L’Antarctique, connu pour ses conditions extrêmes et son rôle clé dans la régulation du climat mondial, subit un réchauffement rapide qui inquiète les scientifiques. Récemment, une mission destinée à explorer la mer de Ross a mis en lumière des phénomènes encore plus préoccupants. Grâce aux données collectées par un robot sous-marin nommé Marlin, les chercheurs ont identifié une fonte accélérée de l’une des plus grandes plateformes glaciaires de la région.
Une mission compromise, mais fructueuse
En 2021, des chercheurs ont déployé Marlin, un véhicule autonome, dans la mer de Ross, située dans l’océan Austral. Ce planeur sous-marin avait pour mission de collecter des données sur les conditions marines environnantes. Cependant, le robot s’est retrouvé coincé sous la plateforme de glace de Ross après avoir été entraîné par des courants inattendus. Marlin était pris dans un courant en direction du sud, empêchant le planeur de se diriger vers le nord en eau libre comme prévu.
Durant les quatre jours où il est resté bloqué, Marlin a effectué près de 80 plongées et collecté des informations précieuses en mesurant l’eau qui l’entourait dans le creux de la plateforme glaciaire, atteignant des profondeurs de plus de 200 mètres.
Ces données, initialement non prévues, se sont révélées cruciales pour comprendre les interactions entre les eaux réchauffées de l’océan et la plateforme glaciaire. Elles ont permis aux chercheurs de l’université d’East Anglia d’obtenir une vision inédite sur les mécanismes de fonte sous la surface.
Réchauffement des eaux et fonte des glaces
Les observations de Marlin ont mis en évidence une intrusion d’eau relativement chaude dans la cavité située sous la plateforme de glace. Mesurant près de 50 mètres d’épaisseur, cette couche d’eau, à des températures comprises entre -1,9 et -1,7 °C, est suffisante pour provoquer une fonte accélérée de la face inférieure de la glace. Une analyse approfondie des données sur les 45 dernières années a révélé que cette chaleur sous-marine s’est intensifiée, probablement en raison du réchauffement climatique.
Le Dr Peter Sheehan, principal auteur de l’étude publiée dans Science Advances, a expliqué que ce réchauffement, bien que modeste en apparence (0,004 °C par an), pourrait causer une perte de glace annuelle supplémentaire de 20 à 80 centimètres. Cette fonte progressive contribue non seulement à l’amincissement de la plateforme de glace, mais pourrait également avoir des conséquences globales sur la stabilité de l’ensemble de la calotte glaciaire de l’Antarctique.
Le réchauffement en Antarctique dépasse les moyennes mondiales, avec une hausse de près de 3 °C sur les 50 dernières années. Cette accélération a des répercussions directes sur les glaciers, qui reculent à un rythme alarmant. Selon la NASA, la calotte glaciaire antarctique perd en moyenne 150 gigatonnes de glace chaque année, contribuant à une élévation annuelle du niveau des mers de 0,4 millimètre. Ces pertes s’ajoutent à un amincissement généralisé des plateformes flottantes, qui ont rétréci de 40 % depuis 1997 selon des chercheurs de l’université de Leeds.
Les courants d’Ekman
Une autre découverte majeure de l’étude concerne le rôle des courants d’Ekman. Ces flux marins, générés par les vents, transportent de la chaleur vers l’intérieur des cavités glaciaires. Les chercheurs ont démontré que l’intensité de ces courants a augmenté au fil des décennies, amplifiant ainsi l’intrusion d’eau chaude dans les plateformes glaciaires. Cette dynamique, accentuée par le réchauffement des eaux de la mer de Ross, est l’un des facteurs clés de la fonte accélérée observée.
« Contrairement aux eaux du point de congélation qu’elle a probablement déplacées, nous avons découvert que l’eau provenant de l’intrusion était suffisamment chaude pour faire fondre le dessous de la plateforme de glace », a déclaré M. Sheehan. « Ce qui est nouveau ici, c’est que nous pouvons suivre l’eau chaude depuis les eaux libres de la mer de Ross, au niveau du front glaciaire, jusqu’à l’intérieur de la cavité. Une intrusion aussi directe n’avait jamais été observée auparavant. »
Le professeur Karen Heywood, coautrice de l’étude, a averti que cette tendance pourrait se poursuivre, voire s’intensifier, à mesure que le changement climatique réchauffe davantage les océans. « Ce phénomène est une source de préoccupation majeure, car il suggère que la fonte des glaces pourrait s’accélérer dans les années à venir », a-t-elle déclaré. Par ailleurs, un paysage ancien vieux de dizaines de millions d’années a été découvert sous l’Antarctique.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Independent
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