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L’ambitieuse adaptation BD de « À la croisée des mondes » vous embarque dans une aventure épique

La jeune Lyra, accompagnée de son daemon, entame un voyage qui l'opposera à Dieu

© Gallimard

Gallimard s’est lancé il y a quelques années dans un projet d’adaptation de la célèbre trilogie littéraire À la croisée des mondes, en bande dessinée. Peut-être en avez-vous entendu parler avec le film de Chris Weitz en 2007 À la croisée des mondes : La Boussole d’or, avec Dakota Blue Richards, Nicole Kidman ou encore Daniel Craig au casting. Plus récemment, l’œuvre a été adaptée en série, His Dark Materials, avec Dafne Keen, Ruth Wilson et James McAvoy dans les rôles principaux. Aujourd’hui, le Daily Geek Show vous présente son adaptation en BD, dont le projet est toujours en cours. Et ça vaut vraiment le détour, quel que soit l’âge.

Un projet des plus ambitieux

À la croisée des mondes relate les aventures de Lyra Belacqua, une orpheline de 12 ans qui vit dans un monde parallèle. Dans ce monde où l’Église règne en maître, l’âme de chacun se manifeste sous une forme animale nommée daemon. Un jour, le meilleur ami de Lyra disparait, et elle se lance à sa poursuite dans un voyage dans le Nord, qui l’emmènera aux confins des mondes.

Le premier cycle Les Royaumes du Nord a été décliné en trois tomes, parus en 2014, 2015 et 2016, au texte adapté par Stéphane Melchior et illustré par Clément Oubrerie. Le premier volume a même gagné le prix jeunesse du festival d’Angoulême. Les deux tomes du deuxième cycle, La Tour des anges, parus en 2018 et 2020, voient Clément Oubrerie être remplacé par Thomas Gilbert au dessin.

Le projet est né de la volonté de Clément Oubrerie d’adapter une histoire épique, bien qu’il ait au départ pensé au Cycle de la fondation d’Asimov. C’est l’éditeur qui l’a ensuite redirigé vers À la croisée des mondes. L’auteur et l’illustrateur travaillent de concert et s’influencent l’un l’autre. Stéphane Melchior déclare à Zoo le mag : « Après une première lecture globale, j’ai refait plusieurs lectures minutieuses en prenant beaucoup de notes. A partir de là, j’ai résumé chaque chapitre comme si je le racontais à un ami. Avec ce matériau, je passe à la rédaction d’un scénario qui sert de base à la BD. Pour l’élaborer, je prends en compte le format particulier qu’impose la BD, c’est pour ça qu’on allonge certaines scènes ou que j’en coupe d’autres… Après, Clément utilise mon scénario et le transforme en BD en le réinterprétant. »

Le premier cycle de l’adaptation est très riche en dialogues, et les deux créateurs ont parfois eu des difficultés à les faire tenir dans les cases sans que cela ne soit trop chargé. Ils ont dû trouver des astuces et des procédés pour retranscrire la richesse de l’œuvre littéraire de Philip Pullman. C’est pourquoi ils ont décidé que le mystère serait le maître mot. Les dessins sont assez colorés, Clément Oubrerie a mélangé l’aquarelle et le brou de noix pour rendre les couleurs, surtout sur les ciels. Les interactions entre les personnages sont fluides et naturelles, et les auteurs n’hésitent pas à jouer avec les voix des daemons, la conscience des personnes qui les accompagnent sous forme animale, pour dynamiser les échanges. Certains daemons possèdent d’ailleurs un côté très cartoon. À la différence des romans qui utilisent la figure du daemon pour traiter de sujets et de comportements de façon assez tragique, la bande dessinée en fait ressortir le côté comique, ce qui allège un peu l’atmosphère. Les auteurs ont expliqué que « la tonalité sombre du roman devait être respectée absolument. Heureusement, la BD jeunesse ne subit pas la même censure que la TV. On peut y représenter un alcoolique, tel que l’ours Iorek au départ du tome 2. »

Dans la BD, cet ours patibulaire est source de dérision © HBO / BBC

Un récit fidèle et haletant

Avec le début du cycle La Tour des anges, Clément Oubrerie est remplacé par Thomas Gilbert car il souhaitait explorer de nouveaux univers après avoir travaillé pendant trois ans sur celui d’À la croisée des mondes. Ce changement a lieu au moment où, dans le récit, les enjeux s’intensifient et où les héros évoluent. Le trait de Thomas Gilbert est plus dur, plus cruel. Les visages sont très expressifs, déformés parfois, afin de montrer l’intensification des émotions des personnages. Lors des scènes de combat, le comportement et le visage des héros prennent presque un caractère animal, ce qui renforce la sensation de danger. Mais si le coup de crayon de Thomas Gilbert est parfait pour le dynamisme et les scènes d’action, le dessinateur des Filles de Salem oublie parfois la précision sur le visage de ses personnages.

Le montage est dynamique et offre parfois des plans presque cinématographiques. Les informations abondent, l’action et les révélations se succèdent tout en maintenant efficacement le suspense.

© Gallimard
© Gallimard
© Gallimard

© Gallimard

Une patte graphique qui happe le lecteur

Dans des ambiances marquées par des couleurs douces, une mise en page claire et des cadrages variés, les séquences se succèdent sans temps mort. Un régal pour les yeux du lecteur, d’autant plus que certains plans appellent véritablement à la contemplation. Thomas Gilbert s’offre même parfois le luxe d’une sublime double-page.

Très impressionnant graphiquement, La Tour des anges est truffé de personnages monstrueux, aux visages déformés par les émotions à certains moments. Le cadrage prend d’ailleurs bien le temps de s’attarder sur le visage des personnages, afin que le lecteur puisse y lire leurs émotions et sensations, comme la douleur ou la peur. De cette façon, le lecteur peut se rendre pleinement compte des conséquences que les actions et évènements ont sur ces êtres de papier, et d’autant mieux entrer en empathie avec eux.

© HBO / BBC

Une expérience narrative pour tous

Plusieurs scènes de violence sont représentées, avec des détails parfois sanglants, comme la torture d’une sorcière qui n’est pas sans visuellement rappeler les scènes d’Inquisition. Stéphane Melchior déclare à ce propos à L’Express : « Je prends très à cœur ma responsabilité d’auteur et je sais que cette série est lue par un public très varié. Aussi la nudité de la sorcière est présente ici, mais pas démonstrative ni obscène. La scène est dure, mais pas provocante. »

Les auteurs n’oublient pas pour autant d’apporter quelques touches de légèreté, qui passent notamment par l’aspect comique des daemons, avec un humour bon enfant qui fait mouche à chaque fois.

Cette adaptation d’À la croisée des mondes en BD n’a pas vocation à se substituer au roman, elle est une autre façon de raconter l’histoire. Elle offre de nouveaux points de vue, de nouvelles pistes d’interprétation. Et c’est là ce qui fait toute sa force et son charme.

© Gallimard

Par Maurine Briantais, le

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