L’humanité n’est pas encore capable de peupler le cosmos, mais les scientifiques y pensent déjà ! Où donc installer notre première colonie extraterrestre ? Des scientifiques se sont penchés sur le cas de Titan, un satellite de Saturne dans une étude publiée dans le Journal of Astrobiology and Outreach.
Un astre très particulier
Découverte en 1655 par le hollandais Christian Huygens, Titan est la plus grosse des nombreuses lunes de Saturne avec un diamètre de 5000 km environ (contre 12 000 pour la Terre). Longtemps difficile à observer en raison de la proximité de sa planète et de sa distance, les sondes des années 1980 (Voyager-1 et Voyager-2) ne font que la survoler brièvement. Il faut attendre les années 2000 pour que des missions spatiales s’attaquent à l’étude de Titan. L’orbiteur Cassini atteint la région de cette lune en 2004, qu’il survole à de multiples reprises. Un an plus tard, l’engin de l’ESA Huygens se pose sur sa surface pour des études encore plus poussées sur son atmosphère et sa composition.
Nous disposons donc aujourd’hui de beaucoup plus d’informations sur ce corps céleste. Titan possède une atmosphère. Celle-ci est composée essentiellement de diazote mais aussi de méthane et d’autres hydrocarbures. La température y est d’environ -200 °C, ce qui empêche la présence d’eau sublimée en surface. La surface est donc majoritairement composée d’eau gelée (mélangée à de l’ammoniac et d’autres composants) et de roche. Mais les observations montrent la présence de rivières et de mers de titane (qui ne gèle pas malgré les basses températures). Il s’agit donc du seul objet de notre système solaire avec le nôtre à avoir des liquides présents en surface. De nombreux indices laissent en outre supposer la présence d’un océan liquide sous la croûte du satellite.
Une lune riche en énergie
Les conditions sont donc extrêmes : pluies d’hydrocarbures, température glaciale, luminosité faible. Mais certains considèrent que cette lune est tout de même l’endroit le plus propice à l’installation d’une colonie humaine, à 1,3 milliards de kilomètre de la Terre. Un projet de long terme qui pourrait bien ne jamais voir le jour mais que les scientifiques cherchent pourtant d’ors et déjà à préparer. Le grand avantage comparatif de Titan est son potentiel énergétique impressionnant.
Les solutions les plus évidentes sont pour l’instant écartées. Ainsi la combustion des hydrocarbures présents sur la lune est impossible, car l’oxygène nécessaire pour les brûler n’y existe pas. L’énergie atomique, qui pourrait être une option intéressante, est elle aussi pour l’instant exclue, car nous n’en savons pas encore assez sur la géologie de cette lune.
Mais les sources d’énergie alternatives imaginées sont multiples : le vent, l’énergie solaire et l’énergie hydroélectrique. On peut imaginer des éoliennes sur Titan, qui pourraient donner de l’électricité. Des immenses centrales de panneaux solaires, dont la taille, estimée équivalente à la surface des États-Unis d’Amérique, compenserait le très faible ensoleillement. Surtout, avec la présence de liquides, les scientifiques espèrent pouvoir tirer une importante source d’énergie des forces marée-motrices issues de l’attraction de Saturne.
Un défi technologique d’envergure
Évidemment, les choses ne sont pas si simples. Tirer son énergie du vent sur Titan est à l’heure actuelle impossible : l’air se déplace principalement en haute altitude, dans l’atmosphère. Nos technologies ne nous permettent pas aujourd’hui de la capter. L’idée de la centrale solaire est en théorie bonne, mais la construction d’un projet d’une telle envergure peut faire douter les plus optimistes.
Finalement, c’est peut être l’option hydro-électrique qui est la plus plausible. Les scientifiques ont d’ailleurs déjà localisé un emplacement idéal : un petit détroit du nom de Seldon Fretum. Aussi surnommé la « Gorge du Kraken« , il est comparable par sa taille au détroit de Gibraltar. » Nous sommes à peu près sûrs qu’il y a un fort flux d’avant en arrière chaque jour sur Titan. Si vous voulez une source fiable que vous savez accessible, c’est ici que j’irai « , précise Ralph Lorenz, de l’université John Hopkins (qui n’est pas un auteur de cette étude).
Une colonie autosuffisante
» Alors que la température, la gravité et les conditions de vent sur Titan signifient que l’efficacité de la production d’énergie est généralement plus faible que sur Terre, la richesse des ressources naturelles de Titan implique néanmoins que la production d’énergie sur Titan est une possibilité significative « , expliquent Amanda Hendrix (du Planetary Science Institute) et Yuk Yung ( du California Institute of Technology) dans leur conclusion. Mais pour cela, il faut donc en premier lieu améliorer nos techniques pour tirer le meilleur parti de ses abondantes sources d’énergie. La bonne nouvelle est que nous avons le choix.
De toute manière, un vol habité sur une telle distance est pour l’instant impossible. Cela ne pourra se faire que » lorsque les défis de la propulsion seront surmontés, permettant aux humains de parcourir de grandes distances rapidement, sans subir de radiations [solaires] « , précisent les chercheurs. Les premiers explorateurs seraient des robots qui prépareraient la venue de l’homme. Mais nous avons le temps : » Je pense qu’à long terme, après Mars, Titan est probablement l’endroit suivant le plus important où les gens auront une présence prolongée. « , nous dit Ralph Lorenz.
D’après les calculs, Titan a assez d’énergie pour éclairer des centaines de millions d’humains et leur fournir l’oxygène, l’eau, et les denrées alimentaires dont ils auront besoin pour tenir si loin de chez eux…et pour aller plus loin ! Car l’avantage principal de cette colonie est que grâce au carburant qu’elle abrite, on pourrait y faire décoller des fusées, nous permettant d’atteindre des zones encore plus éloignées. Cela ferait de cette colonie une sorte d’avant-poste pour explorateurs spatiaux.
Par Tristan Castel, le
Source: Science Alert
Étiquettes: astronomie, colonisation, titan, ressources
Catégories: Sciences, Actualités