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Pourquoi certains volcans explosent dans le calme : une nouvelle physique du magma bouleverse la prévision des éruptions

On pensait tout savoir sur les éruptions : pression, gaz, explosion. Mais une nouvelle approche révèle que le magma, en bougeant et en frottant, peut dégazer bien avant de devenir dangereux. Ce changement de regard remet en cause des décennies de modélisation volcanique.

Schéma d’un volcan en coupe montrant la chambre magmatique, les conduits et la lave en éruption.
Coupe illustrée d’un volcan en activité dévoilant sa chambre magmatique, ses réseaux de conduits et l’ascension de la lave lors d’une éruption. – DailyGeekShow.com / Image Illustration

Le magma peut se libérer de son gaz sans atteindre une pression critique

On imagine un volcan comme une cocotte-minute : la pression monte, puis tout saute. Mais ce n’est pas toujours ainsi. Certains volcans parviennent à évacuer leur gaz bien avant d’atteindre un seuil critique. Comment ? Grâce au mouvement du magma lui-même, qui génère en profondeur des forces internes capables de provoquer un dégazage précoce.

Ces forces, appelées forces de cisaillement, naissent du frottement entre les différentes couches de magma en mouvement. Même en l’absence d’une chute de pression classique, elles suffisent à faire apparaître des bulles de gaz et amorcent ainsi un processus de libération discret, mais fondamental.

Des expériences en laboratoire prouvent que les frottements internes peuvent provoquer un dégazage profond

Pour visualiser ces forces, imaginez un pot de miel que l’on remue avec une cuillère. Le centre bouge vite, les bords restent presque immobiles. C’est exactement ce qu’il se passe dans un conduit volcanique. Le magma frotte contre ses parois, ce qui crée une agitation interne, et cette agitation est loin d’être anodine.

Des chercheurs ont recréé ce phénomène en laboratoire, avec un liquide visqueux saturé en dioxyde de carbone. Résultat : dès qu’un certain seuil de cisaillement est atteint, des bulles apparaissent spontanément. Et plus il y a de gaz dissous, plus ce dégazage est intense. Cela prouve que l’éruption n’est pas toujours liée à une surpression, mais à une mécanique de fluide bien plus subtile.

Ce que cette expérience révèle, c’est que le volcan dispose d’une véritable capacité d’auto-régulation mécanique. Grâce aux frottements internes, il peut amorcer un dégazage profond, presque silencieux, bien avant toute explosion. Ce mécanisme méconnu explique pourquoi certaines éruptions attendues se font désirer… ou ne se produisent jamais.

Certains volcans très gazeux peuvent rester calmes si le magma a commencé à se vider en profondeur

Prenons le cas du Mont Saint Helens. En 1980, tout laissait présager une éruption explosive immédiate. Et pourtant, le volcan a d’abord produit un simple dôme de lave, lent et silencieux. Ce n’est que plus tard, après un glissement de terrain, que la véritable explosion s’est produite.

Pourquoi ce calme apparent ? Les chercheurs pensent que le magma avait déjà perdu une grande partie de son gaz, grâce aux forces de cisaillement en profondeur. Il s’était partiellement vidé avant même de toucher la surface. Comme si la pression s’était relâchée en coulisses, retardant le spectacle destructeur que tout le monde redoutait.

Intégrer les forces de cisaillement dans les modèles, une avancée clé pour prévoir les vraies éruptions

Ce constat change tout. Jusqu’ici, les modèles de prévision se concentraient sur la pression, les gaz en surface, les microséismes. Mais il faudra désormais y intégrer ces forces internes invisibles, qui modifient profondément le comportement du magma avant même qu’il ne remonte.

Des bulles qui se forment en réseau, des canaux de dégazage qui se créent bien avant l’éruption visible… Voilà un volcan qui nous parle en silence. Ces données, encore mal comprises, pourraient faire la différence entre un faux signal d’alerte et une véritable menace imminente.

Comprendre cette mécanique, c’est peut-être demain la clé pour distinguer un volcan réellement dangereux d’un autre en simple phase de dégazage silencieux. Cette nuance, subtile mais cruciale, pourrait transformer nos stratégies d’alerte et, à terme, sauver des vies dans les zones à risque.

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