La mise au jour de dents d’un ancien hominidé à proximité d’artefacts en pierre vieux de 3 millions d’années remet en question l’idée que seuls les représentants du genre Homo étaient capables de fabriquer de tels outils.
La possible oeuvre de Paranthropus
Découverts au Kenya, ces artefacts « oldowayens » constituent le plus ancien exemple connu d’un ensemble spécifique d’outils en pierre utilisés pour le dépeçage et le broyage de matières végétales. Si l’apparition d’un tel attirail était jusqu’à présent considérée comme une étape importante de l’évolution humaine, la présence de molaires massives appartenant à Paranthropus, hominidé à la mâchoire puissante situé sur une branche latérale de notre arbre évolutif, suggère qu’ils auraient été potentiellement façonnés par ce dernier.
Situé dans l’ouest du pays, le site de Nyayanga abrite également les plus anciennes preuves de la consommation de très gros animaux par des hominines, dont deux squelettes incomplets d’hippopotames préhistoriques présentant des marques claires de dépeçage, et des os d’antilope semblant avoir été broyés pour en extraire la moelle.
Bien que les plus anciens outils en pierre brute connus remontent à 3,3 millions d’années, avant l’apparition du genre Homo, la sophistication de ceux de l’Oldowayen auraient ouvert de nouvelles perspectives à leurs utilisateurs.
La radiodatation et diverses autres techniques ont permis d’estimer l’âge des artefacts récemment découverts entre 2,6 et 3 millions d’années, tandis que l’analyse des traces d’usure de 30 d’entre eux a montré qu’ils avaient été utilisés pour découper, racler et marteler des carcasses d’animaux et écraser des plantes. Le fait qu’ils soient antérieurs de 2 millions d’années à la découverte du feu suggère que leurs créateurs auraient mangé la viande d’hippopotame et d’antilope crue, la martelant éventuellement afin de la rendre plus facile à mâcher.
« La technologie Oldowan s’apparentait à l’apparition soudaine d’une toute nouvelle série de dents »
« Avec ces outils, vous pouviez écraser plus efficacement que les molaires d’un éléphant et trancher mieux que les canines d’un lion », estime le professeur Rick Potts, auteur principal de la nouvelle étude, publiée dans la revue Science. « La technologie oldowayenne s’apparentait à l’apparition soudaine d’une toute nouvelle série de dents à l’extérieur de votre corps, offrant à nos ancêtres évoluant dans la savane africaine un vaste éventail de nouvelles opportunités alimentaires. »
Selon Fred Spoor, de l’Universty College de Londres, ces travaux pourraient inciter à repenser les capacités de Paranthropus. « Notre perception de ces créatures, influencée par leur apparence proche des gorilles, implique qu’elles soient souvent dépeintes comme des herbivores massifs et patauds passant leurs journées à mâcher des tubercules », explique-t-il.
Si la possibilité que cet ancien hominidé ait fabriqué ces outils est intrigante, il est également possible que les dents découvertes étaient celles de la proie plutôt que du chasseur. « Nous mangeons des joues de porc et celles de ces primates préhistoriques étaient particulièrement charnues », souligne le chercheur. « Je suis sûr qu’elles étaient très savoureuses. »
Par Yann Contegat, le
Source: The Guardian
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