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Que s’est-il passé à Roanoke, la première colonie anglaise en Amérique qui s’est « évaporée » ?

Retour sur cette énigme historique fascinante

Il y a plus de 427 ans, John White débarque sur l’île de Roanoke, en Caroline du Nord, avec de nombreux vivres destinés à ravitailler sa colonie. À son arrivée sur les lieux, c’est la stupeur : le camp a été pillé et les colons ont disparu. Retour sur cette énigme historique fascinante.

Fraîchement nommé gouverneur de la jeune colonie anglaise de Roanoke, John White débarque sur l’île du même nom le 18 août 1590. Le campement désert semble avoir été pillé et seuls deux indices témoignent de la possible destination des colons disparus : les mots « Croatoans » (qui signifie Powhatans en anglais) et « Cro » gravés respectivement sur un poteau et un arbre.

Ce mystère historique fascine depuis des décennies les historiens et les archéologues, qui cherchent désespérément à découvrir ce que sont devenus les 115 hommes, femmes et enfants qui appartenaient à la première colonie anglaise fondée sur le sol américain.

Bien que de nombreuses théories aient été échafaudées au fil des années, aucune n’avait jusqu’alors apporté de preuve tangible quant au sort de ces colons anglais mystérieusement disparus.

Dessin de John White représentant une danse rituelle des indiens Powhatans sur l’île de Roanoke

Ce n’est que récemment que deux équipes d’archéologues sont parvenues à la conclusion qu’une partie des membres de la colonie de Roanoke pourrait avoir survécu en s’installant avec les tribus indiennes locales après s’être scindés en deux groupes.

Les archéologues ont en effet découvert plusieurs artefacts européens, parmi lesquels une poignée d’épée, des bols cassés ainsi qu’un fragment d’ardoise, qui indiqueraient la présence de membres de la colonie de Roanoke sur l’île voisine d’Hatteras et sur le continent américain.

Selon Mark Horton, l’un des archéologues ayant participé aux excavations sur le site d’Hatteras : « La preuve est faite qu’ils se sont assimilés aux Amérindiens mais ont conservé leurs biens. »

Fortifications reconstruites marquant l’emplacement initial du fort de Roanoke

Nick Luccketti, membre de la First Colony Foundation travaillant sur le site continental de la baie d’Albemarle, pense quant à lui avoir mis au jour des poteries utilisées par les membres disparus de la colonie de Roanoke.

Il reste toutefois encore beaucoup de travail aux deux équipes d’archéologues afin de résoudre cette énigme historique complexe, les artefacts retrouvés étant très difficiles à dater avec précision.

Sur l’île d’Hatteras, le site de Cape Creek était autrefois une ville réputée et un carrefour commercial pour les indiens Powhatans. À l’occasion d’une fouille de deux jours durant l’été 2015, les archéologues ont exhumé de nombreux objets amérindiens et européens : des briques artisanales, des poteries amérindiennes, les fragments d’un pistolet datant du XVIe siècle et un œillet en cuivre.

Dix-sept ans plus tôt, des archéologues appartenant à l’université de la Caroline de l’Est y avaient découvert une chevalière en or ornée d’un lion ou d’un cheval, ainsi que plusieurs objets datant du milieu du XVIIe siècle.

Pour Mark Horton, ces découvertes démontrent que les membres de la colonie perdue de Roanoke auraient vécu parmi les indiens Powhatans en assimilant peu à peu leurs coutumes.

UNE PARTIE DES COLONS DE ROANOKE AURAIT VÉCU PARMI LES INDIENS POWHATANS ET AURAIT ASSIMILÉ LEURS COUTUMES

Aquarelle du fort de Guyanailla Bay (similaire à celui qui se trouvait sur l’île de Roanoke) peinte par John White

Plus étrange encore, les archéologues ont aussi découvert un fragment d’ardoise sur lequel était gravé la lettre « M » ainsi qu’un stylet en plomb. Toujours selon Horton, « cela appartenait à une personne qui savait lire ou écrire », étant donné que cette tablette « n’était pas utile au commerce ».

Les recherches sur le site de Cape Creek ont également permis de mettre au jour la poignée d’une rapière (épée légère utilisée par les Anglais durant le XVIe siècle), un imposant lingot de cuivre, une barre de fer et une poterie allemande.

Carte de la colonie anglaise de Roanoke réalisée par John White en 1584

Ces différents objets témoigneraient d’un travail métallurgique possiblement réalisé par les colons de Roanoke, étant donné que les Amérindiens ne connaissaient pas ces techniques.

Une carte datant de 1585 exposée au British Museum et dessinée par John White a quant à elle incité l’équipe d’archéologues de la First Colony Foundation à effectuer des fouilles sur le continent américain, sur un site distant d’environ 80 kilomètres de l’île de Roanoke.

Ce document historique nommé « La Virginea Pars » indiquait la présence d’un fort sur le continent, qui pourrait représenter la destination choisie par une partie des membres de la colonie perdue de Roanoke.

En 2006, les archéologues ont excavé des poteries amérindiennes à proximité de l’emplacement du fort mentionné par John White. Plus récemment, ils y ont découvert des poteries anglaises similaires à celles trouvées sur l’île de Roanoke.

Pour autant, cela ne permet pas d’affirmer que les Anglais ont effectivement vécu aux côtés des Amérindiens sur le continent, car comme l’explique Brett Riggs, archéologue à l’université de Caroline du Nord, « les tribus avaient tendance à s’emparer rapidement de tout matériel abandonné par les Européens et ne laissaient rien sur place », ce qui ne confirme pas selon lui « la présence de colons européens » sur les lieux.

LE MYSTÈRE DE LA COLONIE PERDUE DE ROANOKE EST ENCORE LOIN D’ÊTRE RÉSOLU

Lithographie représentant le baptême de Virginia Dare, première Anglaise née sur le continent nord-américain

Malgré ces découvertes alléchantes, le mystère de la colonie perdue de Roanoke est encore loin d’être résolu. Il reste compliqué de dater avec précision les artefacts retrouvés, mais cela n’empêche pas les archéologues de se montrer optimistes : de nombreux sites doivent encore être fouillés et l’analyse approfondie des artefacts découverts pourrait leur réserver encore bien des surprises.

Pour aller plus loin, découvrez aussi le mystère de la Reine Rouge de la cité maya de Palenque, qui fascine les archéologues.

Par Yann Contegat, le

Source: National Geographic

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