La publication de la première étude sur le candidat vaccin controversé Spoutnik-V, développé par le gouvernement russe, soulève de nombreuses interrogations au sein de la communauté scientifique. Dans une lettre ouverte, de nombreux chercheurs pointent notamment de potentielles incohérences dans les données.
Des « incohérences étranges » mises en avant par les chercheurs
Publiée la semaine dernière dans la revue The Lancet, l’étude russe portait sur un essai de phase I/II impliquant 78 volontaires sains, s’étant vu administrer l’une des deux formulations du vaccin expérimental Spoutnik-V. Aucun événement indésirable grave n’a été signalé parmi les volontaires – ce qui correspond à l’objectif principal de ces premiers essais cliniques – et il a également été prouvé que les volontaires ont développé une réponse immunitaire au coronavirus SARS-CoV-2 qui devrait théoriquement les protéger de l’infection.
Ces résultats ont d’abord été largement salués par la communauté scientifique, étant donné l’absence de toute publication antérieure au sujet de Spoutnik-V, dont l’utilisation avait déjà été approuvée par les autorités russes un mois plus tôt, apparemment sur la base de ces données. Toutefois, rien ne permet pour l’heure d’affirmer que cette approbation assurera aux habitants du pays de bénéficier d’un accès plus précoce au vaccin. Un essai de phase III de Spoutnik-V a débuté fin août, ce qui constitue généralement la dernière étape de la recherche clinique nécessaire avant qu’un traitement puisse être mis sur le marché.
Dans une lettre ouverte adressée à The Lancet et aux auteurs de l’étude, signée par plus de 35 scientifiques et publiée cette semaine, les chercheurs affirment qu’ils se méfient des données présentées dans l’étude. Parmi eux figurent notamment des experts travaillant dans le domaine de l’immunologie, de la biologie ou du développement de médicaments, basés en Europe, en Amérique du Nord et au Venezuela, ainsi qu’un microbiologiste et généticien russe travaillant à l’université de Kazan. Suite à l’analyse du document, ceux-ci ont déclaré avoir relevé « certaines incohérences étranges ».
« Le fait d’observer autant de points de données constants entre différentes expériences reste hautement improbable »
Les volontaires ont été répartis en plusieurs groupes de traitement, testant des variantes du vaccin congelées ou lyophilisées, ou ne recevant qu’une des deux doses du vaccin pour les tests d’innocuité. Les auteurs de la lettre expliquent avoir été alertés par le fait que certains de ces groupes de traitement présentaient des niveaux d’anticorps ou d’autres réponses immunitaires très proches, voire identiques, après inoculation.
Dans d’autres cas, le niveau d’anticorps ne semblait pas diminuer au sein du même groupe pendant toute la durée de l’étude, qui s’est étalée sur plus d’un mois. Un manque d’informations concernant le groupe de sujets atteints du Covid-19, utilisé pour évaluer les réponses immunitaires du groupe ayant été vacciné, a également été pointé du doigt. Bien que les chercheurs n’accusent pas explicitement les auteurs de l’étude russe d’avoir falsifié les résultats, ils concluent que « le fait d’observer autant de points de données constants entre différentes expériences reste hautement improbable ».
Par conséquent, les auteurs de la lettre ont invité The Lancet à enquêter pour s’assurer de la validité des résultats et à publier les données brutes de l’étude russe. En réponse, la revue a annoncé avoir partagé le document avec les scientifiques russes à l’origine de cette publication controversée, et les avoir encouragés « à s’engager dans la discussion scientifique ».
The Lancet à nouveau dans la tourmente
Si les investigations devaient conduire à la découverte de données falsifiées concernant l’étude russe, ce ne serait malheureusement pas la première fois que The Lancet se retrouverait impliqué dans un tel scandale au cours de cette pandémie. En juin dernier, la revue avait été contrainte de dé-publier une étude portant sur l’hydroxychloroquine, après que des scientifiques extérieurs ont découvert que les données hospitalières mises en avant avaient vraisemblablement été falsifiées.
Cette polémique a éclaté au moment où les essais sur le vaccin contre le Covid-19 développé par AstraZeneca et l’université d’Oxford étaient suspendus après que l’une des volontaires a développé de graves symptômes neurologiques. Si les chercheurs pensaient au départ qu’il pouvait s’agir d’effets secondaires liés à l’inoculation du vaccin expérimental, un comité indépendant a récemment conclu que celui-ci était sans danger et donné son feu vert pour que les essais reprennent au Royaume-Uni.
Début septembre, de nombreux chercheurs ont averti que la course contre la montre pour immuniser la population mondiale contre le Covid-19 pourrait entraîner la mise sur le marché de vaccins disposant d’une efficacité limitée, susceptibles d’aggraver la pandémie.
Par Yann Contegat, le
Source: Gizmodo
Étiquettes: vaccin, russie, russe, coronavirus, covid-19, Spoutnik-V
Catégories: Actualités, Santé
Le nombre de personne ayant reçu le vaccin experimental est determinant et c’est bien pour cela que l’on fait plusieurs phases.Dans un groupe restreint,logiquement il se peut que tout se passe bien,question de chance et de probabilité.Mais dans un groupe plus large,j’aurai des doutes,quel que soit le pays ayant fait l’etude.