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C’est un monstre de technologie installé dans le sud de la France. Il peut soulever un porte-avions, mais son objectif réel est autrement plus ambitieux : recréer l’énergie du Soleil sur Terre. Et offrir à l’humanité une source d’électricité propre, sûre et quasi inépuisable.
Une pièce maîtresse de 1000 tonnes pour apprivoiser la fusion nucléaire
À Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône, le réacteur expérimental Iter vient d’accueillir son cœur électromagnétique : le solénoïde central, l’aimant le plus puissant jamais fabriqué par l’homme. Haut comme un immeuble de six étages, pesant près de 1000 tonnes, il génère un champ magnétique de 13 teslas, soit 280 000 fois plus que celui de la Terre. Une telle force suffirait à soulever un porte-avions.
Mais ce n’est pas un exploit de force brute. Ce super-aimant sert à initier et stabiliser un plasma à 150 millions de degrés, dans une enceinte circulaire appelée tokamak. Objectif : provoquer la fusion de noyaux d’hydrogène, comme au cœur des étoiles. Contrairement à la fission nucléaire, la fusion ne produit pas de déchets hautement radioactifs, ni de risque d’emballement.
Le défi du confinement magnétique : maintenir un soleil miniature en lévitation
Produire de l’énergie par fusion nécessite de recréer des conditions extrêmes : un plasma chauffé à une température plus élevée que celle du noyau solaire. Pour cela, le plasma doit être confiné sans toucher les parois du réacteur. Sinon, il se refroidit immédiatement et tout s’effondre.
C’est là que le solénoïde central entre en jeu. Il agit comme le starter du tokamak, générant un courant électrique qui transforme le gaz en plasma, puis maintenant ce plasma en suspension grâce à un champ magnétique d’une stabilité extrême.
Ce confinement repose sur quatre prouesses :
- une température maîtrisée au millionième de degré,
- une supraconductivité maintenue à -269°C,
- une gestion des forces colossales induites,
- une synchronisation parfaite avec les autres aimants du réacteur.
Chaque seconde de fonctionnement est un exploit d’ingénierie.
Une coopération scientifique mondiale pour une promesse planétaire
Ce super-aimant n’est pas seulement un bijou technologique. C’est le fruit d’une collaboration entre 35 nations, un projet mondial sans équivalent. Fabriqué par General Atomics aux États-Unis, le solénoïde a été expédié par cargo, puis acheminé avec précaution jusqu’à Cadarache, pièce par pièce.
À chaque étape, ingénieurs et logisticiens ont dû gérer des contraintes extrêmes, des marges d’erreur inférieures au millimètre, et une coordination internationale serrée. Iter, c’est aussi cela : une réussite diplomatique autant que scientifique.
Car au-delà des prouesses techniques, il y a un objectif commun : garantir à l’humanité une énergie propre, durable, et universellement accessible. Et prouver que face à une urgence planétaire, la coopération peut l’emporter sur la compétition.
Une révolution énergétique en marche, avec l’énergie des étoiles en ligne de mire
Si Iter réussit, la fusion pourrait devenir notre source principale d’énergie au XXIe siècle. Plus de dépendance aux hydrocarbures, plus de centrales au charbon, et une réduction massive des émissions de CO₂. Mieux encore : le combustible, le deutérium, est extrait de l’eau de mer. Il est donc presque inépuisable.
Nous ne parlons pas ici de science-fiction. La mise en service complète d’Iter est prévue dans la décennie. Ce super-aimant n’est qu’un jalon, mais il représente un pas gigantesque. Un jour, peut-être, nos enfants vivront dans un monde alimenté par la même énergie que celle du Soleil. Et ce jour-là, ce colosse électromagnétique installé en Provence aura bel et bien changé l’Histoire.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Sciences physiques, Sciences