Perchée à plus de 2 000 mètres, une cité médiévale oubliée refait surface dans les montagnes d’Ouzbékistan. Ce site, colossal et riche en structures industrielles, bouleverse les idées reçues sur les peuples nomades et redéfinit le rôle stratégique de ces régions dans les échanges de la Route de la soie.

Une ville de 300 hectares révélée à 2 000 mètres d’altitude dans une vallée autrefois jugée stérile
Imaginez un plateau balayé par les vents, à plus de 2 000 mètres d’altitude, à là où seuls les troupeaux de chevaux et les yourtes nomades subsistent encore aujourd’hui. C’est là, dans un recoin isolé du sud-est de l’Ouzbékistan, que les archéologues viennent de mettre au jour un centre urbain de 300 hectares, soit plus vaste que Pompéi ! Et ce n’est pas tout : sous l’herbe rase et les pierres, on découvre des fortifications, des maisons, des ateliers, et même des fonderies.
Les datations indiquent une occupation remontant au VIe siècle, en pleine montée en puissance des peuples turciques. Pourquoi construire ici ? Parce que cette altitude offrait une vue imprenable sur les routes de commerce. Et surtout, les ressources minières abondent dans les parages.
Une organisation industrielle complexe avec fours, scories et division du travail en haute montagne
Ce n’est pas juste une ville perchée : c’est une usine à ciel ouvert du Moyen Âge. Des dizaines de fours à métal, alimentés par du charbon de genévrier, ont été identifiés. Les archéologues ont aussi retrouvé des équipements pour le traitement des minerais, ainsi que de nombreuses scories, ces résidus laissés par la fusion.
Un détail intrigant : les restes de flux de travail indiquent que différentes équipes œuvraient en parallèle. Cela suggère une division des tâches avancée, presque industrielle, et une coordination collective inhabituelle pour une communauté aussi éloignée des centres classiques du pouvoir.
Autrement dit, les habitants de cette cité n’étaient pas de simples bergers ou guerriers. Ils étaient aussi des artisans spécialisés, maîtres du fer, et capables d’organiser une production à grande échelle. Les structures en place, y compris les quartiers d’habitation et les zones funéraires, montrent une planification urbaine avancée.
Une identification probable avec la cité de Marsmanda, jadis décrite mais jamais localisée
Depuis longtemps, les textes arabes parlaient de Marsmanda, une ville minérale et reculée, mais son emplacement restait un mystère. Aujourd’hui, les indices s’accumulent pour identifier ce site comme la fameuse Marsmanda. On y retrouve les caractéristiques décrites dans les chroniques : pas de vignes, peu de verdure, mais des ressources minières et un passé militaire.
Un tumulus découvert sur place renferme les restes d’un guerrier turcique enterré avec son cheval, des armes, des bijoux et une pipe en os. Ça alors ! De quoi imaginer un monde où les cavaliers fumaient du cannabis entre deux batailles… Plus sérieusement, ces objets renforcent l’identification et révèlent un mode de vie complexe et connecté aux grandes régions voisines.
Une société montagnarde intégrée à un réseau d’échanges avec les grandes cités de la plaine
Contrairement à l’image classique des peuples nomades coupés du monde, Marsmanda était insérée dans un réseau économique régional dense. Des liens ont été établis avec le site voisin de Tashbulak, où les archéologues ont déterré des poteries importées, des bijoux, et des indices de gestion administrative.
Ce type de circulation d’objets, d’idées et d’artisans prouve que les montagnards de l’époque ne vivaient pas en marge, mais participaient activement aux échanges interrégionaux. Leur savoir-faire, leur mobilité et leur sens de l’organisation faisaient d’eux de véritables acteurs économiques.
On découvre donc un territoire où les nomades étaient aussi des commerçants, artisans et stratèges, ancrés dans les flux de la Route de la soie. Une réalité bien plus nuancée que celle des livres d’histoire.
Ce que cette découverte change : un nouveau regard sur l’histoire des montagnes d’Asie
Je ne sais pas vous, mais moi, j’en reste baba. Une ville fortifiée, perchée, métallurgique, connectée, et oubliée ? Cette trouvaille est un véritable pavé dans la mare des certitudes historiques. Marsmanda, si c’est bien elle, nous oblige à reconsidérer le rôle des zones montagneuses dans l’histoire de l’Asie centrale.
Loin d’être marginales, ces hautes terres ont abrité des communautés dynamiques, organisées, et bien plus influentes qu’on ne le pensait. Comme quoi, parfois, il suffit de creuser un peu plus haut pour réécrire toute une page de l’Histoire.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Étiquettes: Archéologie en Asie centrale, Métallurgie médiévale