléontologues sur les conditions de vie des animaux préhistoriques

Alors, site géologique d’exception ou paradis pour les chasseurs d’ivoire ? Pour l’instant, les scientifiques restent plutôt partagés. S’ils reconnaissent que le commerce illégal de l’ivoire est un problème, ils savent également que sans la contribution de ces « chasseurs d’or blanc », nombre de ces ossements seraient voués à la décomposition à cause de l’érosion du sol.

Chaque année, des chasseurs venus des quatre coins de la région parcourent la toundra à la recherche d’ivoire (une seule défense de mammouth pouvant représenter l’équivalent de 6 mois de salaire), et c’est grâce à leurs précieuses indications que les chercheurs sont à même de réaliser des découvertes exceptionnelles.

De nombreux paléontologues militent d’ailleurs pour une collaboration étroite avec les chasseurs d’ivoire afin de pouvoir étudier davantage d’ossements de mammouths. Mais ils se heurtent malheureusement parfois à la méfiance et à l’incompréhension des « braconniers ».

UNE COLLABORATION ÉTROITE ENTRE SCIENTIFIQUES ET CHASSEURS D’IVOIRE PERMETTRAIT D’ACCÉLÉRER LES DÉCOUVERTES PALÉONTOLOGIQUES

Grâce aux stries de croissance découvertes sur les ossements et à la mesure des isotopes radioactifs, les chercheurs sont à même de connaître la rudesse des hivers auxquels ces animaux préhistoriques ont dû faire face, leur alimentation ou encore la durée de leur période d’allaitement. Ces diverses informations sont ensuite recoupées et compilées et permettent de mieux comprendre ces périodes lointaines.

Le cratère de Batagaï est encore loin de nous avoir livré tous ses secrets

Le cratère de Batagaï devrait continuer à « recracher » des ossements préhistoriques pendant encore de longues années, et si paléontologues et chasseurs d’ivoire parviennent à s’entendre et à collaborer, les découvertes paléontologiques majeures pourraient s’accélérer. En l’absence de moyens conséquents pour multiplier les fouilles, les renseignements offerts par les locaux s’avèrent en effet d’une importance capitale pour les scientifiques.

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