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Infanticide, inceste, harcèlement, viol… Les dauphins ne sont pas du tout comme vous l’imaginiez

Vous connaissez les dauphins en tant que mammifères sympathiques et intelligents qui font des acrobaties étonnantes ? Vous serez surpris en découvrant leur part d’ombre. En effet, malgré leurs capacités intellectuelles et leur bienveillance à l’égard des humains, les dauphins ne ressemblent pas toujours au gentil Flipper de la célèbre série télévisée américaine.

Il est vrai que les dauphins sont intelligents. Tout visiteur de delphinarium peut en témoigner. Et pour les sceptiques, il existe un nombre extraordinaire d’études explorant leur cognition. La plupart d’entre elles se concentrent sur l’espèce la plus commune et bien connue des dauphins : les grands dauphins également appelés souffleurs, dauphins à gros nez ou tursiops.

Le sens le plus développé chez le grand dauphin est sans doute l’ouïe. Elle est combinée à la capacité d’émettre des sons de fréquences variées, divisés en trois catégories : le clic, une série de sons de haute fréquence, le sifflement, l’aboiement semblable à celui du chien. Les clics sont utilisés pour l’écholocation alors que les autres sons servent à communiquer. Chaque grand dauphin produit un sifflement qui lui est caractéristique, une sorte de « signature » qui le rend immédiatement identifiable par ses semblables. Il ne possède pas de cordes vocales. Les sons à basse fréquence sont générés à travers le larynx et au moyen de six poches d’air placées près de l’évent.

Dans une étude classique publiée en 1984, les chercheurs ont formé un dauphin femelle, appelé Akeakamai, pour imiter les sons générés par un ordinateur. Les sons électroniques et les réponses d’Akeakamai étaient remarquablement similaires. Ensuite, les biologistes ont commencé à relier ces sons à des objets comme un cerceau, une pipe, un frisbee ou une balle. Akeakamai n’a pas tardé à comprendre la connexion et de faire la vocalisation appropriée à chaque objet. En gros, elle avait appris un nouveau vocabulaire.

Les dauphins se souviennent aussi de leurs semblables. Une étude de 2013 a révélé que les dauphins vivant en captivité pouvaient se souvenir des sifflements entendus, il y a de nombreuses années, parfois des décennies. Au zoo de Brookfield, une femelle, appelée Allie, a répondu clairement aux enregistrements de Bailey basée aux Bermudes, même si elles ne s’étaient pas vues pendant plus de 20 ans.

Fait encore plus impressionnant, en 2001, à l’aquarium de New York, deux grands dauphins ont ​​passé le « test du miroir ». Quand les chercheurs ont dessiné des motifs et des formes sur la peau des animaux à l’aide d’un marqueur temporaire à l’encre noire non toxique, les dauphins ont nagé rapidement vers un miroir et ont passé de longues périodes à s’étudier. Cela donne à penser qu’ils peuvent se reconnaître, au moins dans une certaine mesure : une capacité exceptionnelle réservée à une poignée d’espèces.

LES DAUPHINS SONT DOTÉS D’UNE TRÈS GRANDE INTELLIGENCE

Cette intelligence brillante peut avoir contribué à la montée du culte du dauphin au sein du mouvement New Age et au-delà. Les dauphins apprécient souvent la compagnie de l’homme en montrant de la curiosité à son égard et parfois ils accompagnent même les bateaux. Certains dauphins sont connus pour avoir sauvé des hommes : le mythe d’Arion de Méthymne conte une aventure de ce type. L’interaction directe avec des grands dauphins, la delphinothérapie, est utilisée lors de la thérapie d’adultes et d’enfants handicapés, particulièrement dans les cas d’autisme et de dépression comme au Dolphin Reef à Eilat en Israël. Aux États-Unis et en Russie, des programmes militaires existent pour dresser les grands dauphins et leur apprendre à rechercher des mines et à repérer des sous-marins ennemis.

Mais des études ont également révélé le côté obscur des dauphins qui ne se comportent pas toujours comme Flipper. « Ils sont très intelligents, mais tout comme les humains, peuvent être méchants et de connivence », explique Richard Connor de l’Université du Massachusetts à Dartmouth et co-directeur de l’Alliance de recherche sur les dauphins.

