En France, 20 % de la mortalité et 50 % des faits de délinquance sont liés aux addictions. La conduite addictive concerne à la fois les addictions sur produits et les addictions dites comportementales (aux jeux par exemple). Contrairement à ce qui est véhiculé, la substance ne justifie pas l’addiction. 

Si nous prenons l’exemple de l’addiction à l’héroïne, la plupart des gens penseront tout de suite que la cause de l’addiction à cette substance vient des molécules qui la composent. En effet, on observe que si quelqu’un consomme de l’héroïne pendant un certain temps puis stoppe sa consommation, il aura le besoin physiologique d’en reprendre.

LA MORPHINE EST PLUS FORTE QUE L’HÉROÏNE

Cette théorie est cependant mise à mal par le fait que la morphine, dont l’héroïne est dérivée, est administrée à des personnes hospitalisées pour atténuer leur douleur. Elle a théoriquement un effet plus fort que l’héroïne puisqu’elle n’est pas diluée par les vendeurs de drogues. Cependant, les personnes qui sortent de l’hôpital après un traitement à la morphine ne sont pas accros. Il y a donc une explication à l’addiction qui ne tient pas de la composition moléculaire des drogues.

La morphine et l'héroïne sont en fait la même substance © YouTube / Science in a Nutshell
La morphine et l’héroïne sont en fait la même substance © YouTube / Science in a Nutshell

À la fin du XXe siècle, plusieurs études sur l’addiction ont été menées. Les plus basiques consistaient à mettre un rat dans une cage et à lui fournir deux apports en eau, l’un contenant de la cocaïne, l’autre n’en contenant pas. Le rat s’abreuvait presque toujours avec l’eau et la cocaïne, et finissait par mourir d’overdose.

Les rats isolés favorisent la cocaïne à l’eau © YouTube / Science in a Nutshell

Mais en 1970, Bruce Alexander, professeur de psychologie à Vancouver, changea la vision des choses. Il mit en place des Rat Parks (parcs à rats), c’est-à-dire une grande cage où les rats ont librement accès à des jeux, des circuits de tubes et sont en interaction avec leurs congénères, ce qui leur permet notamment de se reproduire. Or, il n’observa aucune overdose, les rats se sustentaient majoritairement en eau dénuée de drogue.

Dans les parcs à rats, les rongeurs favorisent l’eau à la cocaïne, notamment parce qu’ils sont ensemble © YouTube / Science in a Nutshell

Pour confirmer ces résultats qui défient la pensée communément admise, nous pouvons prendre l’exemple de la même expérience à échelle humaine qui a été involontairement faite lors de la guerre du Vietnam. Les soldats américains envoyés au front étaient connus pour consommer de l’héroïne, à tel point que le peuple américain s’est mis à avoir peur à l’idée de voir des soldats devenus junkies hanter leurs rues.

Lors de la guerre du Vietnam, les soldats consommaient de l’héroïne pour oublier l’horreur du conflit © YouTube / Science in a Nutshell

Cette peur ne fut heureusement pas justifiée. En effet, parmi les soldats revenus dans leur pays, 95 % d’entre eux stoppaient net leur consommation de drogue.

LORSQU’ELLES SONT MALTRAITÉES PAR LA VIE, DES PERSONNES VONT SE LIER À DES SUBSTANCES QUI PEUVENT LES APAISER

En prenant en compte les observations du professeur Alexander, cela prend tout son sens. Les soldats étaient envoyés dans la jungle d’un pays inconnu, où ils n’avaient pas envie d’être, étaient forcés à tuer, et couraient le risque d’être eux-mêmes tués. Un environnement stressant qui se montrait propice à la consommation de substances psychoactives. Une fois dans leur maison, entourés de leurs amis et familles, ils étaient dans un environnement confortable, très grossièrement comparables aux parcs à rats.

Il existe de nombreuses formes d’addiction, ce qui prouve que la substance n’est pas l’unique coupable © YouTube / Science in a Nutshell

L’addiction doit absolument être vue différemment. Les humains ont en effet un besoin inné de se connecter et de se lier à d’autres personnes afin de s’épanouir et de rester en bonne santé. Mais quand ce n’est pas le cas, quand ils sont traumatisés, isolés ou maltraités par la vie, ils vont se lier à des substances ou à des loisirs qui vont les apaiser, cela peut aller de regarder son téléphone toutes les 5 minutes, jouer à des jeux-vidéo indéfiniment, parier plus que de raison ou consommer de la drogue. Le but étant d’établir une relation avec quelque chose car c’est dans la nature humaine.

Tisser des liens sains, une véritable solution à l'addiction © YouTube / Science in a Nutshell
Tisser des liens sains, une véritable solution à l’addiction © YouTube / Science in a Nutshell

La voie vers la bonne santé est de former des liens sains, être connecté à des gens avec qui l’on a envie d’être. L’addiction est la crise liée à la déconnexion avec son environnement. Depuis les années 1950, la moyenne du nombre d’amis des américains a diminué tandis que la surface de leur maison a augmenté, une tendance qui peut s’observer jusqu’en Europe. Ce changement sociétal est propice à l’arrivée d’addictions.

LA SOCIÉTÉ MARGINALISE LES TOXICOMANES AU LIEU DE LES AIDER À SE SOIGNER

La guerre contre les drogues a rendu les choses plus compliquées. En effet, la réaction de la société a été d’encore plus marginaliser les victimes de la drogue, plutôt que de se concentrer à soigner les gens et les aider. La vie leur a été rendue plus difficile, que ce soit pour trouver du travail ou maintenir un bon équilibre de vie. Dès qu’ils ont été surpris avec de la drogue, les bénéfices et supports de l’État leur ont été enlevés. Ils ont été mis en prison, situation qui ne fait qu’empirer leur opinion d’eux-mêmes et qui les empêchent de réellement se soigner.

 

Nous vous invitons à regarder la vidéo de Science in a Nutshell, sans qui cet article n’aurait pas été possible 

Les problèmes de l’addiction viennent peut-être du fait que pendant longtemps on a parlé de guérison individuelle, et pas de guérison sociale. La solution réside dans l’interaction humaine. Au lieu de montrer du doigt les consommateurs et de les enfoncer plus bas que terre, la société devrait les encourager à se reprendre en main et les accompagner sur ce chemin. Surtout, il faudrait avoir un discours plus réaliste sur la drogue en elle-même. Car oui, renseigner la population sur la réalité de ces substances sauverait beaucoup plus de vies que la désinformation actuelle.

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