La nature révèle souvent des histoires de survie et de sacrifice, mais peu sont aussi poignantes que celle du calmar aux yeux noirs ou Gonatus onyx. Des images montrent une mère transportant des milliers d’œufs à travers l’océan pendant plusieurs mois, sans jamais les abandonner, même pour se nourrir.
L’Institut Schmidt de l’océan, qui a filmé ces images rares près des côtes du Costa Rica lors de l’expédition OctoOdyssey, souligne la vulnérabilité de ces calmars lorsqu’ils couvent. Ils nagent lentement et deviennent des proies faciles pour les prédateurs marins. Gonatus onyx, reconnaissable à ses grands yeux noirs cerclés de blanc, est une des deux seules espèces de calmars qui s’occupent activement de leurs œufs après la ponte.
La mère porte environ 2 000 à 3 000 œufs, rassemblés dans une membrane tubulaire ouverte des deux côtés. Elle manipule doucement ses bras pour renouveler l’eau autour des œufs et assurer leur apport en oxygène. La période d’incubation des œufs dure entre 6 et 9 mois, une durée considérable durant laquelle la mère se prive de nourriture.
Au début, elle peut encore déplacer rapidement ses œufs pour les mettre en sécurité face aux dangers, mais sa force diminue avec le temps, réduisant sa capacité à protéger efficacement sa progéniture. Selon une étude de 2005 menée par Brad Seibel, biologiste marin à l’université de Floride du Sud, et son équipe, les mouvements brusques et la nage de fuite peuvent entraîner la désintégration des masses d’œufs les plus mûrs. Les calmars avec des embryons avancés montrent peu de réaction aux menaces.
L’étude a aussi révélé un affaiblissement progressif des muscles et des glandes digestives des calmars Gonatidae, indiquant leur dépendance aux réserves d’énergie durant la couvaison. Les calmars se reproduisent généralement une seule fois et meurent peu après la ponte. La survie de la mère jusqu’à l’éclosion des œufs est donc son ultime geste de protection, si elle ne succombe pas avant dans sa tentative de sauvegarde.
Le calmar à œil noir, commun dans le Pacifique du Japon à la Californie et jusqu’à la mer de Béring, est particulièrement vulnérable lors de la couvaison. Les jeunes chassent en groupes dans les eaux peu profondes, tandis que les adultes, mesurant jusqu’à 18 cm, préfèrent les eaux plus profondes et se déplacent dans l’obscurité des profondeurs lors de la couvaison, restant à la portée des mammifères marins plongeurs comme les baleines et les éléphants de mer. Leur migration contribue au transfert de matière organique des eaux peu profondes vers des écosystèmes marins plus profonds.