Des éclats de silex vieux de 80 000 ans, découverts en Ouzbékistan, pourraient bien être les plus anciennes pointes de flèche jamais identifiées. Une avancée majeure qui remet en question nos modèles sur les migrations humaines préhistoriques.

Des fragments de silex oubliés révèlent des armes de chasse vieilles de 80 000 ans
L’abri rocheux d’Obi‑Rakhmat, niché dans les montagnes du nord-est de l’Ouzbékistan, intrigue les archéologues depuis des décennies. Ce site préhistorique a livré une succession d’outils en pierre.
Mais ce n’est qu’aujourd’hui que l’on mesure la portée réelle de certains fragments, longtemps passés inaperçus. De minuscules morceaux de silex, brisés, fragmentaires, et jugés sans intérêt, se sont révélés être des pointes de flèche vieilles de 80 000 ans.
À l’origine de cette révélation, une équipe franco-russe menée par Hugues Plisson, chercheur à l’université de Bordeaux. En réexaminant les fragments à la loupe, les scientifiques ont identifié une morphologie très particulière. Ces micropointes, trop fines pour servir d’outils, présentent des traces d’impact caractéristiques d’un usage comme projectile.

Des essais expérimentaux, où les pointes ont été fixées sur des flèches tirées avec un arc, ont reproduit les mêmes dommages. Résultat : tout laisse penser qu’il s’agit des plus anciennes véritables pointes de flèche jamais mises au jour.
L’arc et la flèche existaient déjà 6 000 ans plus tôt qu’on ne le pensait
Jusqu’à cette découverte, les plus anciennes flèches connues remontaient à environ 74 000 ans, en Afrique de l’Est. Ce nouveau jalon, repoussé de 6 000 ans, témoigne d’une maîtrise technologique insoupçonnée pour l’époque.
Concevoir une flèche ne se limite pas à tailler une pierre. Cela implique un raisonnement complexe, une planification précise et la capacité d’assembler plusieurs matériaux pour produire une arme fonctionnelle.
Ce type d’arme change profondément les modes de subsistance. Pouvoir tuer à distance signifie réduire les risques pour le chasseur et atteindre des proies plus agiles.
Cela permet aussi d’exploiter plus efficacement les ressources. Cette innovation témoigne d’une pensée abstraite avancée et d’une capacité à concevoir un outil complet à partir d’éléments variés.
L’auteur de ces flèches reste inconnu : Néandertalien, Sapiens ou hybride ?

L’une des grandes questions que soulève cette trouvaille concerne les auteurs de cette technologie. En 2003, les restes partiels d’un enfant ont été retrouvés sur le site : six dents et plus d’une centaine de fragments crâniens. Les dents semblent typiquement néandertaliennes, mais la morphologie du crâne reste difficile à classer.
Alors, qui a conçu ces flèches ? Trois hypothèses se disputent la scène. Il pourrait s’agir d’Homo sapiens ayant migré plus tôt qu’on ne le pensait vers l’Asie centrale.
Certains avancent que les Néandertaliens locaux auraient pu maîtriser cette technologie. Une autre possibilité, tout aussi fascinante, serait celle d’un groupe hybride, issu de croisements entre espèces humaines. Dans ce cas, la flèche deviendrait le fruit d’un échange culturel entre lignées distinctes.
La migration hors d’Afrique pourrait avoir été plus précoce et plus stratégique
Si ces pointes de flèche sont bien le fait d’Homo sapiens, cela change radicalement notre compréhension des migrations humaines. On pensait jusqu’ici que les premières dispersions hors d’Afrique avaient été lentes, progressives et peu technologiques.
Or, cette découverte suggère que certains groupes ont quitté l’Afrique avec une avance technologique majeure.
L’arc et la flèche auraient alors permis à ces pionniers de s’imposer dans de nouveaux territoires, en rivalisant avec des groupes humains déjà établis. Mieux équipés, ils auraient pu exploiter les ressources plus efficacement, chasser sans s’exposer, et s’adapter plus rapidement. Cela renforce l’idée que la technologie a été un moteur décisif dans la conquête du monde.
Bien sûr, il manque encore des pièces au puzzle. Aucun arc n’a été retrouvé, ni les hampes en bois de ces flèches. Mais les preuves indirectes s’accumulent. Chaque fragment découvert à Obi‑Rakhmat nous pousse à réévaluer les capacités cognitives et techniques de nos lointains ancêtres.
Quand de simples éclats de silex obligent à réécrire l’histoire humaine

Ce qui me fascine le plus dans cette histoire, c’est qu’on a failli passer à côté de tout. Ces fragments, jugés insignifiants, étaient considérés comme de simples déchets archéologiques.
Et pourtant, ils portent en eux une révolution technologique. Ils nous obligent à reconsidérer ce que nous pensions savoir des premiers chasseurs, de leurs savoir-faire, de leurs échanges et même de leurs identités.
Si ces pointes sont bien l’œuvre d’Homo sapiens, alors l’histoire des migrations devient plus précoce, plus active, plus inventive. Et si ce sont des Néandertaliens ou des hybrides qui les ont façonnées, cela signifie que l’intelligence technique n’était pas l’apanage d’une seule espèce.
Dans tous les cas, ces flèches ne sont pas de simples armes. Ce sont des témoins silencieux d’une humanité en mouvement, curieuse, ingénieuse, et bien plus complexe qu’on ne l’imaginait.
Par Eric Rafidiarimanana, le
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A soyons, dans la Drôme, mr Bordes, au début des années 50, trouve des pointes étranges vu plutôt comme des déchets comme vous dites, entre des couches d’une autre technique de silex, le Levallois, mr Bordes pense à du pseudo-Levallois. Des auteurs remarquent des pointes très plates. Ils vont être considéré comme du moustérien. La datation : -54 000 ! 14 000 ans plus tôt que l’arrivée de Comagnon selon les spécialistes. Puis des années plus tard, on trouve les mêmes pointes de 1-2 cms au Liban mais -60 000 cette fois ! Pas de soucis, gulp, c’est juste qu’on fait le « out of Africa » 6 000 ans plus tôt. Et voilà que ces pointes de -80 000 ans bouleversent les certitudes. Et avant l’Ouzbéquistan ? Certains pensent à la Mer Noire qui était alors un lac chaud, ou des iles légendaires