Saviez-vous qu’il existait dans la plupart des tribus amérindiennes 5 genres différents ? En effet, en plus des identités masculines et féminines, certaines personnes pouvaient s’identifier comme étant homme – femme, femme – homme et transgenre. On vous explique cette tradition ancestrale méconnue !
S’il est vrai qu’il reste peu de traces des différentes cultures amérindiennes, l’une qui reste conservée dans les mémoires des descendants des tribus amérindiennes est celle des Deux Esprits : la bispiritualité. Avant l’arrivée des colons européens, il était de coutume dans la majorité des tribus amérindiennes de laisser les personnes s’identifier selon « un code » à cinq genres.
Ainsi, toute personne pouvait s’identifier comme une femme, un homme, un « Deux Esprits » femme, un « Deux Esprits » homme ou enfin se considérer comme transgenre. Le terme Deux Esprits reste cependant un terme universel choisi pour « conserver la tradition ». En effet, chaque tribu avait son propre terme et sa propre explication à ce phénomène identitaire. Les Navajos les appelaient Nádleehí (“celui/celle qui est transformé(e)”), chez les Lakotas, le terme Winkté était utilisé (« l’homme ressentant le besoin d’être une femme ») et les Cheyennes disaient Hemaneh (« mi-homme, mi-femme »).
AVANT L’ARRIVÉE DES COLONS, LES AMÉRINDIENS POUVAIENT S’IDENTIFIER SELON UN CODE DE CINQ GENRES
LES DEUX ESPRITS
UNE MEILLEURE COMPRÉHENSION DU MONDE : À TRAVERS LES YEUX D’UN HOMME ET D’UNE FEMME EN MÊME TEMPS
En plus de la différence de langue, ces différents termes soulignaient donc une différence d’interprétation, ce qui est sûr pour autant, c’est qu’il était communément accepté d’avoir au sein de sa tribu des personnes transgenres. Plus encore, ces personnes étaient particulièrement respectées pour leur place au sein de la tribu. Dans ces sociétés aux rôles plutôt figés (les hommes à la chasse et les femmes à la cueillette), les Deux Esprits occupaient des places à part et pouvaient faire toutes les activités d’ordinaire réservées uniquement à l’un des deux sexes.
Non seulement ils pouvaient échanger les rôles, les femmes pouvaient ainsi combattre et participer aux grandes batailles, mais ils étaient aussi souvent médecins, chamanes, donneurs de noms aux nouveau-nés (un rôle important puisque le nom fait partie intégrante de l’identité d’une personne chez les amérindiens), et occupaient parfois les postes de conseillers matrimoniaux ou de thérapeutes de couples.
Cette place particulièrement honorifique était due au fait que l’on pensait que cela permettait d’avoir une meilleure compréhension du monde par le fait de le voir à travers les yeux d’un homme et d’une femme en même temps. Ce rôle reste encore difficile à cerner pour les cultures occidentales. L’un des meilleurs exemples de méconnaissance sur le sujet fut l’accueil réservé à la princesse Zuni, invitée à Washington en 1886 comme représentante de son clan. L’affaire fait scandale lorsque les médias réalisent qu’il s’agit d’une personne née homme.
LE TERME « DEUX ESPRITS » EST ENCORE UTILISÉ PAR LES INDIENS D’AMÉRIQUE DU NORD, REFUSANT LE TERME « LGBT »
Par ailleurs, leur vie n’était pas moins épanouie puisque les Deux Esprits avaient la possibilité d’adopter et de s’unir avec les personnes de leur choix. De plus, aucune pression n’était mise sur qui que ce soit, puisque durant l’enfance, de nombreuses tribus avaient pour habitude d’habiller les enfants avec des vêtements neutres et de les laisser choisir avec l’âge le genre qu’ils souhaitaient obtenir. Cette décision était en général suivie de cérémonies qui célébraient leur choix. Aujourd’hui encore, le terme Deux Esprits est encore utilisé par les Amérindiens d’Amérique du Nord, refusant le terme LGBT puisqu’ils définissent les personnes en fonction de leur sexualité et non en fonction de leur spiritualité ou de leur identité.
L’ARRIVÉE DES COLONS EUROPÉENS
Lorsque les Européens arrivèrent en Amérique du Nord, l’observation de ces coutumes choque. Des jésuites décrivent des Amérindiens « ayant succombé au péché ». George Catlin, peintre ayant réalisé beaucoup pour la conservation des cultures amérindiennes, raconte pourtant que la tradition des Deux Esprits doit « être neutralisée avant qu’elle ne soit sauvegardée dans les mémoires ». L’explorateur espagnol Cabeza de Vaca rapporte en 1530 avoir observé sur les côtes de Floride des hommes amérindiens « faibles » qui s’habillaient et travaillaient comme des femmes.
POUR LES COLONS, LES AMÉRINDIENS AVAIENT SUCCOMBÉ AU PÉCHÉ
Avant le 20e siècle, le terme employé par les colons pour définir les Deux Esprits est celui de « Berdache », un mot français désuet qui signifie un homme qui se prostitue pour des hommes. Pourtant, cette spécificité amérindienne a apporté bien des avantages avant de disparaître sous l’impulsion des colons européens. Par exemple, le colonel Barnwell raconte l’histoire d’une bataille le 11 février 1712 face aux guerriers Tuscarora. En effet, les combattants les plus coriaces qui donnèrent du fil à retordre aux soldats britanniques étaient tous des femmes. Il était de coutume chez les Iroquois de mettre les Deux Esprits au premier rang de la bataille afin d’effrayer l’ennemi.
OSH-TISCH, LE DERNIER « BADÉ »
LES AUTORITÉS OBLIGÈRENT LES DEUX ESPRITS DU VILLAGE À S’HABILLER EN HOMMES ET À SE COUPER LES CHEVEUX
Les Amérindiens se souviennent encore d’Osh-Tisch, certainement l’un des derniers Deux Esprits ayant vécu à la fin du 19e siècle. Ce Deux Esprits (appelé Badé chez la tribu Crow à laquelle il appartenait), s’était illustré dans de nombreuses batailles et les Deux Esprits nés hommes mais s’identifiant femmes le respectaient particulièrement et le suivaient comme un guide.
Osh-Tisch et « ses sœurs » vivaient dans une zone particulière du village et se firent donc remarquer lorsque les Américains prirent possession de ces terres. Les autorités américaines obligèrent les Deux Esprits du village à s’habiller en hommes et à se couper les cheveux mais les membres du village s’y opposèrent violemment, jugeant injuste de les obliger à aller contre leur nature.
Avec l’arrivée de missionnaires dans la région, la situation pour les Badés s’aggrava avec le temps, les punitions devenant de plus en plus lourdes. Les pratiques d’Osh-Tisch furent condamnées jusqu’à la fin de sa vie, c’est sûrement la raison pour laquelle après sa mort, plus personne ne prit le rôle de Badé.