On pensait connaître l’histoire de la domestication du chien… jusqu’à ce que des généticiens mettent le nez dans son ADN. Surprise : les gènes du loup sont bien plus présents qu’on ne le croyait. Une part sauvage subsiste, discrète mais tenace, et change notre regard sur lui.

Une étude génétique révèle l’ampleur insoupçonnée des croisements tardifs entre chiens et loups
Pendant longtemps, la science a raconté une histoire simple : celle d’un loup transformé par l’homme, devenu chien au fil du temps. Une domestication « propre », achevée il y a environ 20 000 ans. Mais une étude de 2025 vient bouleverser ce récit. En analysant plus de 2 600 génomes de canidés, des chercheurs américains ont découvert que près de deux chiens de race sur trois portent encore des fragments d’ADN lupin.
Ces gènes ne sont pas de simples vestiges. Ils témoignent de croisements survenus bien après la première domestication. Ces échanges auraient eu lieu il y a quelques milliers d’années seulement. Des loups isolés auraient continué à s’accoupler avec des chiens errants, notamment dans des zones rurales ou perturbées par l’activité humaine. Résultat : une signature génétique lupine encore bien visible aujourd’hui.
Des races inattendues, comme le chihuahua, gardent aussi une trace du loup dans leur ADN
Le plus frappant, c’est que cette empreinte lupine ne se limite pas aux races « hybrides » comme le Saarloos ou le chien-loup tchèque. Des races inattendues comme le chihuahua affichent elles aussi des traces génétiques de leur ancêtre sauvage — certes modestes, mais bien réelles.
Et que dire des chiens dits « des villages », ces compagnons sans pedigree précis qui vivent au contact des humains, souvent dans les pays du Sud ? Tous les échantillons analysés révèlent des segments d’ADN de loup. Certains sont situés sur des zones clés du génome, notamment celles liées à l’odorat ou à la digestion. Comme si la nature avait gardé en réserve quelques gènes utiles pour survivre.
Les fragments lupins influenceraient certaines capacités physiques et traits de caractère
L’étude ne s’est pas arrêtée à la biologie. Les chercheurs ont comparé leurs données aux descriptions officielles des races canines. Et là encore, surprise : les chiens avec moins d’ADN lupin sont souvent décrits comme plus sociables et dociles. Ceux qui en portent davantage sont qualifiés d’indépendants, vigilants, voire têtus.
Évidemment, il ne s’agit pas de dresser un profil psychologique basé uniquement sur la génétique. Mais ces corrélations suggèrent un lien ténu entre les comportements et les fragments hérités du loup. La mémoire du sauvage semble persister, invisible mais influente, dans certaines lignées.
Cette influence pourrait aussi se traduire par une meilleure endurance, une capacité olfactive plus fine ou une réactivité accrue face aux stimuli. En somme, les restes du loup n’agissent pas seulement sur le tempérament. Ils pourraient aussi façonner leur rapport au monde physique et sensoriel.
Le chien, une créature hybride dont l’histoire reste encore à écrire
Ce que révèle cette étude, c’est qu’il faut repenser notre vision du chien. Non, il n’est pas uniquement un produit de la domestication humaine. Il est aussi le fruit d’un échange complexe, mouvant, entre nature et culture, entre l’instinct du loup et les besoins de l’homme.
Plutôt que de le voir comme une créature « civilisée » opposée à son ancêtre sauvage, peut-être faut-il accepter l’idée que le chien reste, quelque part, un loup au repos. Et cette dualité, loin d’être un défaut, fait sans doute partie de ce qui nous touche tant chez lui.
Par Gabrielle Andriamanjatoson, le
Source: Science & Vie
Étiquettes: loup, chien de race
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