Solide ou liquide ? L’état physique du verre est l’un des problèmes majeurs de la physique moderne. Vous ne l’imaginiez peut-être pas mais la formation du verre intrigue toujours les spécialistes tant il semble être un matériau complexe. DGS vous apporte quelques éclaircissements sur une interrogation qui persiste encore de nos jours. 

Avant que Pilkington n’invente le procédé « float » qui a permis la production de plaques de verre totalement lisses au milieu du XIXe siècle, les vitres plates et régulières ne pouvaient être fabriquées. C’est pourquoi les vieilles fenêtres ont aujourd’hui un aspect irrégulier. Beaucoup expliquaient cette irrégularité à travers un phénomène selon lequel le verre est un liquide qui s’écoule très lentement au fil des siècles, ce qui le rendait de plus en plus courbé. Ce n’est pas tout à fait exact. Le verre ne se transforme pas sur des échelles de temps aussi « courtes » que des siècles. En revanche, la vraie nature du verre, sous une forme solide ou sous forme d’un liquide extrêmement visqueux, reste un mystère.

Déterminer si le verre peut passer de l’état liquide à l’état purement solide exige l’identification d’une transformation nette. Une sorte d’équivalence à la congélation de l’eau à l’état liquide en glace en raison des changements de température. Bien sûr, le verre peut être trouvé sous forme liquide, mais devient-il vraiment solide une fois qu’il se refroidit ? En réalité, on ne peut pas encore conclure avec certitude qu’une transition nette entre ces deux états puisse s’établir grâce au refroidissement.

La transition vitreuse

Le verre est si mal compris que si une transition nette est observée un jour, celle-ci ne sera probablement pas acceptée de manière universelle. Beaucoup s’accordent à dire « qu’il y a plus de théories de la transition vitreuse que de théoriciens qui les proposent ». Lors d’une révolution scientifique, de multiples interprétations concurrentes sont présentées avant que l’une d’entre elles ne soit considérée par la communauté scientifique comme étant correcte. A cet égard, notre tentative de compréhension exacte du phénomène par lequel un liquide rafraîchi puisse devenir un verre « idéal » est à l’aube de devenir l’objet d’une réelle révolution scientifique moderne.

La raison pour laquelle il est difficile d’observer une transformation d’un état liquide à un verre parfaitement solide est que, pour ce faire, nous devrions attendre un temps exceptionnellement long (beaucoup plus que des siècles) du fait de la lenteur du processus. Mais le comportement des liquides visqueux est trop surprenant pour se permettre d’attendre plusieurs siècles.

Si nous regardons le comportement microscopique de petits groupes de molécules, les liquides visqueux semblent osciller entre l’état solide et liquide. En effet, quelques régions composées de dizaines de molécules ont des caractéristiques proches d’un élément liquide tandis que d’autres semblent plus compatibles avec un élément solide. Au fil du temps, ces groupes évoluent, passant d’un état semblable au liquide à un état plus proche du solide. Ce phénomène diffère clairement de la congélation de l’eau au cours de laquelle toutes les molécules décident ensemble de se former en état solide.

Des tentatives ont déjà été effectuées pour essayer de comprendre comment les molécules se comportent dans un liquide visqueux. L’un des tests a conduit à utiliser la théorie de l’information, développée à Bletchley Park, consistant à décrypter des codes. A travers cette méthode, l’objectif est de comprendre comment les régions de molécules, qu’elles soient solides ou liquides, communiquent entre elles. Cela implique l’utilisation de calculs de plusieurs permutations et combinaisons d’interactions entre les atomes. Plus encore qu’il n’en fallait pour décrypter le codage Enigma.

Chaque groupe de molécules, qu’il soit semblable à un élément de forme solide ou liquide, communique avec d’autres groupes voisins. Simultanément, les régions de molécules solides se rassemblent pour former des icosaèdres, l’un des cinq solides platoniciens, comme l’avait compris Charles Franck, un physicien de l’université de Bristol. En ce qui concerne les molécules de type liquide, elles sont moins organisées, formant souvent des carrés et prismes triangulaires qui ne sont pas aussi rigides que les icosaèdres.

Cette analyse a démontré qu’au sein des icosaèdres le nombre de molécules de type solide augmente à mesure que le matériau devient de plus en plus visqueux. De fait, les régions de molécules organisées en icosaèdres voient leur taille s’agrandir au fur et à mesure. Finalement, toutes les molécules deviennent parties intégrantes de ces régions solides et le matériau devient dès lors, un verre « idéal ». La compréhension de ce phénomène nous amène à envisager de plus en plus sérieusement l’approche de la transition vitreuse. La résolution d’un tel problème pourrait donc marquer la fin d’une révolution scientifique relative à la transition vitreuse.

Un icosaèdre formé de molécules

 

Comprendre le comportement des matériaux formant le verre et savoir s’il peut exister un verre totalement solide est essentiel pour le développement des verres métalliques. Les propriétés mécaniques de ce type de verre, telles que la rigidité, sont supérieures aux métaux normaux. Une autre classe importante de verre sont les verres de chalcogénure. Ce type de verre est en effet utile à la fabrication de verres optiques et représente également une technologie d’avenir notamment pour la fabrication de pare-brises performants.

Le verre est une matière étrange ! Voilà des milliers d’années que l’homme parvient à en fabriquer dans des quantités volumineuses sans pour autant comprendre sa composition physique. Liquide visqueux ou solide ? Il serait en fait un intermédiaire. Malgré ces incertitudes, beaucoup s’accordent à dire que le verre est un matériau essentiel (grâce à ses propriétés écologiques) amené à se développer encore à l’avenir. Auriez-vous imaginé qu’il existe une incertitude quant à l’état physique du verre ?

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