Un fossile qui sommeille, un regard neuf qui le révèle, et soudain l’histoire prend un virage. C’est exactement ce qui s’est produit avec Newtonsaurus cambrensis, un dinosaure carnivore du Trias tardif resté trop longtemps dans l’ombre.

Un fossile trouvé en 1899… et mal identifié pendant plus d’un siècle
Tout commence en 1899. Sur la colline de Stormy Down, au pays de Galles, un maçon découvre un fragment de mâchoire fossilisé pris dans une dalle de grès. Le fossile rejoint d’abord les collections du British Geological Survey, puis s’installe au National Museum of Wales. Et là, il va dormir pendant plus d’un siècle.
À l’époque, le paléontologue Edwin Tully Newton l’analyse. Il le classe, avec prudence, dans le genre Zanclodon, un groupe aujourd’hui considéré comme flou et obsolète. Le fossile intrigue, change d’étiquette au fil du temps : certains y voient un reptile, d’autres un archosaure… Mais personne ne parvient à le situer clairement dans l’arbre de l’évolution. Il reste exposé, mais muet.
En 2025, la modélisation 3D lui redonne enfin une voix
Cependant, il faut attendre 2025 pour que la technologie ravive son histoire. Une équipe de l’université de Bristol, dirigée par le professeur Michael Benton, relance l’enquête.

Le doctorant Owain Evans travaille sur des moulages du fossile, car l’os d’origine a été perdu. Grâce à la photogrammétrie, il scanne les deux faces du moule, inverse l’une d’elles pour créer un « négatif numérique », puis les fusionne en un modèle 3D.
Ce modèle permet alors de visualiser des détails impossibles à observer à l’œil nu : rainures, trous, emplacements dentaires… Et cette fois, le verdict est clair. Le fossile appartient bien à un théropode, un dinosaure carnivore bipède, et non à un simple reptile comme on l’avait cru pendant des décennies.
Newtonsaurus cambrensis : un carnivore géant, bien plus ancien qu’on ne le pensait

Ainsi, ce dinosaure, désormais baptisé Newtonsaurus cambrensis, change la donne. Long de cinq à sept mètres, armé de dents acérées et doté d’une mâchoire puissante, il s’impose comme l’un des plus grands prédateurs du Trias. Or, jusqu’ici, on pensait que ces géants étaient apparus plus tard, au Jurassique.
Son anatomie est unique. Elle ne ressemble à aucune autre espèce connue, au point qu’un nouveau genre a été créé pour l’accueillir. Surtout, cette redécouverte montre que les dinosaures carnivores régnaient déjà sur les rivages d’Europe, bien avant les stars jurassiques.
C’est une révolution discrète mais profonde. Et une preuve, s’il en fallait, que les vitrines des musées peuvent encore cacher des trésors capables de bouleverser notre vision du passé.
Quand les fossiles oubliés réécrivent l’histoire
En fin de compte, ce que révèle Newtonsaurus cambrensis, ce n’est pas seulement l’existence d’un nouveau dinosaure. C’est aussi notre capacité, parfois tardive, à réentendre ce que la pierre tente de nous dire depuis des siècles. Grâce aux outils d’aujourd’hui, les erreurs d’hier deviennent des pistes. Et les fossiles qu’on croyait muets reprennent la parole.
Par conséquent, cette découverte rappelle que la science n’avance pas toujours en ligne droite. Elle progresse par révisions, réinterprétations, et parfois, par des coups de théâtre venus des réserves poussiéreuses d’un musée. Il reste encore des milliers de spécimens à redécouvrir. Et qui sait combien d’histoires comme celle-ci attendent leur réveil ?
Par Eric Rafidiarimanana, le