
Afin de percer les secrets de la létalité de la grippe espagnole, des chercheurs ont séquencé le génome d’une souche précoce, révélant une certain nombre de mutations ayant renforcé la capacité du virus à infecter les cellules humaines.
Adaptations critiques
Les chiffres avancés varient beaucoup, mais on estime que la grippe espagnole a fait environ 50 millions de morts dans le monde entre 1918 et 1920, ce qui en ferait la pandémie la plus mortelle de l’histoire, devant la peste noire au XIVe siècle. Rien qu’en France, plus de 400 000 décès ont été enregistrés.
Si les techniques employées jusqu’à présent n’avaient pas permis le séquençage de l’ARN du virus impliqué (H1N1), une nouvelle approche a permis d’extraire des informations génétiques précieuses du poumon de l’une des victimes de la « première vague », un jeune Zurichois décédé le 15 juillet 1918.
Alors qu’il était largement supposé que le pathogène était devenu plus virulent à partir de l’automne, grâce à une série de mutations majeures, les auteurs de la nouvelle étude, publiée dans la revue BMC Biology, ont constaté que la souche virale précoce ayant circulé en Suisse entre le printemps et l’été en présentait déjà trois.
Il s’est avéré que deux de ces « adaptations critiques » renforçaient la capacité du virus à échapper à une protéine clé (MxA) produite par le système immunitaire humain, qui contribue à réduire le risque de transmission des virus grippaux de type aviaire. La dernière a modifié la forme de l’une des protéines de surface du pathogène, lui permettant de se lier plus efficacement aux récepteurs des cellules humaines.

Mieux prévoir l’évolution de futures pandémies
Selon Verena Schünemann, une meilleure compréhension de cet épisode dramatique de l’histoire récente a d’importantes implications pour la prévision de l’évolution de futures pandémies.
« Pour la première fois, nous disposons d’un génome grippal suisse », souligne la chercheuse. « Il nous offre un aperçu unique de la dynamique d’adaptation du virus au début de la pandémie en Europe. »
L’an passé, une étude avait suggéré une origine accidentelle pour la mystérieuse pandémie de grippe H1N1 de 1977.