Dans le domaine de l’aquaculture, la hausse de la température de l’eau entraîne une nette augmentation des maladies microbiennes chez les poissons d’élevage, poussant les exploitants à utiliser davantage d’antibiotiques, qui mènent à l’émergence de pathogènes plus résistants susceptibles d’être transmis à l’Homme.

Quand la résistance aux antibiotiques augmente avec les températures

Dans le cadre de cette étude présentée dans la revue Nature Communications, une équipe de chercheurs français a montré qu’avec le réchauffement des océans et des sources d’eau douce, les conditions deviennent plus favorables aux bactéries, ce qui conduit les pisciculteurs à utiliser des quantités croissantes d’agents antimicrobiens (gamme de traitements comprenant antibiotiques et antifongiques) pour lutter contre les maladies qui frappent leurs stocks. Loin d’être sans conséquences, le recours croissant à de tels agents entraîne la prolifération des bactéries résistantes aux antibiotiques.

« Les bactéries résistantes en aquaculture peuvent soit se propager, soit transmettre leurs gènes de résistance à des bactéries non résistantes qui infectent les humains, provoquant ainsi des maladies difficiles à traiter, tant chez les animaux et les humains », explique Samira Sarter, microbiologiste à l’Institut des sciences de l’évolution de l’université de Montpellier ayant participé à l’étude.

Les chercheurs ont analysé plus de 400 articles scientifiques portant sur plus de 11 000 bactéries trouvées dans des aquacultures de 40 pays afin d’établir un indice de résistance multi-antibiotique, qui a révélé que les pays à faible et moyen revenu présentaient des niveaux élevés de résistance aux antimicrobiens (RAM).

L’étude a également montré que les animaux aquatiques infectés présentaient un taux de mortalité plus élevé à des températures plus chaudes. De ce fait, les pays les plus vulnérables au changement climatique seront probablement confrontés aux risques de RAM les plus élevés, ce qui aura un impact sur la santé humaine au-delà du secteur de l’aquaculture, soulignant la nécessité d’une action urgente.

Ses auteurs estiment donc indispensable de « trouver des solutions durables pour réduire au minimum l’utilisation des antibiotiques et accroître la résilience des systèmes ».

— Thanakorn Hongphan / Shutterstock.com

Un problème mondial

L’industrie de l’aquaculture fournissant la moitié des poissons et fruits de mer consommés dans le monde et constituant une source vitale de protéines pour un nombre croissant de personnes dans le monde, en particulier dans les pays en développement, la prolifération des bactéries résistantes aux antibiotiques constitue un problème majeur.

La population mondiale devrait augmenter de 2 milliards de personnes d’ici 2050. La sécurité alimentaire est un défi imminent pour les pays confrontés à un nombre croissant de sécheresses, d’inondations et d’incendies de forêt en raison du changement climatique.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, en 2016, 37 pays produisaient plus de poissons d’élevage que de poissons sauvages. Tandis qu’en 2014, un rapport de la Banque mondiale prévoyait que 62 % des produits de la mer consommés à l’échelle mondiale seraient issus de l’élevage d’ici à 2030.

De son côté, l’OMS estime que la résistance aux antimicrobiens serait chaque année responsable de 700 000 décès dans le monde et que ce nombre pourrait passer à 10 millions au cours des 35 prochaines années si rien n’est fait.

Il convient également de préciser que ce risque sanitaire s’applique non seulement à la pisciculture, mais également à l’élevage sur terre, sachant que 6 maladies infectieuses connues sur 10 chez l’Homme peuvent être transmises par les animaux.

Parmi les alternatives aux antibiotiques envisageables dans les fermes piscicoles, les chercheurs évoquent notamment l’utilisation de certaines variétés de plantes aquatiques qui aideraient à renforcer l’immunité des poissons contre les maladies. L’étude recommande également une meilleure gestion des cultures, des élevages et des eaux usées afin d’éviter la contamination croisée entre milieux terrestre et aquatique.

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