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L’industrie alimentaire européenne est en train de tuer la deuxième plus grande forêt du monde

Une nouvelle enquête internationale de l’ONG Mighty Earth, Rainforest Foundation Norway et Fern, révèle que la culture du soja en Amérique latine est dramatique pour la forêt, la santé des populations locales et les droits de l’Homme.

DÉFORESTATION ET ESPÈCES EN VOIE DE DISPARITION

Le Gran Chaco est l’une des principales régions d’Amérique du sud qui s’étend sur les territoires de l’Argentine, du Brésil, de la Bolivie et du Paraguay sur plus de 110 millions d’hectares. Elle constitue la deuxième zone la plus boisée au monde après l’Amazonie et abrite une biodiversité incroyable.

Malheureusement, cette zone est menacée par la déforestation massive au profit des cultures de soja destinées à l’élevage de bétail à travers le monde. Selon le rapport Quand la déforestation s’invite à notre table de Mighty Earth, de grandes multinationales alimentaires détruisent au bulldozer et par incendie des milliers d’hectares de cette immense étendue.

Plus de huit millions d’hectares ont été défrichés en une douzaine d’années seulement et la déforestation ne fait qu’accélérer. L’Argentine a perdu 22 % de ses forêts entre 1990 et 2015, et ce sont 30 % des espèces de mammifères et d’oiseaux qui disparaitront d’ici 10 à 25 ans si rien n’est fait selon une récente étude menée par l‘Université Humboldt de Berlin. Le Gran Chaco ne bénéficie pas de la notoriété de la forêt amazonienne et peu d’actions sont mises en oeuvre pour la préserver. Dans les pays concernés, les lois pour protéger le Gran Chaco sont peu nombreuses, peu respectées ou vont à l’encontre de la protection de la forêt, comme au Paraguay où le président promeut un décret qui autorise les propriétaires terriens à défricher les parcelles de forêt se trouvant sur leurs territoires.

Notre rapport d’investigation révèle que le soja cultivé pour nourrir les animaux en Europe entraîne la déforestation de l’écosystème du Gran Chaco en Argentine et au Paraguay.

VIOLATION DES DROITS DE L’HOMME

La déforestation ne touche pas que les animaux. Les forêts du Gran Chaco abritent des communautés autochtones comme les Chamacoco, les Enxet ou les Guarayo qui vivent principalement de la chasse et de la cueillette. Leur survie est directement liée à la forêt et les activités des industriels les privent de leurs ressources nourricières et de leur habitat. Pour ceux qui refusent de quitter leurs terres, les manières fortes sont employées. Des vigiles armés des grandes multinationales virent les autochtones de leurs propres territoires en prétendant que ces territoires leurs appartiennent.

L’ONG Mighty Earth rapporte que « les vigiles armés ont cassé des portes et envahi des maisons, agressé les adultes et les enfants, et frappé à coups de pied des femmes enceintes ; certaines ont perdu leurs bébés. Trente-deux membres de cette communauté ont été blessés (…) Les victimes ont rapporté que cette attaque avait pour but de forcer les habitants à quitter la zone. »
Il n’y a malheureusement pas beaucoup d’espoir de survie pour ces communautés dont le seul moyen de subsister est de louer leurs propres terres aux propriétaires d’exploitations de soja…

DANGER POUR LA SANTÉ

Le climat rude de la région du Gran Chaco n’est pas adapté à la culture du soja. Les agriculteurs redoublent alors de pesticides toxiques comme le glysophate sous la forme du fameux Roundup et d’engrais chimiques pour faire pousser leurs cultures. Le glyphosate, cancérigène probable selon l’OMS, se retrouve dans les cours d’eaux utilisés par les autochtones dans leur vie quotidienne. En conséquence, des cas de maladies respiratoires, des malformations, des cancers et des morts prématurés sont plus élevés chez les autochtones mais aussi chez leur bétail et leurs animaux de compagnie.

GRANDES MULTINATIONALES EN CAUSE

En France en 2016, 3,9 millions de tonnes de produits à base de soja ont été importés d’Amérique latine, majoritairement pour l’alimentation des élevages porcins et de volaille. Sur l’ensemble de l’Europe c’est 27,8 millions de tonnes.
Les multinationales Cargill et Bunge sont particulièrement incriminées par l’enquête, incapables de fournir la traçabilité de leurs productions. Ce sont de grands importateurs de soja vers la France avec des infrastructures implantées notamment en Bretagne.

À la suite de ce rapport, France Nature Environnement s’est alliée à Mighty Earth et Sherpa pour écrire une lettre aux grandes entreprises françaises comme Auchan, Bigard, Carrefour ou encore Casino. Leur requête ? Que ces grandes chaînes demandent à leurs fournisseurs de cesser de s’approvisionner en soja dans ces immenses exploitations destructrices. Cette vigilance doit rentrer dans le cadre dans la récente loi votée il y a un an, sur la vigilance des maisons mères qui oblige les entreprises à mettre en place des plans pour identifier et prévoir les atteintes à l’environnement, aux droits, de l’homme, à la santé.

Même si Cargill et Bunge se sont engagés publiquement à supprimer la déforestation de leurs circuits de distribution, la déforestation continue et de nombreuses entreprises françaises sont prêtes à acheter leurs produits. Un système qui garantit la traçabilité et la transparence sur l’origine du soja est le seul moyen d’éviter que des sociétés comme celles-ci s’en tirent sur de simples déclarations publiques.

Par Léa Philippe, le

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