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Comment la beauté de la Provence a révolutionné le monde de la peinture

Son charme est une source d’inspiration infinie

Aux portes d’Aix-en-Provence, la montagne Sainte-Victoire s’élève à plus de 1 000 mètres au-dessus d’une vaste plaine parcourue de vignobles, de ruisseaux sinueux et de pins. Il s’agissait de l’une des principales sources d’inspiration du peintre Paul Cézanne qui l’a représentée dans nombre de ses œuvres avant-gardistes.

UN LIEU INDISSOCIABLE DE L’ŒUVRE DE CÉZANNE

Massif calcaire imposant qui attire chaque année de nombreux randonneurs et touristes sur ses sentiers, la Sainte-Victoire doit son nom à la grande victoire du général romain Marius sur les Teutons dans les environs d’Aix-en-Provence en 102 avant Jésus-Christ. Depuis le 19e siècle, elle a acquis une renommée internationale grâce aux travaux révolutionnaires du peintre provençal Paul Cézanne.

Né à Aix en 1839, Cézanne grandit au pied de la Sainte-Victoire et passe son enfance à arpenter ses environs en compagnie de ses amis Émile Zola et Jean-Baptistin Baille. Un cadre unique qui lui inspirera plus tard certaines de ses œuvres les plus novatrices. Il s’installe ensuite à Paris, où il fréquente d’autres peintres réputés, comme Camille Pissarro, Édouard Manet, Claude Monet ou Pierre-Auguste Renoir.

Pissarro le pousse à faire évoluer sa technique et à peindre à la manière des impressionnistes, et c’est ainsi que nait le tableau La Maison du pendu en 1873. Cézanne adopte ici les couleurs claires et la touche fragmentée des impressionnistes, mais n’hésite pas à bousculer les règles artistiques en vigueur en jouant avec la perspective.

La Maison du pendu à Auvers-sur-Oise (1873)

Lors de sa présentation, le tableau déroute les critiques parisiens et cet accueil glacial pousse Cézanne à retourner en Provence, sa terre natale. S’il réside parfois dans le quartier de l’Estaque à Marseille et se rend occasionnellement en Suisse, Aix reste sa véritable maison, et c’est là-bas que va naître sa fascination pour la montagne Sainte-Victoire, qui se retrouvera au cœur de plus de 60 de ses œuvres.

Comme l’explique son arrière petit-fils Philippe Cézanne : « Il a d’abord peint la montagne Sainte-Victoire de loin, depuis le parc de la maison familiale située dans le quartier du Jas-de-Bouffan à la périphérie d’Aix-en-Provence. »

Cézanne se concentre ensuite sur la représentation du massif calcaire, son « motif » de prédilection, en l’abordant sous différents angles et en le peignant avec des coups de pinceau plus précis et des taches de couleur.

« Il était passionné par la géologie et les reliefs de cette balise naturelle », ajoute Philippe. « Il avait vu la montagne changer au fil des heures de la journée et des saisons, de sorte qu’avec le temps, il la connaissait par cœur. »

Cézanne développe son style caractéristique et novateur en la représentant à l’aide de formes simples, d’une manière quasi architecturale, et de taches de couleur. À partir de 1870, le peintre provençal peint sa montagne chérie 87 fois, et celle-ci évolue au fil des toiles en devenant chaque fois un peu plus plate, fragmentée et fantasmée.

Hameau à Payennet près de Gardanne (1886-1890)

Comme il l’affirmera plus tard : « Peindre d’après nature ce n’est pas copier servilement, c’est réaliser ses sensations. Toute la volonté du peintre doit être le silence. Il doit faire taire en lui toutes les voix des préjugés, oublier, oublier, faire silence, être un écho parfait. Alors, sur sa plaque sensible, tout le paysage s’inscrira. »

L’artiste représente les versants sud et ouest de la montagne, et installe son chevalet dans les environs du Tholonet et de Gardanne, où il vit avec sa famille depuis 1886. Il loue également une cabane dans les carrières voisines de Bibémus, où il peint de façon obsessionnelle les formes cubiques des roches ocres taillées à la main, avec en fond l’incontournable Sainte-Victoire.

Ses dernières toiles sont réalisées depuis la colline des Lauves, à quelques pas de son atelier, où il travaille tous les matins de 1902 à sa mort. C’est là que le peintre, alors âgé de 67 ans, est pris dans un violent orage le 15 octobre 1906, alors qu’il réalise une énième représentation du massif.

Victime d’un malaise, il reste de longues heures sous la pluie froide et n’est ramené chez lui que le lendemain. Il s’éteint une semaine plus tard des suites d’une pneumonie. Un mois plus tôt, il avait déclaré à son ami Émile Bernard : « J’ai juré de mourir en peignant. »

« J’AI JURÉ DE MOURIR EN PEIGNANT »

La montagne Sainte-Victoire depuis les Lauves (1906)

Incompris de la majorité de ses contemporains, à l’exception d’artistes comme Émile Bernard ou un très jeune Pablo Picasso, qui le considère « comme son dieu » et « le véritable père de l’art moderne », l’avant-gardiste Cézanne laisse derrière lui une œuvre composée de 900 toiles et de 400 aquarelles qui influenceront grandement des mouvements artistiques majeurs, comme le cubisme ou le fauvisme, au cours du 20e siècle.

Par Yann Contegat, le

Source: BBC

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