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Des physiciens du CERN réalisent le rêve des alchimistes en changeant du plomb en or

Une quête millénaire devenue réalité

Plomb Or

Depuis des siècles, l’humanité rêve de transformer le plomb en or, un mythe popularisé par les alchimistes du Moyen Âge à la recherche de la légendaire pierre philosophale. Aujourd’hui, ce fantasme trouve une forme inattendue de concrétisation au CERN, à travers les expériences de physique des particules menées avec le Grand collisionneur de hadrons (LHC). Loin d’une magie ésotérique, c’est par la science pure et la puissance phénoménale d’un accélérateur de particules que cette transmutation devient possible. Une équipe de chercheurs du projet ALICE (A Large Ion Collider Experiment) vient de révéler que, dans des conditions extrêmes, certains atomes de plomb peuvent perdre des protons et se transformer en or.

L’expérience ALICE

L’expérience ALICE a pour objectif principal l’étude du plasma de quarks et de gluons, un état de la matière qui aurait existé quelques microsecondes après le Big Bang. Pour cela, les chercheurs provoquent des collisions entre ions lourds, notamment des atomes de plomb, à des vitesses proches de celle de la lumière. Ces impacts ultra-énergétiques permettent de recréer des conditions extrêmes et d’observer les comportements fondamentaux de la matière.

Dans le cadre de ces expérimentations, les scientifiques ont observé que certaines collisions aboutissent à des transformations nucléaires inédites, parmi lesquelles la conversion de noyaux de plomb en d’autres éléments, y compris en or. Il ne s’agit pas d’une transformation chimique classique, mais bien d’un processus de transmutation nucléaire, reposant sur des mécanismes quantiques et des interactions électromagnétiques d’une rare intensité. Les résultats de ces travaux sont détaillés dans la revue Physical Review C.

Une transformation nucléaire

Il ne s’agit pas ici d’une transmutation alchimique, mais bien d’un phénomène de transmutation nucléaire. Le noyau du plomb contient 82 protons et environ 126 neutrons, tandis que l’or possède 79 protons. Pour réaliser cette transformation, il suffit en théorie de retirer trois protons du noyau de plomb.

Dans les conditions ordinaires, cela est pratiquement impossible. Mais dans le LHC, les atomes de plomb sont projetés à une vitesse correspondant à 99,999993 % de celle de la lumière. Lors de leur circulation, certains ions ne participent pas directement aux collisions, mais restent dans le faisceau à grande vitesse. Ces ions peuvent interagir avec des impulsions lumineuses intenses générées par les champs électromagnétiques du LHC.

Ces impulsions, bien que brèves, ont une énergie suffisante pour provoquer une dissociation nucléaire, c’est-à-dire l’éjection de plusieurs protons du noyau de plomb. Ce mécanisme subtil permet alors la formation de nouveaux éléments, y compris le tant convoité or. Ce processus, bien que rare, peut être observé et mesuré.

Une alchimie moderne sous haute technologie

Marco Van Leeuwen, porte-parole d’ALICE, souligne la performance exceptionnelle des détecteurs de l’expérience. Ceux-ci peuvent à la fois gérer les collisions massives générant des milliers de particules et capter les événements plus discrets où seules quelques particules sont produites. Cela permet d’étudier en détail des phénomènes électromagnétiques rares, tels que cette forme de transmutation nucléaire.

Mais l’or n’est pas le seul élément produit. En utilisant les calorimètres à zéro degré (ZDC) du détecteur ALICE, les chercheurs ont observé des interactions entre la lumière à haute énergie et le noyau des ions de plomb. Ces interactions entraînent la perte de protons et de neutrons, donnant naissance non seulement à de l’or, mais aussi à d’autres éléments comme le thallium et le mercure.  

Même si la création d’or a bien lieu, il ne faut pas imaginer un scénario digne d’Eldorado. Chaque seconde, environ 89 000 noyaux d’or sont générés parmi les 174 milliards d’atomes de plomb présents dans le faisceau. En réalité, la quantité d’or ainsi produite est infime, puisqu’il s’agit de masses microscopiques de l’ordre du gramme, voire moins. De plus, ces atomes sont tellement énergétiques qu’ils finissent projetés contre les parois de l’accélérateur, où ils se désintègrent presque aussitôt.

Selon Uliana Dmitrieva, membre de l’équipe ALICE, grâce aux capacités uniques des ZDC, cette analyse est la première à détecter et étudier de façon systématique la signature de la production d’or au LHC. Les données récoltées permettent aussi de mieux comprendre les modèles théoriques de dissociation électromagnétique, des modèles qui ont un rôle important non seulement en physique fondamentale, mais aussi dans la gestion technique du LHC, notamment pour prédire les pertes de faisceau qui limitent ses performances.

Par ailleurs, un événement ultra-rare vient de se produire à l’accélérateur de particules du CERN.

Par Eric Rafidiarimanana, le

Source: IFL Science

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