Une étude scientifique britannique parue dans la revue Proceedings of the Royal Society B : Biological Sciences tire la sonnette d’alarme : la chasse aux trophées pourrait conduire à l’extinction d’espèces animales déjà fragilisées par les changements environnementaux.

 

Un « hobby » de sauvages

La chasse aux trophées, c’est la dernière lubie des nantis en quête de sensations fortes. Désespérés de pouvoir conserver cette virilité si durement menacée, ils se sont lancés dans une course effrenée au gros gibier africain : tels des gamins lors d’un concours douteux, la victoire ira à celui qui aura la plus grosse – collection de trophées. Fidèles à leur machisme primaire et leur mépris de la vie animale, ces « chasseurs » privilégient les mâles – It’s a man’s, man’s, man’ world – qui arborent fièrement les signes distinctifs de leur virilité : les cornes de l’antilope, la crinière du lion, les bois du cerf, les défenses de l’éléphant… Vous voyez le tableau : plus c’est gros, plus c’est bon.

Mais les mammifères ne sont pas les seuls concerncés par cette traque sélective aux spécimens les plus virils : les insectes souffrent aussi de cette odieuse fièvre collectrice, et notamment les coléoptères dont les mâles sont aussi porteurs de signes distinctifs. Les mâles de haute lignée inlassablement pourchassés par de riches braconniers ont une autre utilité que de faire joli sur un pan de mur : ils sont les garants de l’espèce. Cette élite génétique détentrice de la survie de leurs congénères doit absolument être préservée de la folie meurtrière des hommes. D’après les prédictions et les prévisions des chercheurs de la Queen Mary University de Londres, l’abattage de seulement 5 % de ces mâles alphas au sein d’une population animale déjà confrontée à des changements environnementaux suffirait à les conduire tout droit vers une extinction pure et simple.

 

Argent 1 – Nature 0

La chasse aux trophées est une industrie prospère : elle génère chaque année un chiffre d’affaires de 200 millions de dollars. Une manne financière qui profite à une vingtaine d’états africains parmi lesquels le Zimbabwe et l’Afrique du Sud. Mais pour pleinement mesurer l’ampleur de la catastrophe, sachez qu’en Afrique sub-saharienne, le domaine de chasse réservé aux « sportifs » est plus vaste et plus étendu que l’ensemble des parcs nationaux destinés à la sauvegarde des espèces. Malheureusement, les taux d’abattage relativement bas et les mâles demeurant la cible privilégiée des « chasseurs » convainquent beaucoup de gens que ce hobby n’a que peu de conséquences sur l’écosystème.

Pour le Dr. Robert Kneel, directeur de l’étude et professeur à la School of Biological and Chemical Sciences, le problème n’est pas tant dans la chasse elle-même que dans la sélection des proies : « Nous avons démontré que la chasse aux trophées peut potentiellement anéantir des populations animales résilientes lorsqu’elles subissent des changements environnementaux. C’est parce que ces mâles de haute lignée arborent d’imposantes marques de virilité qu’ils ont tendance à procréer de noombreux petits ; leurs ‘bons gènes‘ se répandent plus facilement. Les populations issues de ces animaux racés et naturellement robustes peuvent s’adapter plus vite à leur nouvel environnement. » CQFD.

Chasse aux trophées et régulation 

N’importe quel individu doté d’un minimum de matière grise sait que tirer à vue sur des animaux déjà menacés par le changement climatique ne va pas améliorer leur situation déjà précaire. Encore moins lorsqu’il s’agit d’espèces en sursis : la moitié des lions d’Afrique pourrait disparaître d’ici 20 ans et les éléphants continuent de tomber par milliers sous les balles de braconniers sans scrupules… Le Dr. Kneel tient toutefois à nuancer le tableau sur les méfaits de cette chasse aux purs-sangs, elle n’aurait pas que de mauvais aspects : « Quand elle est correctement encadrée, la chasse aux trophées peut s’avérer être une considérable force de conservation ; c’est la raison pour laquelle nous suggérons une approche différente que l’interdiction pure et simple de cette pratique. ».

C’est en utilisant un logiciel de simulation que les chercheurs travaillant sur l’étude ont pu prédire l’impact que l’abattage sélectif des mâles dominants sur leur environnement. Ils suggèrent donc une alternative : plutôt que se concentrer sur les jeunes mâles vigoureux en âge de perpétuer l’espèce, les adeptes de ce « sport » devraient se reporter sur des cibles plus âgées ayant déjà assuré leur part du travail. « Nos résultats montrent clairement que les restrictions d’âge sur la chasse – qui laissent aux mâles le temps de se reproduire – sont efficaces pour réduire l’impact de cet abattage sélectif sur des populations déjà en proie aux changements environnementaux. »

Nul ne nie les bienfaits de la chasse lorsqu’elle vise à réguler les populations de sangliers, de chevreuils, de blaireaux, et de galinettes cendrées. Mais il est impossible de vanter les mérites écologiques d’une chasse aux trophées destinée à éliminer d’emblématiques figures du règne animal pour le compte d’une vulgaire photo Instagram. Réguler par la chasse une population toujours plus déclinante d’éléphants et de grands félins est aussi aberrant que Donald Trump souhaitant faciliter l’importation de ces odieux trophées sur le sol américain. « Quelqu’un qui s’est habitué à considérer la vie de n’importe quelle créature vivante comme sans valeur, finit par penser qu’une vie humaine ne vaut rien », Dr. Albert Schweitzer.

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