La crise des missiles de Cuba fait peser sur le monde la crainte d’une Troisième Guerre mondiale opposant les États-Unis à l’Union soviétique en 1962. Si l’apocalypse nucléaire a pu être évitée, c’est principalement grâce à Vassili Arkhipov, un commandant soviétique qui a su garder la tête froide au plus fort de la crise et prendre une décision salvatrice.

UNE CRISE MAJEURE

Du 16 au 28 octobre 1962, les États-Unis et l’Union soviétique s’engagent dans une impasse potentiellement cataclysmique. Il s’agit de la crise des missiles de Cuba, un conflit de 13 jours qui va voir les deux superpuissances passer très près de la guerre nucléaire. Comme le reconnaîtra plus tard Arthur Schlesinger, membre de l’administration de John F. Kennedy : « Il s’agissait du moment le plus dangereux de l’histoire de l’humanité ».

Les services secrets américains recueillent depuis des semaines des preuves de l’activité militaire des soviétiques à Cuba, et le 14 octobre, l’un de leurs avions espions parvient à photographier un site de lancement de missiles en construction sur l’île. La côte américaine ne se trouvant qu’à 150 kilomètres de Cuba, ces missiles pourraient potentiellement atteindre la plupart des villes de la côte Est en l’espace de quelques minutes.

La photographie aérienne du site de lancement de missiles en construction à Cuba prise par un avion-espion américain

Après que les États-Unis ont placé des missiles en Italie et à proximité de la frontière turque, les Soviétiques et le gouvernement communiste cubain ont secrètement conclu un accord ayant débouché sur la mise en place des missiles sur l’île en juillet 1962. Il s’agit pour eux de montrer aux américains qu’ils sont en mesure de répliquer en cas d’attaque, et de prévenir une nouvelle invasion de l’île, après que celle lancée en 1961 ait échoué.

Percevant ces manœuvres militaires comme une menace majeure pour la sécurité du pays, le gouvernement de John F. Kennedy opte le 22 octobre pour un blocus autour de l’île afin d’empêcher les navires soviétiques d’y accéder. Il lance ensuite un ultimatum aux Soviétiques, exigeant qu’ils retirent leurs missiles nucléaires de Cuba.

Suite à une série d’âpres négociations au cours des jours suivants, Américains et Soviétiques parviennent à un accord censé mettre fin au conflit le 28 octobre 1962. Mais alors que les choses semblent s’arranger sur le plan diplomatique, l’avenir du monde se joue sous la surface, en pleine mer des Caraïbes.

Vassili Arkhipov, officier de marine soviétique âgé de 34 ans, est l’un des trois commandants à bord du sous-marin B-59 stationné près de Cuba depuis le 27 octobre. Ce dernier ayant reçu l’ordre de rester en profondeur pour échapper à la surveillance des américains, il est depuis coupé de toute communication avec la surface.

LE SOUS-MARIN B-59 EST COUPÉ DE TOUTE COMMUNICATION AVEC LA SURFACE DEPUIS LE 27 OCTOBRE 1962

Dans l’espoir de forcer le sous-marin a refaire surface, la marine américaine largue plusieurs bombes sous-marines non létales. Ce que les États-Unis ne savent pas, c’est que le B-59 est armé d’une torpille nucléaire qu’il est habilité à lancer sans attendre l’approbation de l’état-major soviétique en cas d’attaque.

Le sous-marin soviétique B-59

Paniqués par les explosions répétées et désorientés par la chaleur accablante qui règne à bord du sous-marin, les marins soviétiques craignent d’être la cible d’une attaque américaine et imaginent même que la guerre nucléaire a déjà débuté.

Comme l’explique Anatoly Andreev, membre d’équipage du B-59 :

« Durant les quatre derniers jours, nous avons été contraints de rester dans les profondeurs. L’air est étouffant et ma tête est sur le point d’exploser. Aujourd’hui, trois marins se sont évanouis à cause de la chaleur. La teneur en dioxyde de carbone augmente et nos réserves d’énergie diminuent. La température dans certaines sections du sous-marin dépasse les 50 degrés. »

Valentin Savitsky, l’un des trois commandants du sous-marin, somme ses hommes de préparer le lancement de la torpille nucléaire, qui possède une puissance équivalente à celle larguée dans le ciel d’Hiroshima : « On va faire sauter ces navires américains maintenant ! Nous mourrons probablement, mais nous les coulerons tous et ne deviendrons ainsi pas la risée de la flotte ».

Cependant, Savitsky doit recevoir l’approbation des deux autres commandants pour pouvoir mettre sa menace à exécution. Si Ivan Maslennikov donne rapidement son accord, Vassili Arkhipov refuse catégoriquement.

VASSILI ARKHIPOV REFUSE CATÉGORIQUEMENT DE DONNER SON ACCORD POUR LE LANCEMENT DE LA TORPILLE NUCLÉAIRE

Gardant la tête froide au milieu du chaos qui règne à bord, Arkhipov réussit à convaincre Savitsky que les Américains ne cherchent pas à détruire leur sous-marin, mais plutôt à lui faire quitter les profondeurs de la mer des Caraïbes. Lorsque celui-ci refait finalement surface, son équipage constate que la guerre n’a pas eu lieu et met le cap vers l’Est.

Il faudra attendre quarante ans avant que l’acte héroïque de Vassili Arkhipov ne soit révélé

Si Vassili Arkhipov n’avait pas été là pour empêcher le lancement de la torpille nucléaire, de nombreux historiens s’accordent à dire que la Troisième Guerre mondiale aurait probablement débuté, provoquant une apocalypse nucléaire sans précédent qui aurait causé un nombre incalculable de victimes. Fait étonnant : Il a fallu attendre 2002 pour que l’histoire de ce héros méconnu et l’existence de la torpille nucléaire embarquée par le B-59 ne soient révélées par l’un des officiers présents à bord.

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