Chez un ver plat microscopique, certains individus naissent avec deux têtes parfaitement formées, capables de vivre et de se reproduire normalement. Cette découverte étonnante bouscule notre compréhension des limites du vivant et ouvre de nouvelles pistes pour la régénération tissulaire.

Chez un ver plat microscopique, la reproduction asexuée peut conduire à des anomalies qui bousculent la biologie
Le ver plat Stenostomum brevipharyngium est une espèce microscopique qui se reproduit par paratomie, un mode de reproduction asexuée. Dans ce processus, un nouvel individu se forme à partir du corps même du parent. En principe, chaque ver issu de cette division possède une tête et une queue. Pourtant, les chercheurs ont observé une anomalie fascinante : la naissance de vers dotés de deux têtes.
Ces vers présentent une anomalie de développement provoquée par une erreur de signalement cellulaire. Les cellules souches, qui devraient former une queue, reçoivent une information incorrecte. À la place, elles produisent une seconde tête. Aucun tissu caudal n’apparaît dans ces cas-là.
Deux cerveaux bien différenciés dans un seul corps : des organismes viables et étonnamment fonctionnels

Les analyses ont montré que chaque tête dispose d’un cerveau fonctionnel. La tête située à l’arrière présente une polarité inversée par rapport à la tête avant. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette anomalie ne les rend pas inaptes à la vie. Ces vers continuent à vivre, à se déplacer et même à se reproduire normalement.
Encore plus surprenant, certains d’entre eux parviennent à régénérer une queue à l’emplacement d’une tête, modifiant entièrement leur axe corporel. Cette capacité de réorganisation sans conséquence négative démontre ce que les chercheurs qualifient d’inversion stable de la polarité. Ce phénomène est extrêmement rare chez les animaux bilatériens.
En laboratoire, la manipulation de signaux bioélectriques modifie la forme corporelle des vers
Ces vers sont déjà connus pour leur aptitude à régénérer leur corps à partir de fragments. Toutefois, les scientifiques ont découvert qu’en manipulant certains signaux bioélectriques, ils pouvaient induire la création d’une tête supplémentaire ou même de deux queues.
Ces résultats, publiés dans les Actes de la Royal Society B, soulèvent des questions fondamentales sur la plasticité corporelle. Comment un être vivant peut-il tolérer une transformation aussi radicale ? Quel rôle joue la bioélectricité dans cette souplesse morphologique ?
Un modèle biologique unique qui pourrait révolutionner la médecine régénérative humaine
Cette découverte oblige à repenser notre compréhension de la morphogenèse et de la régénération. Les vers à deux têtes ne représentent pas une simple anomalie, mais plutôt un modèle biologique unique. Ils offrent aux chercheurs un terrain d’expérimentation pour mieux comprendre la souplesse du développement animal.
À long terme, explorer ces mécanismes pourrait inspirer des progrès en médecine régénérative. La reprogrammation cellulaire, par exemple, pourrait un jour permettre à l’être humain de reconstruire ou de réorganiser ses tissus à la manière de ces vers, en réponse à des signaux biochimiques ou électriques adaptés.
Par Eric Rafidiarimanana, le
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