
Dans une grotte isolée du nord de la Norvège, des scientifiques ont trouvé des restes d’animaux parfaitement conservés. Ces ossements, piégés dans la glace depuis 75 000 ans, offrent une fenêtre rare sur un Arctique plus doux… mais instable.
Comment une grotte oubliée est devenue un congélateur naturel de biodiversité
L’histoire commence dans le comté de Nordland. Un forage minier, réalisé il y a trente ans, avait révélé l’accès à Arne Qvamgrotta. Restée fermée, la grotte n’avait jamais été explorée. Entre 2021 et 2022, une équipe norvégienne et britannique y lance enfin des fouilles.
Protégée du soleil et des variations de température, la cavité a agi comme un congélateur naturel. Les chercheurs y découvrent plus de 170 fragments d’os et de dents. Ils appartiennent à au moins 46 espèces.
Grâce à la datation et au séquençage ADN, les scientifiques identifient un écosystème complet. On y trouve mammifères terrestres (renne, renard polaire), animaux marins (phoque annelé, morse, baleine boréale) et oiseaux comme le macareux moine.
Ainsi, pour la première fois, une image précise du haut Arctique lors d’un épisode tempéré du Pléistocène se dessine.
Ce que révèlent ces ossements sur un Arctique plus chaud mais vulnérable
À l’époque, le climat était plus doux, ce qui avait repoussé temporairement les calottes glaciaires. Des rivières libres de glace et une toundra côtière riche accueillaient des espèces aujourd’hui cantonnées au Grand Nord.
Mais cette prospérité n’a pas duré. Quand les températures ont chuté brutalement, beaucoup d’espèces n’ont pas pu migrer vers des zones refuges. Les analyses ADN révèlent même des lignées éteintes aujourd’hui.
Pour la professeure Sanne Boessenkool, cette histoire montre que « la spécialisation écologique peut devenir un piège évolutif lorsque le climat bascule ».
Des espèces disparues et un habitat polaire aujourd’hui fragmenté
Parmi les découvertes marquantes figure le lemming à collier, disparu d’Europe et jamais signalé auparavant en Scandinavie. Sa présence indique que la toundra arctique s’étendait bien au-delà de ses limites actuelles.
La faune marine portait aussi la marque d’un environnement plus libre de glace. Les restes de marsouin commun prouvent que le littoral norvégien bénéficiait alors de mers ouvertes une partie de l’année.
Aujourd’hui, ces vastes territoires ont laissé place à des habitats fragmentés. Routes, infrastructures et réchauffement rapide limitent les migrations. « Les espèces arctiques d’alors pouvaient se déplacer librement. Ce n’est plus le cas », souligne le paléoécologue Sam Walker.
Ainsi, la grotte d’Arne Qvamgrotta ne raconte pas seulement un passé perdu : elle alerte aussi sur l’avenir d’une biodiversité polaire déjà menacée.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Sciences, Actualités, Histoire