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Une pollution atmosphérique record : les lancements de fusées et satellites menacent notre climat depuis la stratosphère

L’industrie spatiale, en pleine expansion, pollue les couches hautes de l’atmosphère bien au-delà des préoccupations habituelles. Une nouvelle menace pour le climat et la couche d’ozone se dessine.

Nuage de pollution et débris spatiaux observés au-dessus de la Terre, conséquence des activités humaines en orbite.
Pollution spatiale et atmosphérique causée par l’accumulation de satellites et débris en orbite – DailyGeekShow.com / Imagen

Le boom des lancements de satellites enflamme la stratosphère : 153 000 tonnes de carburant brûlées en 2024

Fusee Starship
© Official SpaceX Photos / Flickr

On ne les remarque même plus. Les satellites filent dans le ciel, silencieux. Nous les applaudissons pour ce qu’ils promettent : une connectivité mondiale, une surveillance précise de la Terre, des communications instantanées. Mais ce progrès a un coût caché. Et il est gigantesque.

En 2024, 259 lancements orbitaux ont eu lieu dans le monde. C’est une fréquence record, alimentée par des projets comme Starlink, OneWeb ou encore Thousand Sails, qui prévoient de mettre en orbite des dizaines de milliers de satellites. Pour les propulser, il a fallu brûler 153 000 tonnes de carburant.

Une quantité astronomique, littéralement. Cette pollution ne se contente pas de rester au sol : elle cible la stratosphère, où les effets sont décuplés.

Mais la pollution ne s’arrête pas au lancement. Quand les satellites en fin de vie rentrent dans l’atmosphère, ils se désintègrent en libérant des particules métalliques.

En 2024, cela a concerné 2 539 objets, pour un total de 13 500 tonnes de matériaux brûlés. Ces débris sont invisibles à l’œil nu. Pourtant, ils ne sont pas inoffensifs : leur impact climatique est jusqu’à 500 fois plus fort que des émissions à basse altitude, selon les travaux de l’University College London.

Suie, alumine, composés chlorés : un cocktail chimique toxique et persistant qui détruit la couche d’ozone

Contrairement aux industries terrestres, les fusées polluent directement les zones climatiquement sensibles de notre atmosphère : la stratosphère (15 à 50 km d’altitude) et la mésosphère (jusqu’à 80 km). Là-haut, les émissions sont rares. Toutefois, leur durée de vie est extrêmement longue. C’est précisément ce qui les rend redoutables.

Les émissions des fusées comprennent :

  • Suie (black carbon), 78 % émise au-dessus de 40 km
  • Alumine (Al₂O₃), qui absorbe le rayonnement infrarouge
  • Composés chlorés, responsables de la destruction de la couche d’ozone
  • NOx, CO₂, vapeur d’eau, également perturbateurs climatiques

Ces substances interagissent avec la chimie atmosphérique. Elles affaiblissent l’effet parasol de la couche d’ozone et accentuent le réchauffement global. Les modèles les plus récents, validés par la NASA et l’UCL, indiquent que ces émissions spatiales ont un pouvoir radiatif disproportionné.

Et ce n’est que le début. La croissance exponentielle des déploiements satellitaires continue. En l’absence d’encadrement rigoureux, l’espace pourrait devenir une nouvelle source majeure de perturbation climatique.

Observer pour agir : la mission TEMPO traque les pollutions depuis l’espace

Face à cette nouvelle pollution, la science s’organise. En 2023, la NASA a lancé la mission TEMPO, un instrument placé en orbite géostationnaire pour surveiller en continu les polluants atmosphériques. Grâce à lui, il est possible de suivre à l’heure près les concentrations d’ozone, de NO₂ ou de formaldéhyde au-dessus de l’Amérique du Nord.

TEMPO a déjà permis de valider des modèles d’alerte en moins de trois heures. Il permet aussi de repérer les signaux faibles émis par les rentrées spatiales. Plus de 800 institutions exploitent ses données pour affiner leurs prévisions. Elles peuvent ainsi alerter les populations en cas de pics de pollution.

Les prochaines étapes incluent l’étude des aérosols issus des désintégrations de satellites. Cette donnée est cruciale pour comprendre l’ampleur réelle du phénomène. Car si l’espace inspire, il pollue aussi. Et notre atmosphère n’a jamais été aussi sollicitée, par en bas comme par le haut.

Par Eric Rafidiarimanana, le

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