LES MÂLES PEUVENT SE MONTRER TRÈS AGRESSIFS

Ce sont surtout les dauphins mâles qui peuvent se montrer très agressifs. Fait intéressant, le rôle de Flipper, dans la fameuse série télévisée américaine, a été confié à deux dauphins femelles nommées Susie et Kathy. Trois autres femelles nommées Patty, Scotty et Squirt ont parfois participé au tournage. Des femelles ont été choisies parce qu’elles sont moins agressives que les mâles et que leur peau — à la différence de la peau de dauphins mâles — est généralement exempte de cicatrices et autres marques provenant d’altercations avec leurs congénères.

Le comportement des dauphins présente des variations saisonnières. Quand vient la saison de la reproduction, il y a une concurrence féroce pour les femelles. Dans les années 1980, Connor et ses collègues ont été les premiers à constater le « parcage » agressif de femelles fertiles par de grands dauphins mâles à Shark Bay en Australie.

« Le parcage commence lorsque deux ou trois mâles capturent une femelle », écrit-il dans un article de 1992. Ils le font en se jetant sur elle. « Dans un enregistrement, la poursuite et l’agression continuent pendant 85 minutes et s’étendent sur 7 km. » D’autres observations ont montré que ces associations entre les mâles étaient incroyablement fluides. De petites équipes font généralement partie des « super-alliances » réunissant jusqu’à 14 mâles.

Il était également clair que les femelles étaient rarement des participantes volontaires. « L’agression par un mâle comprend la poursuite, les coups de queue, les coups de tête, la charge, les morsures », expliquent Connor et ses collègues dans leur article de 1992. Les femelles sont « enfermées » souvent, mais réussissent à échapper aux mâles seulement une fois sur quatre. « Au cours de l’année, une femelle sera parquée par lots de différentes alliances sur plusieurs mois différents », affirment Connor et ses collègues. Les efforts acharnés de la femelle pour échapper au contrôle des mâles peuvent résulter d’une autre sinistre vérité sur les dauphins.

En 1996 et 1997, 37 jeunes dauphins se sont échoués sur les plages de la Virginie. À première vue, ils semblaient n’avoir aucune blessure, mais l’autopsie a révélé des preuves de « grave traumatisme suite à des coups violents ». Les blessures étaient situées principalement à la tête et la poitrine, sans compter « de multiples fractures des côtes, des lacérations pulmonaires et des contusions des tissus mous », selon une étude publiée en 2002.

IL ARRIVE QUE LES MÂLES S’EN PRENNENT VIOLEMMENT AUX PLUS JEUNES, JUSQU’À LES TUER

Il y avait beaucoup d’indices selon lesquels les dauphins adultes étaient responsables de la mort des jeunes. En particulier, l’un des chercheurs a observé, près de la rive de Virginia Beach, plusieurs phénomènes comportementaux surnommés « le lancer du delphineau ». Ce « bashing » ressemble à un jeu amusant, mais il pourrait aussi être un moyen pour les mâles adultes de provoquer la mort de bébés dauphins sans lien de parenté, pour induire le retour des cycles chez la mère. En 2013, les chercheurs ont vu des dauphins mâles attaquer un delphineau nouveau-né, mais dans ce cas, il semble en avoir réchappé.

Si l’infanticide est en effet un danger réel et présent chez les dauphins, une femelle ferait bien de s’accoupler avec beaucoup de mâles de différentes alliances, d’après Connor. De cette façon, les mâles ne sauraient pas s’ils sont les pères de leur enfant et seraient moins susceptibles de le tuer.

L’accouplement des dauphins cache aussi une autre surprise. En 2004, une analyse de paternité de la population de Shark Bay a révélé qu’ils pratiquaient occasionnellement l’inceste. Un mâle, connu sous le nom de BJA, est devenu père en 1978 – seulement pour se reproduire avec sa propre fille en 1993, 15 ans plus tard. « Nous avons vu les mâles parquer leurs mères dans le cadre d’un trio », dit Connor. Dans cette optique, une étude publiée en 2010 a confirmé que le taux de consanguinité dans cette population était plus élevé que celui dû au seul hasard.

Ces faits sont vraiment étonnants et présentent le comportement des dauphins sous une lumière nouvelle. En observant mieux les animaux, nous pouvons davantage comprendre leur vraie nature, au lieu de vouloir les « humaniser » à tout prix.

Par Ida Junker-Ceretti, le

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