Un réacteur nucléaire opérationnel à 1 600 mètres sous terre, invisible en surface, et installé en six mois ? C’est le pari de Deep Fission, une jeune entreprise qui veut faire de la géologie l’alliée naturelle du nucléaire.

Un réacteur nucléaire à 1 600 mètres sous terre, immergé dans l’eau et confiné par la roche
Le projet Gravity ne se contente pas de miniaturiser une centrale nucléaire. Il l’enterre, littéralement. Conçu pour reposer à plus de 1 600 mètres de profondeur, ce réacteur modulaire baigne dans un puits d’eau sous pression, protégé par la roche. Là, la pression naturelle atteint 160 atmosphères, ce qui permet d’assurer un confinement sûr et passif.
La géologie devient ainsi une enceinte de confinement naturelle. Plus besoin de structures massives en surface : le sol fait le travail. Cette idée audacieuse reprend des technologies éprouvées, forage profond, circuits hydrauliques — et les applique au nucléaire. C’est une approche inspirée de la géothermie et de l’industrie pétrolère.
Une construction expresse et un coût annoncé très compétitif par rapport aux centrales classiques
Deep Fission promet une installation en six mois chrono : quatre semaines pour forer, dix semaines pour l’installation du réacteur, et deux mois de tests. L’absence d’infrastructure lourde en surface permettrait de réduire les coûts de 80 % par rapport à une centrale traditionnelle. L’objectif est de produire de l’électricité à 50 à 70 euros le MWh.
Le réacteur Gravity utilise de l’uranium faiblement enrichi, comme dans les REP classiques. La vapeur générée en profondeur remonte vers les turbines en surface via un circuit fermé. Le tout est invisible ou presque : un puits discret, sans bâtiments visibles. Idéal pour les zones denses ou sensibles.
Une sécurité renforcée grâce à l’isolement géologique, mais des défis techniques majeurs
La force du projet Gravity, selon ses concepteurs, c’est sa sécurité passive. Protégé sous terre, le réacteur est à l’abri des tornades, d’attaques, ou d’accidents aériens. En cas de défaillance, la roche sert de barrière naturelle.
Mais cette invisibilité a un prix : la maintenance est complexe. Pour inspecter ou remplacer le combustible, il faudrait remonter l’ensemble du module, comme un sous-marin miniature. Et il faut garantir la fiabilité des capteurs et systèmes à une telle profondeur. La pression, l’humidité, les contraintes mécaniques… rien n’est trivial.
Une vision industrielle ambitieuse, soutenue par des investisseurs et déjà convoitée
Malgré son jeune âge, Deep Fission avance vite. Avec un prototype prévu pour juillet 2026 et 12,5 GW de demande client annoncée, la start-up voit grand. Ses premiers sites pilotes pourraient apparaître au Texas, en Utah ou au Kansas.
Côté financement, l’entreprise a levé 34 millions de dollars, et espère développer une production industrielle de mini-centrales clef en main, comme on le fait dans l’aéronautique. Le concept même vient d’une intuition simple : si les sites de stockage des déchets peuvent contenir la radioactivité, pourquoi ne pas y loger les réacteurs eux-mêmes ?
L’avenir dira si cette approche souterraine est tenable à grande échelle. Mais dans un monde en quête d’énergie bas carbone, rapide à déployer et sûre, le pari de Deep Fission pourrait bien changer la donne.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Technologie
Il y a des subventions à rafler?