
Les détecteurs d’ondes gravitationnelles ont enregistré une collision d’une ampleur inégalée. Cette découverte remet en cause nos modèles actuels sur la formation des trous noirs.
Un trou noir de 225 masses solaires : un record absolu qui redéfinit la genèse cosmique
C’est une découverte monumentale. Des chercheurs de la collaboration LIGO-Virgo-KAGRA ont identifié un signal baptisé GW231123, émis par une fusion entre deux trous noirs. L’objet résultant atteint une masse estimée à 225 fois celle du Soleil, pulvérisant les records précédents.
Jusqu’à présent, les plus gros objets repérés via les ondes gravitationnelles restaient bien en deçà. En 2015, LIGO révélait une fusion menant à un trou noir de 62 masses solaires, tandis que le précédent record, GW190521, plafonnait à 140 masses solaires.
Mais GW231123 change la donne. Les deux trous noirs à l’origine de cette collision semblent eux-mêmes être le fruit de fusions antérieures. Il ne s’agirait donc pas de simples trous noirs stellaires issus de l’effondrement d’étoiles massives, mais de trous noirs de deuxième génération, formés à partir de fusions successives. Ce phénomène suggère que ces objets cosmiques pourraient évoluer en cascade, au sein d’amas denses d’étoiles.
Ce scénario oblige les astrophysiciens à revoir leurs modèles d’évolution stellaire et galactique. Il soulève également de nouvelles hypothèses : dans quelles régions de l’Univers ces fusions en chaîne sont-elles possibles ? Et jusqu’où cette croissance peut-elle aller ?
Une vitesse de rotation vertigineuse qui met la théorie d’Einstein à l’épreuve

Mais ce n’est pas tout. Ces géants ne battent pas seulement des records de masse, ils tournent aussi à une vitesse de rotation (ou spin) vertigineuse. Leur mouvement approche les limites physiques fixées par la relativité générale.
Cette rotation dépasse les capacités actuelles d’analyse. Les modèles théoriques ne prévoient une telle intensité que dans des conditions extrêmes. Les chercheurs peinent à expliquer l’origine d’un tel spin, notamment si ces trous noirs sont bien le fruit de fusions multiples.
Comme l’indique Gregorio Carullo de l’université de Birmingham, il faudra probablement des années d’analyses croisées pour décoder ce signal. Il précise que certains comportements enregistrés ne peuvent pas encore être reproduits en laboratoire ou modélisés avec précision, ce qui pousse la physique gravitationnelle à ses limites.
Cette anomalie remet aussi en question nos connaissances sur la conservation du moment angulaire lors des fusions. À quoi ressembleraient des objets encore plus rapides ? Peut-on atteindre un point où la relativité elle-même cèderait sous la pression de ces masses en rotation ?
Une base de données ouverte pour explorer cette énigme collective
Face à l’ampleur de cette découverte, les scientifiques ont décidé de jouer la carte de l’ouverture. Toutes les données liées au signal GW231123 sont désormais accessibles via le Gravitational Wave Open Science Center.
Cette initiative permet à la communauté scientifique mondiale de se saisir du sujet. Physiciens, mathématiciens, ingénieurs peuvent ainsi croiser leurs modèles, partager leurs outils et affiner l’interprétation collective de cette fusion hors norme.
Au-delà de l’événement, cette transparence illustre une nouvelle façon de faire de la science : collaborative, distribuée et accélérée. L’Univers vient de nous lancer un défi inédit, et c’est ensemble que nous pourrons, peut-être, le relever.
Leur mouvement approche les limites physiques fixées par la relativité générale.